![Amélie Simier. Photo service de presse. © Agence photographique du musée Rodin / Pauline Hisbacq](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/407d8454dcbf8645d24934427529218378de3720-1.png)
Forte d’un impeccable bilan à la tête du musée qu’elle dirige depuis 2021, sa directrice vient d’être reconduite sur proposition de la ministre de la Culture Rachida Dati pour un deuxième mandat de trois ans. Il verra se poursuivre l’objectif de l’institution de placer le visiteur au cœur de ses préoccupations tout en demeurant fidèle à sa mission de protection et de valorisation de l’œuvre de Rodin. Décryptage des raisons d’un succès.
600 000 visiteurs. C’était l’objectif que s’était fixée la directrice pour 2025. Mission accomplie avec un an d’avance, puisque dès 2023 le musée Rodin dépassait ce seuil non atteint depuis 2014. La recette du succès ? Une programmation riche, exigeante, mais populaire qui, malgré le contexte sanitaire et économique, a permis d’attirer au musée de nouveaux visiteurs. La mise en place des soirées thématiques « Love » et « Bienvenue en Enfer » a notamment suscité l’intérêt des moins de 26 ans qui représentent désormais 25 % du visitorat. Le très jeune public a également fait l’objet d’un soin particulier, puisque depuis 2022 lui est consacré plusieurs mois dans l’année un vaste espace pédagogique baptisé « Atelier Rodin ». Accessible dès l’âge de trois ans, il lui offre d’appréhender l’art du maître par le dessin, le modelage, ou encore l’assemblage. Ouverte jusqu’au 1er septembre, cette troisième édition met, Jeux olympiques et paralympiques obligent, l’accent sur le corps en mouvement.
![L'Atelier Rodin. © Agence photographique du musée Rodin / Jérôme Manoukian](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/07/2024_04_05_scenographie_atelier_rodin_jm012.jpg)
De Zadkine à Rodin
Si Amélie Simier sculptait en amatrice dans ses jeunes années, c’est pourtant vers des études de lettres et d’anglais qu’elle s’oriente d’abord, avant de passer les concours de la conservation. Spécialisée dans la sculpture du XIXe et du XXe siècle, elle devient d’abord conservatrice en charge des sculptures modernes du Petit Palais. Elle prend ensuite la tête du musée Zadkine et est nommée en 2011 aux commandes du musée Bourdelle, « petit frère » du musée Rodin sur le modèle duquel il fut créé en 1949. Dix ans plus tard, lorsque Catherine Chevillot quitte le musée après trois mandats pour prendre les rênes de la Cité de l’architecture et du patrimoine, son profil fait d’elle la candidate idéale à sa succession.
Un musée autofinancé
Sous sa direction se poursuit l’activité d’édition, essentielle au modèle économique de l’institution qui, combinée aux recettes de la billetterie, de la boutique du musée et aux locations d’espaces, lui permet d’être autofinancée à 100 %. « Un cercle vertueux conforme au vœu de Rodin », rappelle la directrice. Ouvert en 1919, le musée est en effet l’ayant droit du sculpteur et peut, à ce titre, procéder à l’édition de bronzes originaux. Les années 2022 et 2023 ont ainsi été marquées par d’importantes ventes de tirages. N’espérez cependant plus commander une fonte originale du Penseur, du Balzac ou des Bourgeois de Calais : leur quota de tirages numérotés (8 + 4 épreuves d’artiste) a déjà été atteint. Avis aux amateurs au goût monumental : quelques tirages de la Porte de l’Enfer demeurent disponibles. Le dernier en date remonte à 2016 : il était destiné au musée Soumaya – Fondation Carlos Slim de Mexico. Parmi les fontes récentes, il faut bien sûr citer les trois exemplaires du Victor Hugo nu, colosse de bronze de 220 cm pour 250 kg fondu l’an passé sous l’impulsion du regretté Léonard Gianadda : l’un trône désormais dans les jardins du musée, un autre a été offert à Besançon, ville natale du poète, quand le troisième a pris place dans le jardin de sculptures de la fondation du magnat à Martigny, en Suisse. Si ces tirages ont été exécutés par la fonderie de Coubertin, le musée travaille également avec la fonderie Susse, selon le principe des marchés publics.
![Auguste Rodin (1840-1917), Victor Hugo nu debout, grand modèle, 1891-1895 (modèle), 2023 (fonte). Bronze, 220 x 96 x 135 cm. Paris, musée Rodin. Photo service de presse. © Agence photographique du musée Rodin / Jérôme Manoukian](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/07/S.06804_Victor-Hugo-nu-debout_numJM001.jpg)
Une exposition à venir : Histoire d’une robe de chambre
« Comment reproduire un corps qui n’est pas idéal ? » Cette problématique formulée par Amélie Simier sera au cœur de la prochaine exposition orchestrée par le musée en octobre prochain. Placée sous le commissariat de Marine Kisiel, conservatrice en charge du département mode XIXe siècle au Palais Galliera, elle retracera les investigations conduites par Rodin sur le corps de Balzac dans le cadre de la commande de son monument. Organisée autour de la robe de chambre, véritable « fantôme de plâtre » conservé au musée et utilisé par Rodin pour préparer sa sculpture, elle évoquera notamment sa quête des mensurations de l’écrivain, qu’il obtiendra en sollicitant son authentique tailleur qui les avait conservées.
![Auguste Rodin (1840-1917), Étude de robe de chambre pour Balzac, 1897. Plâtre, épreuve issue d’un moule à creux-perdu et enduite de plâtre, 148 x 57,5 x 42 cm. Paris, musée Rodin. Photo service de presse. © Agence photographique du musée Rodin / Jérôme Manoukian](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/s-146_web_numjm001.jpg)
Une restauration récente : Le Penseur à nouveau protégé
Entre le 3 et le 16 juin, le musée Rodin a offert une cure de jouvence au célèbre Penseur qui, depuis 1922, médite, perché sur son pilier, entre les buis du jardin. « Il s’agissait de protéger la surface de l’œuvre des intempéries et de la pollution atmosphérique, précise la directrice. La dernière intervention datait de 2016. » L’équipe de restauratrices a tout d’abord usé d’un biocide afin d’éliminer les matières organiques se développant sur la pierre du socle, avant de concentrer leurs soins sur la sculpture, qui a d’abord été nettoyée et dégagée des couches de cire microcristalline protégeant le bronze, avant d’être débarrassée des produits de corrosion la recouvrant. Le choix de la cire protectrice la mieux adaptée à son environnement a fait l’objet d’une attention particulière : mi-février, huit lamelles de bronze recouvertes de cires différentes ont pris place dans les jardins afin de déterminer celle qui fournirait au colosse de bronze la protection la plus stable.
![Le Penseur dans les jardins du musée Rodin (avant restauration). © Agence photographique du musée Rodin / Jérôme Manoukian](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/Le-Penseur-©agence-photographique-du-musee-Rodin-Jerome-Manoukian.jpg)
Un coup de cœur : Buste de jeune femme aux roses dans les cheveux
Lorsque l’on demande à Amélie Simier quel serait son coup de cœur parmi les collections du musée, elle vous entraîne dans l’aile ouest de l’hôtel Biron, où se trouve la salle dédiée aux œuvres de jeunesse de Rodin. C’est là qu’a pris place depuis quelques mois un ravissant portrait de jeune fille en terre cuite acquis auprès de la galerie Nicolas Bourriaud avec le soutien de la maison Dior, qui depuis quelques années a pris le pli de présenter ses nouvelles collections dans les jardins du musée. Si au premier coup d’œil la gracieuse demoiselle parée de fleurs évoque irrésistiblement l’art de Carrier-Belleuse, une observation plus attentive permet de comprendre qu’elle est en réalité l’œuvre de Rodin, son jeune élève alors âgé d’une vingtaine d’années. Il ne s’agit déjà plus d’un buste de fantaisie purement décoratif : le sculpteur individualise les traits juvéniles du modèle à l’air pensif et à la chevelure traitée très librement. À cette époque de sa vie, dans les années 1863-1865, Rodin a son atelier au sein d’anciennes écuries mal chauffées, louées faubourg Saint-Marcel au chimiste-verrier Charles Feil. C’est là qu’il met au point ses premières œuvres, dont ce buste qu’il décidera d’offrir à son bailleur. « En 1900, devenu immensément célèbre, Rodin acceptera rétrospectivement de le signer, explique la directrice. Par ce geste, l’artiste désormais accompli reconnaît pleinement cette production de jeunesse. »
![Auguste Rodin (1840-1917), Buste de jeune femme aux roses dans les cheveux, 1863-1865. Terre cuite, 39,6 x 26 x 22 cm. Paris, musée Rodin. Photo service de presse. © Agence photographique du musée Rodin / Jérôme Manoukian](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/07/S.6805_Buste-de-jeune-femme-aux-roses-dans-les-cheveux_numJM001.jpg)
Olivier Paze-Mazzi
Musée Rodin
77 Rue de Varenne, 75007 Paris
www.musee-rodin.fr