La connaissance de l’hérésie dite « cathare » et de la croisade contre les Albigeois (1209-1229) a été profondément renouvelée par les recherches historiques et archéologiques récentes. Le musée Saint-Raymond et le couvent des Jacobins de Toulouse proposent de replonger dans ce moment majeur du début du XIIIe siècle à la lumière des dernières découvertes. Entretien avec Laure Barthet, directrice du musée Saint-Raymond et commissaire d’une exposition qui rassemble quelque 300 objets…
Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier.
Pourquoi cette exposition consacrée aux Cathares ?
Le musée Saint-Raymond a vocation à organiser des expositions d’histoire et d’archéologie sur des sujets transversaux, mais aussi à valoriser des monuments de l’histoire locale ; et l’hérésie dite « cathare » et la croisade contre les Albigeois en font, bien évidemment, partie ! Or les connaissances sur le sujet ont été profondément renouvelées depuis vingt ans : l’exposition est donc un moyen de les partager, sans occulter les débats qui animent la communauté scientifique. Car la question « cathare » est loin de faire consensus : la plupart des chercheurs réfutent le terme, même s’il est entré dans le langage courant (et c’est pour cette raison que nous l’employons avec des guillemets) ; de plus, une majorité d’historiens conteste aujourd’hui l’idée d’un vaste mouvement dissident unifié contenu dans l’expression contemporaine de « catharisme ». Ainsi, nous souhaitons présenter ici l’état de la question, en détaillant les deux principaux points de vue, même si nous adhérons à l’idée qu’il n’y a pas eu, d’après les sources, de religion cathare en tant que telle.
D’où vient donc ce mot contesté de « cathare » ?
Le mot n’est ni médiéval ni occitan ! Il est né, dans l’Antiquité tardive, sous la plume des Pères de l’Église et notamment de saint Augustin : les théologiens s’emploient alors à définir le dogme catholique officiel et désignent certains groupes qu’ils jugent non conformes sous le nom de katharoï (ou cathari en latin), ce qui signifie « purs ». Au XIIe siècle, alors que l’Occident est en pleine effervescence religieuse et que les idéaux réformateurs de l’Église se font jour, des clercs catholiques proches de la Curie romaine se tournent vers les écrits des Anciens et reprennent le terme tel quel pour décrire les mouvements dissidents de leur époque. Mais en dehors de ce cercle étroit, le mot n’est pas employé : il est d’ailleurs totalement absent des registres de l’Inquisition ou des écrits attribués à des communautés dites hérétiques comme le Rituel de Lyon. C’est à partir du XIXe siècle que le terme se diffuse : les historiens et érudits, ne sachant pas comment désigner cette « hérésie sans nom », relisent les traités antihérétiques médiévaux et popularisent l’appellation, donnant ainsi l’illusion d’une vaste contre-Église « cathare » autour d’une doctrine dualiste et de rituels spécifiques.
L’exposition se déploie à la fois au sein du musée Saint-Raymond et du couvent des Jacobins, deux lieux associés à l’histoire des cathares.
C’est vrai que les deux sites sont étroitement liés au sujet. Le musée Saint-Raymond a été construit sur les fondations du collège créé à la suite du traité de Paris qui met fin à la croisade en 1229 : l’une des clauses prévoyait la fondation d’une université pour mieux former le clergé, afin de « ramener les populations dans le droit chemin » et d’être un relais du pouvoir papal. Quant au couvent des Jacobins, il abritait l’ordre dominicain, qui est né pendant la croisade et a joué un rôle essentiel dans la mise en place de l’Inquisition à partir des années 1230. Si les deux lieux se sont imposés, c’est que l’exposition nécessitait, par son ampleur, de s’étendre au-delà de nos seuls murs. Chacun des deux sites traite un volet du sujet : au couvent des Jacobins, la question religieuse ; au musée Saint-Raymond, la croisade elle-même, ses grandes figures – au premier rang desquelles Simon de Montfort – et la façon dont elle a été vécue à l’échelle à la fois du comté et de la cité de Toulouse.
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 630 (avril 2024)
Pompéi renaît de ses cendres
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Cathares ». Toulouse dans la croisade
Cathares, croisade, châteaux, inquisition, bûchers… autant de termes et d’images qui sont associés à la croisade contre les Albigeois (1209-1229). Cette suite d’événements historiques qui a traversé le Sud de la France a eu une grande influence sur la construction de l’identité méridionale contemporaine et a laissé une vision souvent dramatique du XIIIe siècle à Toulouse et en Occitanie […].
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