Constitué à la toute fin du XIXe siècle, le musée Dobrée vient de rouvrir ses portes. Il rassemble aujourd’hui 130 000 objets, dont 25 000 pièces d’archéologie. Plus de 2 000 d’entre eux ont trouvé place au sein du nouveau parcours, qui nous fait voyager du Paléolithique au XXe siècle, en faisant la part belle à tous les archéologues, conservateurs et mécènes qui ont contribué à l’accroissement des collections.
Le musée Dobrée vient d’achever une nouvelle mue. La parcelle, aujourd’hui en plein cœur de la ville, a d’abord abrité le Manoir de la Touche, résidence de campagne des évêques de Nantes. Quand Thomas Dobrée, descendant d’une riche famille d’armateurs originaire de l’île de Guernesey, s’en porte acquéreur dans les années 1860, il conserve le bâtiment du XVe siècle, supprime les dépendances et y substitue un vaste édifice néo-roman surmonté d’une tour de 30 mètres de haut : ce « palais » doit non seulement lui servir d’habitation mais aussi d’écrin à sa collection de près de 10 000 œuvres et documents. Lui-même ne voit pas la fin des travaux : c’est le département de Loire-Inférieure, à qui il a légué ses fonds et sa propriété en 1894, qui les mène à leur terme et ouvre le musée en 1899.
Renaissance d’une maison
À ces deux premiers bâtiments, les années 1970 en ajoutent un troisième, cette fois-ci de style brutaliste, côté rue Voltaire. Dès les années 1980, les besoins d’agrandissement et d’accessibilité font envisager de nouveaux aménagements. Mais un premier projet dessiné par l’architecte Dominique Perrault est finalement abandonné pour cause d’annulation du permis de construire. Ce n’est qu’en 2021 que débute finalement la mise en œuvre de celui conçu par l’Atelier Novembre, lauréat du nouveau concours. Aujourd’hui, après deux années de travaux et treize ans de fermeture, le musée Dobrée rouvre enfin ses portes, avec trois nouvelles extensions : elles viennent à la fois agrandir le bâtiment Voltaire, prolonger le Manoir, qui se voit adjoindre une cage extérieure d’ascenseur et d’escalier en verre et acier, et, enfin, créer en sous-sol auditorium et circulations d’un espace à l’autre. « L’idée était d’agrandir sans trop construire, commente Julie Pellegrin, directrice du musée. L’acier Corten, que l’on retrouve dans l’extension du Manoir comme sur le bâtiment Voltaire, sert de fil rouge entre les bâtiments et les époques, et fait écho aux tonalités de la pierre de la Maison Dobrée. » Le musée a beau s’être agrandi et modernisé, il reste fondamentalement l’écrin voulu par Thomas Dobrée.
Gloire à Thomas Dobrée
Tout est là pour rappeler le fondateur et son projet : le parvis planté de rosiers, une espèce qu’il affectionnait particulièrement ; le jardin anglo-normand évocateur de ses origines familiales ; la Maison Dobrée elle-même, cœur du musée abritant le parcours permanent, qui retrouve son entrée par la « salle des colonnes » aux chapiteaux d’inspiration romane dessinés par Dobrée lui-même ; ou encore le buste de l’armateur, qui accueille le visiteur dès l’entrée du bâtiment Voltaire, venant ouvrir une « galerie des collectionneurs » sur écrans numériques. Car les collections Dobrée n’ont eu de cesse de s’enrichir, jusqu’aux années 1930, de nombreux legs, émanant notamment des sociétés savantes de la région. La Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Inférieure avait été la première d’entre elles : fondée pour recueillir les traces du passé à l’occasion des grands travaux urbains nantais, elle avait donné, dès 1860, le fruit de ses découvertes au Département ; celles-ci avaient été les premières à s’installer dans le musée Dobrée.
Mille-feuille temporel
Cette identité de musée de collectionneurs, appuyée sur un fonds archéologique ancien, est au cœur du nouveau parcours muséographique. « On part du territoire, des archives du sol, dont on s’extrait ensuite pour aller vers l’objet d’art, au fil de rencontres avec les différents collecteurs ou collectionneurs », explique Virginie Dupuy, cheffe du service conservation en charge de la collection d’archéologie nationale. Chaque niveau possède sa thématique, associée à une période. Au sous-sol, la première partie (« Sur les traces humaines, 500 000 avant notre ère – 1000 ») conduit le visiteur de la Préhistoire à la période carolingienne. « Le propos est volontairement général, pour offrir un aperçu d’ensemble, poursuit la conservatrice, mais il le fait à travers des pièces archéologiques issues du territoire. L’estuaire ligérien est l’épine dorsale de ce plateau. » La distribution des anciennes caves de la demeure a été préservée pour mieux se conformer à l’esprit du lieu : c’est donc dans ces petits espaces intimistes que le visiteur passe d’une « galerie du temps long » – présentant le Paléolithique et le Néolithique grâce à une sélection emblématique de silex et d’ossements –, à l’Âge du bronze, évoqué notamment par ses dépôts métalliques, ces amas conséquents retrouvés enfouis dans les sols, les rivières et les étangs, particulièrement nombreux dans la région. Vient ensuite l’Âge du fer, avec, entre autres, l’ensemble funéraire de la sépulture de Châtillon-sur-Indre mêlant styles italique et celtique ; la fameuse dame de Nivillac, petite statuette en bronze du VIe siècle avant notre ère qui rappelle des figures de la Rome archaïque ; la mosaïque à motifs géométriques noirs et blancs de la villa des Cléons ou encore le laraire de Rezé.
Alice Tillier-Chevallier
À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 633 (juillet-août 2024)
Sport et archéologie
81 p., 11 €.
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