Le musée du Pays châtillonnais – Trésor de Vix doit sa naissance à l’intérêt d’érudits locaux et d’amateurs passionnés, puis de pionniers français de l’archéologie. Depuis sa création au XIXe siècle, il s’est considérablement enrichi, évoluant au gré des dons et des legs, des découvertes et des fouilles menées sur un territoire exceptionnellement riche en vestiges protohistoriques et antiques. Installé depuis 2009 dans l’ancienne abbaye Notre-Dame, il n’a pas fini de nous surprendre, ainsi que nous l’expliquait en 2022 sa directrice, Catherine Monnet, conservatrice en chef du patrimoine, remplacée à l’été 2023 par Cécile Zicot.
Propos recueillis par Eva Bensard.
Comment ce musée voit-il le jour ?
L’idée de créer un musée à Châtillon-sur-Seine occupe les esprits dès au moins l’année 1830, mais il faut attendre 1837 pour qu’elle prenne corps. Différents notables rassemblent, depuis le début de la décennie, tableaux, estampes, sculptures, ou témoins divers de l’histoire et de la culture populaire du Châtillonnais. En 1852, les collections s’enrichissent du fonds du maréchal d’Empire Marmont (1774-1852) puis de dépôts de l’État et d’acquisitions. À ces collections artistiques, historiques et naturalistes, s’ajoutent progressivement des vestiges archéologiques assurant une dimension définitivement encyclopédique à l’ensemble. Victorine de Chastenay (1771-1855), fille de la noblesse parisienne éclairée, fait don au musée d’éléments mis au jour lors des fouilles d’un sanctuaire antique conduites, à partir de 1834, sur ses terres d’Essarois. Il en est de même ensuite des objets collectés lors des recherches sur le tumulus du Bois de Langres à Prusly-sur- Ource et sur celui de la Garenne à Sainte- Colombe, donnés par Jean-Baptiste Bernard Maître-Humbert, maître de forges. En 1880, la création de la Société archéologique du Châtillonnais fait durablement évoluer le musée, l’article 9 des statuts de la Société précisant : « Les archives de la Société, les livres, les dons de toutes sortes appartenant à la Société, les découvertes faites dans les fouilles seront déposés dans la Bibliothèque ou dans le Musée de la ville de Châtillon ; tous ces objets seront groupés à part, porteront le nom de la Société et perpétueront le souvenir de ses travaux. » Les fouilles que ses membres entreprennent, notamment celles de la cité antique de Vertillum, l’actuelle Vertault, accroissent considérablement la part réservée à l’archéologie au détriment du reste des collections. En 1887, l’ensemble obtient le statut de musée d’arrondissement ; ce sont désormais les membres de la société savante qui gèrent l’établissement. Et cela demeurera le cas jusqu’en 1988.
Où sont installées ces collections initiales ?
Vers 1840, une salle désaffectée du bâtiment occupé alors par la bibliothèque et le collège, rue Docteur Bourée, dans le coeur historique de Châtillon-sur- Seine, sert à abriter et présenter les premières collections. Rapidement devenu insuffisant, cet espace est complété, en 1857, par une nouvelle salle spécialement construite pour pouvoir, notamment, exposer les toiles de grand format. Malgré cette extension, en quelques années, l’espace vient à manquer et une réflexion s’engage pour les présenter dans les bâtiments récemment désaffectés de l’ancien auditoire royal, devenu maison d’arrêt. Afin de financer une partie des coûts de cette nouvelle installation, Henry Lorimy, conservateur bénévole du musée, propose, en décembre 1926, à Étienne Michon, alors conservateur en chef au Louvre, de vendre au prestigieux musée parisien la fameuse statue en bronze de Bacchus découverte à Vertault en 1894. La transaction ne se fait pas et les collections demeurent là où elles sont lorsque la ville est en partie détruite par les bombardements allemands de juin 1940. Jean Lagorgette (1881-1942), alors en charge du musée, précise dans un courrier qu’il adresse à un collègue : « Au musée, à la bibliothèque, fenêtres enfoncées par éclats et souffle. Mais les collections n’ont pas souffert. » Le projet de transfert des collections dans des espaces plus vastes est toutefois repris après la Seconde Guerre mondiale. En 1949, les collections déménagent et investissent un hôtel Renaissance, dit « maison Philandrier ». En 1953, la découverte d’une chambre funéraire inviolée, de l’âge du Fer, dont les luxueux et exceptionnels objets intègrent le musée, confère une notoriété internationale à cette modeste institution. Avec le temps, la maison Philandrier correspond de moins en moins aux standards offerts au public, dans un nombre toujours croissant de musées rénovés. Tout le monde s’accorde alors pour constater le décalage grandissant entre collections prestigieuses, présentation désuète, accessibilité compliquée, conditions de sécurité et de sûreté insatisfaisantes. En 1988, le statut du musée évolue et la ville de Châtillon crée un poste de conservateur pourvu par Nadine Berthelier, conservatrice de profession. Elle conçoit et supervise d’importants travaux d’adaptation, tout en élaborant un projet de transfert des collections dans les bâtiments de l’ancienne abbaye Notre-Dame.
Il faut attendre 2009 pour que les collections soient présentées dans cette ancienne abbaye. Pouvez-vous nous parler de ce nouvel aménagement ?
Jean-Louis Coudrot, conservateur nommé en 1995, fait sien le projet de transfert. Après bien des hypothèses et des rebondissements, le projet est repris en 2005 par la toute nouvelle Communauté de communes du Pays châtillonnais. Le nouvel aménagement est alors confié à l’architecte Antoine Stinco : son projet s’étend dans les lieux avec retenue, déroulant le parcours en continu grâce à des demi-niveaux et à la création d’une seconde distribution verticale. Le travail de l’architecte se fait oublier pour laisser toute leur place aux collections, présentées dans un environnement épuré. Les matériaux utilisés ont des teintes douces et les ouvertures d’origine du bâtiment permettent à une majorité d’espaces de bénéficier d’un éclairage naturel traversant. Le nouveau musée est doté, en plus de ses 2 000 m2 de salles d’exposition permanente, de réserves, d’une salle d’exposition temporaire, d’une salle destinée à accueillir différentes activités culturelles et d’une salle de conférence. Ce réaménagement est aussi l’occasion d’une réorganisation des collections. Le parcours couvre désormais toute l’histoire du Châtillonnais, de la Préhistoire au XIXe siècle.
Après plus de dix ans d’existence, comment envisagez-vous l’évolution du musée ?
Le passage de la maison Philandrier à l’abbaye Notre-Dame a constitué un formidable saut qualitatif. Le choix d’un parcours chronologique a permis de rendre aisément intelligibles les collections. En revanche, les salles du rez-de-chaussée, aménagées en 2015, « fonctionnent » mal : le public, dérouté, est d’abord plongé dans un « cabinet de curiosités » plutôt étouffant et démarre sa visite par les collections des XIXe et XXe siècles ! Nous devons modifier ce cheminement et retrouver un parcours chronologique servi par une architecture épurée et lumineuse. Le temps est désormais venu de franchir une nouvelle étape ! Il faut également donner au cratère de Vix, le plus grand récipient en bronze du monde antique, chef-d’œuvre sans équivalent connu à ce jour, une place correspondant à son statut de « trésor national ». La très grande majorité des visiteurs vient pour lui. La prouesse technologique mise en œuvre pour le fabriquer, son esthétique, son origine, son histoire enfin, en font une pièce de collection qu’il est indispensable de mettre en lumière différemment. À œuvre exceptionnelle, mise en valeur exceptionnelle. Il est aussi indispensable de donner une place plus importante aux collections autres qu’archéologiques, à l’instar de celles relatives au maréchal d’Empire Marmont. Enfin, le potentiel des collections en réserve est considérable et il conviendrait de l’exploiter !
Comment envisagez-vous la présentation de la section sur l’âge du Fer ?
L’idéal serait de commencer cette section dès le rez-de-chaussée en offrant au public les clés de lecture et de compréhension de cette période. Ainsi on pourrait réserver une partie du premier étage exclusivement aux éléments mis au jour à Vix dans l’exceptionnelle chambre funéraire de cette défunte hors du commun. Il faudrait accroître l’espace d’exposition consacré au cratère, non seulement pour le magnifier, mais aussi pour améliorer le confort de visite (notamment des groupes) et permettre aux visiteurs de s’asseoir face à ce chef-d’œuvre, pour s’en délecter. Au rez-de-chaussée pourrait prendre place une maquette du mont Lassois et de son environnement, animée à l’aide d’un dispositif numérique – comme cela se fait, par exemple, à Bibracte. La pierre, le fer et leur exploitation, mais aussi le vin, sont importants dans l’histoire du Châtillonnais : ces thèmes pourraient constituer des fils rouges que le visiteur retrouverait tout au long du parcours, de la Préhistoire au XXe siècle !
La reconstitution de la tombe de Vix doit-elle aussi être revue ?
En effet, il serait nécessaire de l’actualiser afin d’intégrer les résultats des dernières recherches. D’autres évolutions ponctuelles ont déjà été faites ces derniers temps, avec l’exposition des restes du squelette de cette défunte bien particulière. Cela répond à une demande des visiteurs qui s’interrogeaient sur les restes de cette femme.
Les découvertes récentes seront-elles intégrées à ce nouveau parcours ?
Tout à fait. De nombreux vestiges ont été mis au jour ces trente dernières années et notre connaissance des Celtes du mont Lassois s’est affinée et ne cesse d’évoluer à la lumière des études menées dans le cadre du programme collectif de recherches (PCR), auquel prennent part des équipes françaises, allemandes, autrichiennes et suisses. Le musée doit être un lieu de vulgarisation et d’actualité de la recherche archéologique. Les découvertes effectuées sur le territoire doivent trouver leur place dans une salle d’actualité, préalablement à l’intégration de nouvelles pièces dans le parcours permanent.
Musée du Pays Châtillonnais – Trésor de Vix
14 Rue de la Libération, 21400 Châtillon-sur-Seine
Tél. 03 58 95 80 11
https://musee-vix.fr
Entretien à retrouver dans :
Archéologia hors série n° 37
Vix, de la tombe au musée
66 p., 12 €.
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