![Vue du sommet du mont Beuvray, secteur de la Pâture du Couvent. © Bibracte, Arnaud Meunier, 2020, 125 833](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/1-Bibracte.jpg)
Capitale des Éduens, le site de Bibracte est juché au sommet du mont Beuvray, dans le Morvan. C’est là qu’en 52 avant notre ère, Vercingétorix a harangué les tribus gauloises pour les inciter à se fédérer contre César. En 1984, une équipe internationale se constituait pour mieux connaître ce vaste oppidum de 200 hectares. Bilan de quatre décennies de recherches avec Vincent Guichard, directeur de l’établissement public de coopération culturelle de Bibracte.
Propos recueillis par Éléonore Fournié.
Pourquoi lance-t-on des fouilles en 1984 ? Que sait-on du site à ce moment-là ?
Bibracte c’est d’abord 35 ans de recherches menées au XIXe siècle, entre les années 1860 et 1890, par Jacques-Gabriel Bulliot (1817-1902) ; elles révèlent un site majeur, dont l’exploration contribue grandement à l’invention de l’archéologie dite « celtique », grâce à la dimension européenne que donne à ces découvertes Joseph Déchelette (1862-1914) dans son Manuel d’archéologie. L’histoire de ces recherches est, par ailleurs, représentative des vicissitudes de l’archéologie française : les investigations, conduites par des érudits issus des sociétés savantes de province, sont interrompues par la Grande Guerre ; rien ne se passe dans l’entre-deux-guerres, l’archéologie métropolitaine connaissant une période de repli. Le redémarrage se fait avec la professionnalisation progressive de la discipline à partir des années 1960. Bibracte bénéficie plus précisément du regain des études protohistoriques autour de Paul-Marie Duval (1912-1997) à l’EPHE, puis de Christian Peyre (1934-2018) qui constitue une équipe de chercheurs à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. On peut encore noter le souhait de Christian Goudineau (1939-2018) d’ouvrir un grand chantier-école. Dans ce contexte, émerge aussi au niveau régional la volonté de mettre en valeur le site, volonté qui s’accomplit avec la création, en 1970, du parc naturel régional du Morvan. Dès le printemps 1981, le nouveau président, François Mitterrand, qui a longtemps été élu de la Nièvre, décide, sous l’impulsion de Paul Veyne et de Christian Goudineau, tous deux professeurs au Collège de France, relayé par son ministre de la culture, Jack Lang, de relancer les recherches arrêtées depuis quatre-vingts ans. Les premiers coups de pioche et de truelle sont donnés en 1984 et dès 1985 est mis en place un conseil scientifique international. Les premières fouilles se concentrent près de la Porte du Rebout, principal accès à l’oppidum. On prend immédiatement la mesure de l’importante stratigraphie du site que les archéologues du XIXe siècle n’avaient pas soupçonnée, en montrant que la porte, déjà explorée dans les années 1860, avait connu quatre états successifs.
![Fouille de la Pâture du Couvent en 2004. Chantier dirigé par Sabine Rieckhoff, université de Leipzig, Allemagne. © Bibracte, Antoine Maillier, 2004, 60332](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/2-Bibracte.jpg)
Quels sont alors les axes de recherche ?
Les archéologues engagés dans la reprise des fouilles n’envisageaient aucun plan d’action sur le long terme : les plus ambitieux espéraient tout au plus y rester une dizaine d’années… Par nécessité, parce qu’on avait besoin de beaucoup de bras, les opérations se sont rapidement internationalisées, ce qui a renforcé l’intérêt du président pour le site. Mais tout cela s’est fait de manière empirique. On confirme très vite que l’occupation de l’oppidum se réduit à la durée du Ier siècle avant notre ère, comme cela avait été proposé par Déchelette. Mais cette occupation ramassée dans le temps s’accompagne d’une très grande complexité : le bâti est remanié tous les 20 ans, ce qui permet de suivre de façon précise l’évolution de l’architecture et de la culture matérielle au moment de la première romanisation de la Gaule chevelue. Cette question, si importante, peut être examinée à Bibracte comme nulle part ailleurs.
![Vue aérienne des vestiges de l’édifice public PC15. Chantier dirigé par Philippe Barral, université de Franche-Comté, Martine Joly, université de Toulouse-Jean-Jaurès, Matthieu Thivet, université de Franche-Comté, Pierre Nouvel, université de Bourgogne, Marion Berranger, CNRS Belfort. © Bibracte, Quentin Verriez, 2017, 111868](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/3-Bibracte.jpg)
Que livrent les premières recherches ?
Avec en moyenne une demi-douzaine d’équipes européennes sur le terrain chaque été, les recherches prennent vite de l’ampleur. Après la Porte du Rebout, est rapidement ouvert un chantier sur la domus PC1, la plus grande demeure romaine du site, déjà étudiée par Bulliot, tandis que l’on fouille un atelier d’artisans du métal particulièrement bien conservé à proximité de la Porte. On s’intéresse aussi très tôt aux questions paléo-environnementales à la fontaine Saint-Pierre. Il faut encore signaler les résultats inattendus obtenus dans le secteur de la Pâture du Couvent, qui mobilise beaucoup d’énergie pendant deux décennies : c’est toute l’histoire d’un quartier central de l’oppidum qui s’y révèle, marqué par la construction, au lendemain de la guerre des Gaules, d’un imposant complexe comprenant un forum. Cette découverte éclaire d’un jour nouveau les premiers temps de la romanisation : elle montre que, trois décennies avant l’intégration de son territoire à la nouvelle province de Gaule lyonnaise, le peuple éduen avait choisi de se doter d’une organisation civique à la mode romaine, une initiative qui s’explique sans doute par ses rapports privilégiés avec la capitale de l’Empire, noués par un traité d’alliance militaire avant même la fondation de Bibracte.
![Bibracte, la Pâture du Couvent : visite guidée du centre monumental, superposition des murs de la basilique civile (base de colonne au premier plan) et de la grande demeure (domus) qui lui a succédé, sous l’abri conçu par l’architecte Paul Andreu. © Bibracte, Antoine Maillier, 2012, 92389](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/4-Bibracte.jpg)
![](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/l-archeologie-a-la-conquete-du-cheval_pdt_hd_54322.jpg)
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 632 (juin 2024)
L’archéologie à la conquête du cheval
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