Découverte d’une villa gallo‑romaine dans les Landes (1/2). De précieuses informations sur l’histoire locale et régionale
À Saint-Paul-lès-Dax, à la faveur d’une vaste opération de fouilles préventives menées par Éveha pendant quatre mois en amont d’un projet de lotissement, viennent d’être mises au jour les fondations d’une villa gallo-romaine d’environ 2 000 m2 ainsi qu’une église et 305 sépultures probablement médiévales et modernes. Archéologia vous présente cette exceptionnelle découverte avant la remise du rapport de fouille final en 2024.
Près du fleuve Adour, à quelques kilomètres du centre historique de Dax, la découverte en 2022 par l’équipe de l’archéologue Pierre Dumas-Lattaque, de la société Éveha, des fondations d’une immense villa sur le site de Céros, route de Lestrilles, fut aussi inattendue qu’enrichissante. Elle nous transmet en effet de précieuses informations sur l’histoire locale et régionale. C’est à l’époque romaine qu’émerge et se diffuse le système de la villa, modèle d’exploitation agricole fondé sur de grands domaines. La villa de Dax comprenait environ quarante-cinq pièces et appartenait probablement à un riche notable dacquois. Elle se rapproche des villae palatiales semblables à celle de Sorde-l’Abbaye, dans les Landes, ou de celles de taille plus modeste (moins de 1 000 m2), connues surtout dans le Gers. La découverte est d’autant plus remarquable que jusqu’à présent, seuls de rares vestiges antiques étaient connus : les tronçons d’un aqueduc qui alimentait probablement la ville de Dax. Saint-Paul-lès-Dax n’était, à cette époque, certainement pas encore un village (ce sera sans doute le cas au Moyen Âge) mais plutôt un lieu d’implantation de simples fermes et villae isolées, dans un paysage agricole.
Une évolution longue de plusieurs siècles
La première phase d’histoire de la villa gallo-romaine commencerait au Ier siècle de notre ère avec des bâtiments sur des poteaux porteurs en bois. La pars urbana, ou partie résidentielle de la villa, comprend alors un ouvrage d’environ 128 m2, bâti sur poteaux, avec des murs en argile retrouvés sous forme de remblai servant de fondation à la bâtisse de la phase d’édification suivante. Dans la pars rustica, ou partie agricole, trois à quatre bâtiments également sur poteaux pourraient être rattachés à cette première période. C’est certainement au IIe siècle que la villa connaît une « pétrification » de son bâti, selon une évolution architecturale transmise par les conquérants romains qui apportent de nouveaux modes de construction en dur avec pierres et mortier. Un des bâtiments sur poteaux d’environ 120 m2 de l’aile nord de la villa est alors abattu puis rebâti avec d’épais murs en garluche (un grès ferrugineux typique des Landes) et divisé en trois salles par des murs de refend. En même temps, une canalisation destinée aux eaux usées est aménagée. Aux IIIe et IVe siècles, la bâtisse connaît deux autres étapes de développement. En son centre, elle est dotée d’un péristyle, galerie de colonnes faisant le tour intérieur de l’édifice, qui donne sur un jardin. Au cours de son évolution, des extensions et un étage paraissent avoir été érigés. Comme souvent, l’espace résidentiel est divisé en trois parties distinctes : l’aile du nord est réservée au propriétaire et à sa famille, celle à l’ouest comprend les salles thermales et celle au sud, les pièces de réception destinées aux invités et à la clientèle du notable. La partie agricole assurait certainement des revenus conséquents au maître qui faisait exploiter ses terres et en vendait les récoltes. De nombreux outils destinés aux travaux agricoles ainsi que deux puits en garluche et alios (un autre grès local) et quelques squelettes d’animaux ont été retrouvés. Des foyers et des fours culinaires en tegulae (tuiles romaines plates et rectangulaires munies de deux rebords sur leurs longs côtés) fournissent de précieuses indications sur l’histoire du site. L’étude des timbres (cachet de potier), découverts sur celles du toit de la villa, transmettra des informations sur leur atelier de fabrication.
Signes de confort et de richesse, la villa comprend un espace thermal d’environ 200 m2 et deux types de chauffage différents.
Thermes et chauffages au sol
Signes de confort et de richesse, la villa comprend un espace thermal d’environ 200 m2 et deux types de chauffage différents : par hypocauste ou par canaux rayonnants. Dans l’aile ouest, qui correspond à l’espace thermal, ont été identifiées quatre salles, associées à des pièces plus petites, ainsi qu’une autre, d’environ 28 m2, à l’extrémité nordouest de la villa. Si toutes étaient chauffées par le sol, leur état de conservation ne permet pas de déterminer le type de chauffage utilisé. En revanche, une autre pièce a livré le système des canaux rayonnants ; des fragments d’enduits peints en rouge y ont aussi été prélevés, une couleur couramment utilisée à l’époque romaine pour décorer les murs. Une autre salle en abside a aussi livré un système de chauffage à canaux rayonnants. Enfin, une pièce dispose d’un chauffage (plus traditionnel) par hypocauste sur pilettes, en terre cuite, rondes ou carrées, placées à intervalles réguliers, et supportant les suspenduras, dalles en mortier composant les sols suspendus. La source d’air chaud de ces sols était assurée par un foyer, le praefurnium. Ce dernier se compose d’une chambre voûtée et il est doté d’une ouverture sur l’extérieur pour faciliter l’alimentation en bois pour la combustion. L’ensemble se trouvait dans un espace semi-enterré, aménagé dans la partie interne des fondations du bâtiment.
La richesse des données va s’accroître et transmettra une connaissance plus précise de ces lieux.
Vestiges du passé
La post-fouille, phase d’étude, a commencé l’été dernier en laboratoire avec le lavage et l’inventaire de l’ensemble du mobilier, l’informatisation des données, des dessins, des photographies et des notes prises sur le terrain. Sur place, des morceaux de murs, fossés, puits, foyers, fosses, canalisations, trous de poteaux ont été prélevés et sont actuellement étudiés avec les caisses de vestiges : vingt-six de céramiques, trois de faunes, une de coquillages, une dizaine d’ossements humains, cinq de métaux (médaillons, pièces de monnaie, boucles de ceintures, pinces de linceuls, bagues, outils…). Tous sont entre les mains de spécialistes : numismate pour les monnaies, céramologue pour la céramique, anthropologue pour les ossements humains, archéozoologue pour la faune, tracéologue pour les traces d’usure sur les objets et outils. L’analyse de la céramique pour sa datation s’est terminée en février. Progressivement, la richesse des données va s’accroître et transmettra une connaissance plus précise de ces lieux, les études s’achevant certainement l’hiver prochain. Elles permettront à Pierre Dumas-Lattaque de retranscrire toutes les découvertes, d’interpréter le site d’un point de vue chronologique et de rédiger le rapport final d’opération avant juillet 2024. Des reconstitutions en 3D de la villa gallo-romaine sont également prévues.
Le beau projet d’un jardin archéologique
Dès le début de l’opération archéologique, le maire de Saint-Paul-lès-Dax, Julien Bazus, a convenu, avec le promoteur immobilier du lotissement, qui verra le jour en 2023, de créer sur environ 3 000 m2 un jardin archéologique, qui mettra en lumière une partie des vestiges (la section thermale, le chauffage par hypocauste, une section du péristyle et des canalisations de la villa ainsi que l’emplacement de l’ancienne église) et deviendra l’espace vert du quartier. Aujourd’hui, la municipalité réfléchit aux moyens à mettre en œuvre pour la restauration de ce site qui s’inscrira dans le temps. En attendant, des conférences avec l’archéologue seront proposées afin de s’imprégner de cette remarquable et passionnante histoire.
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