Dijon : un palais, un musée (2/2). Un musée historique

La salle des Statues demeure l’une des plus spectaculaires du palais des Ducs, plus précisément de l’aile ouest, dite de l’école de dessin. Le plafond peint par Prud’hon a retrouvé son éclat après restauration. © musée des Beaux-Arts de Dijon — Photo Stéphane Rouillard
Au XVIIIe siècle, comme de nombreuses villes françaises, Dijon se dote d’une École de dessin, à l’initiative du sculpteur et peintre François Devosge (1732-1811) : ouverte en mars 1767, elle compte environ 150 élèves, artistes et artisans qui viennent s’y perfectionner. Le nombre des élèves croît rapidement.
À partir de 1775, les États de Bourgogne organisent un concours permettant à un jeune peintre et à un jeune sculpteur de l’école d’achever leur formation pendant quatre ans à Rome, à l’instar du prix de Rome de l’Académie royale de peinture et de sculpture. En 1776, le peintre Bénigne Gagneraux et le sculpteur Charles-Alexandre Renaud partent à Rome ; en 1784 vient le tour du peintre Pierre Paul Prud’hon et du sculpteur Pierre Petitot. Le dernier prix de Rome est attribué au sculpteur Nicolas Bornier en 1787.
« Le plus beau musée de France après le Louvre. »
Georges Salles, 1949
Aux origines des collections : l’École de dessin de Dijon
Les élèves avaient pour obligation d’envoyer à Dijon quelques dessins et des copies d’œuvres italiennes : copie d’une peinture d’un grand maître pour les peintres, copie d’un antique pour les sculpteurs. Ces envois vont constituer le fonds original du musée. L’œuvre sans doute la plus célèbre réalisée dans ce cadre est la toile plafonnante de Prud’hon, commandée en 1786 pour orner la salle des Statues. Les États de Bourgogne décident en 1781 de construire une aile orientale au palais pour abriter « un musée pour les progrès de l’art et l’utilité des élèves ». À partir de 1783, Le Jolivet l’édifie en suivant la conception générale de Mansart, préservant ainsi une unité architecturale. Cette aile abrite aujourd’hui encore les deux salles historiques de l’École de dessin : le salon Condé, ainsi dénommé en l’honneur des princes de Condé, gouverneurs des États de Bourgogne, et la salle des Statues. Elles sont ornées de boiseries sculptées emblématiques du néoclassicisme de la fin du XVIIIe siècle. Pour la réception de la salle des Statues en 1786, Devosge y dispose des plâtres moulés d’après l’antique, achetés à Rome, ainsi que les copies d’antiques réalisées par les sculpteurs pensionnaires à Rome : celles du Gladiateur Borghèse, de l’Apollon du Belvédère ou de la Vénus de Médicis y sont encore visibles. Le plafond de Prud’hon ne fut mis en place que bien plus tard, sans doute au tout début du XIXe siècle.
Le palais au XIXe siècle
Au sortir de la Révolution, la Ville de Dijon acquiert les différents bâtiments et transforme l’ensemble de l’édifice. La destruction en 1802 de la sainte-chapelle, qui était élevée sur l’actuelle place du même nom, permet de construire une nouvelle aile en 1852, dessinée par Louis Belin (1806-1884). Pour privilégier une continuité architecturale avec l’ensemble du palais aménagé sous l’Ancien Régime, la paneterie et la pâtisserie, qui se trouvaient entre les cuisines ducales et la tour de Bar, sont sacrifiées. Georges Diébolt réalise le décor sculpté de la façade. Enfin, en 1866, de part et d’autre du porche d’entrée sont placées les statues allégoriques de la sculpture et de la peinture dues au sculpteur François Dameron, professeur à l’École des beaux-arts de la ville. C’est tout cet ensemble que remet en lumière aujourd’hui la nouvelle entrée principale du musée des Beaux-Arts.

Au 2ᵉ étage de l’aile XIXᵉ se déploient notamment les collections symbolistes. On aperçoit à droite le Lit des Heures de Jean Dampt. © musée des Beaux-Arts de Dijon — Photo Bruce Aufrère / TiltShift
Les collections en quelques dates
– 1794 : Suite au décret d’aliénation des biens du clergé (1789) et à la création de la Commission des arts (1793) chargée de protéger ce patrimoine, François Devosge dresse l’inventaire des biens à conserver : une cinquantaine d’œuvres et d’objets provenant des édifices religieux de Dijon et de Cîteaux. À la chartreuse de Champmol, 15 tableaux sont sélectionnés dont ceux de Carle Vanloo, Saint Georges terrassant le dragon et La Condamnation de saint Denis. En 1795, toutes ces collections sont rassemblées dans diverses pièces du palais des États.
– 1799 : Création officielle du musée le 7 mars. Le 20 août, la collection (qui comprend alors 287 tableaux et 240 sculptures) ouvre ses portes au public.
– 1804 et 1812 : Dépôt de 72 tableaux venant du Muséum central des arts (futur musée du Louvre) conformément à l’arrêté Chaptal. Adam et Ève de Guido Reni, La Vierge présentant l’Enfant Jésus à saint François d’Assise de Pierre Paul Rubens, La Présentation au Temple de Philippe de Champaigne, Le Château de Mariemont de Jan Brueghel I ou encore Bacchus et Ariane de Charles de La Fosse viennent notamment enrichir la présentation du musée.
– Début du XIXe siècle : Le conservateur Charles Févret de Saint-Mémin fait entrer au musée les vestiges de la chartreuse de Champmol : le Retable de la Crucifixion et le Retable des saints et martyrs sont installés respectivement en 1819 et 1827. Les tombeaux des ducs sont remontés et installés dans la salle des Gardes du palais.
– 1969, 1974, 1986 : Pierre et Kathleen Granville offrent une collection de plus de mille objets à la Ville, complétée par celle de Florence Granville en 2006. L’ensemble va de Georges de La Tour à Nicolas de Staël, sans compter les idoles cycladiques et masques africains. Le musée se dote là d’une véritable section d’art moderne et contemporain.
– 2003 : Entrée dans les collections de la première œuvre du XXIe siècle : Yan Pei-Ming, Autoportrait n° 3 (2000).

Trônent, parmi d’autres pièces au milieu des boiseries néoclassiques et des copies d’antiques, Hébé et l’Aigle de Jupiter de François Rude qui continuera à impressionner les visiteurs. © musée des Beaux-Arts de Dijon — Photo Stéphane Rouillard







