Sur les traces d’Atala à la Maison de Chateaubriand
L’exposition « Atala, 1801. Voyage illustré au cœur d’un roman » rend hommage à l’un des monuments du romantisme français. Organisée à la Maison de Chateaubriand, elle présente plus de trois cents pièces liées à l’œuvre. Pendant près d’un an, elle permettra aux visiteurs d’éprouver un peu de la passion qu’a inspirée ce roman.
Nichée dans le domaine de la Vallée-aux-Loups, la Maison de Chateaubriand peut être tenue pour l’un des joyaux du patrimoine des Hauts-de-Seine. Le lieu, habité par l’écrivain de 1807 à 1817, est aujourd’hui la propriété du département et accueille fréquemment des événements littéraires et culturels. Il permet surtout de plonger dans l’histoire du romantisme français et célèbre l’œuvre de son ancien locataire.
Tragiques passions
Atala, publié en 1801, narre les amours contrariées d’une métisse chrétienne et de Chactas, un guerrier indien. L’action se déroule au XVIIe siècle, sur les rives du Mississipi. Au début du roman, les deux amants décident de vivre leur idylle dans les vertes forêts de Louisiane. Le récit verse dans la tragédie lorsque la pieuse Atala, qui a promis à sa mère de demeurer éternellement vierge, met fin à ses jours en absorbant du poison.
Rêves d’Amérique
C’est en 1791 que Chateaubriand, ébranlé par les excès de la Révolution, embarque pour le Nouveau Monde. Il y demeure plusieurs mois, noircissant ses carnets d’observations pénétrantes et dévorant des récits d’explorateurs, de savants et de penseurs. La fréquentation de ces auteurs le conduira à écrire Les Natchez (1796-1797), Atala (1801) et René (1802).
Un succès immédiat
Sitôt publié, le roman est acclamé. Le public se passionne pour cette histoire exotique, dont les thèmes résonnent avec l’esprit de l’époque. Du vivant de Chateaubriand, douze éditions du livre paraissent. Traduit dans une multitude de langues, l’ouvrage fait également l’objet de parodies, de pastiches et de contrefaçons. La virtuosité de l’auteur inspire, tout au long du siècle, d’innombrables romanciers.
Un prénom bien discret
Si le prénom Atala est devenu légendaire, il n’a jamais été très répandu. La première femme à l’avoir porté n’est autre qu’Atala Stamaty, la propre filleule de Chateaubriand. Une anecdote veut que l’écrivain ait conditionné son parrainage à l’attribution de ce prénom. Les autorités ecclésiastiques s’y opposant, le pape dut intervenir. L’enfant fut finalement nommé Pauline, Marie, Françoise, Atala. Le Saint-Père aurait déclaré, à cette occasion, « il n’y a pas de sainte Atala ; il ne lui reste plus qu’à le devenir ».
« Atalamania »
La publication de l’ouvrage donne lieu à une frénésie créative. Cette « Atalamania » s’exprime à travers une multitude d’œuvres d’art et de « produits dérivés ». L’exposition propose de découvrir une belle sélection d’objets et de tableaux mettant en scène la jeune Amérindienne. Parmi les pièces maîtresses figurent une pendule en bronze réalisée par l’horloger Sarazin et représentant les deux amants, ou encore le poignant Enterrement d’Atala, exécuté par le peintre Lucien Lhévy-Dhurmer. Une étonnante gravure sur huître perlière, récemment acquise par la Maison, compte également parmi les merveilles de la collection.
Atala au tombeau : une œuvre immortelle
L’exposition met en avant deux études pour l’Atala au tombeau d’Anne-Louis Girodet-Trioson. Le célèbre tableau, resté au Louvre, illustre le moment où Atala intègre son ultime demeure. Présenté au Salon de 1808, il fait forte impression. Il est, d’ailleurs, acheté par les musées royaux en 1818.
La défunte y est présentée sous les traits d’une femme sereine, presque souriante. Le drapé de sa robe blanche, qui épouse les formes de sa fragile poitrine, témoigne de la virtuosité de l’artiste. Cette délicatesse contraste avec le caractère résolument tragique de l’instant. La lumière, caractéristique de la peinture romantique, accentue la pâleur de la peau de la jeune femme tandis qu’une lourde obscurité nimbe le reste du tableau. Un crucifix, tenu près du corps d’Atala, rappelle son extrême piété. L’ensemble est caractéristique du renouveau de la peinture religieuse du début du XIXe siècle.