Des façons d’être romain à Lugdunum
Au IIe siècle de notre ère, l’Empire romain s’étend de l’Angleterre à la Tunisie, du Portugal à la Syrie. On y prie des dieux très différents, on y parle de multiples langues, on y échange dans de nombreuses monnaies. Pourtant le sentiment d’unité domine, soutenu par la fameuse pax romana. Comment vivait-on ensemble dans ce vaste territoire ? C’est ce que nous propose de découvrir la nouvelle exposition du musée de Lyon au fil d’un parcours… très personnalisé !
C’est en effet en choisissant et en suivant le parcours de six personnages : Caius Julius Rufus, le notable romain, Julia Hélias, l’affranchie devenue prêtresse du culte impérial, Secundinia Justa, la compagne d’un soldat romain posté le long du limes (frontière) du Rhin, Julius Alexander, maître verrier parti s’installer à Carthage, Cyrilla, esclave grecque affranchie par un vétéran des campagnes parthes, ou enfin Thaïm, dit Juliannus, négociant originaire de Syrie, que l’on perçoit la pluralité des destinées romaines et que se dessine le portrait singulier de cet Empire multiculturel.
Mosaïque de peuples
En s’appuyant sur son magnifique fonds d’inscriptions (des épitaphes funéraires pour la plupart), le musée a décidé de redonner vie à des personnes réelles. Complétées de prêts d’institutions françaises (dont 40 issus du musée du Louvre) et internationales, ces œuvres servent de point de départ à une narration étonnante tant dans le fond que dans la forme. En effet, chaque « héros » se voit attribuer une couleur, qui domine la section qui lui est consacrée, dans des structures évoquant un lieu en lien avec son histoire (un temple pour Julia Hélias ou un camp militaire pour Secundinia Justa, par exemple). Le tout est doté de très belles pièces (superbes têtes en marbre, grandes mosaïques carthaginoises, ravissantes figurines en bronze ou encore bijoux en verre et bas-reliefs en calcaire), accompagné de grandes illustrations et ponctué de dispositifs spécifiques comme des projections pour faire parler les écritures, des cartes animées, des petits films, des manipulations ou de beaux récits sonores (fictionnels mais plausibles de chacun des personnages).
Un modus vivendi qui fonctionne
Venus des quatre coins de l’Empire et ayant tous vécu ou séjourné à Lugdunum, chacun d’eux nous raconte les grandes étapes de sa vie, ses terres d’origine, ses amours, sa famille, ses peines et joies, son parcours géographique et social. Et l’on se prend finalement très rapidement au jeu de découvrir ces petites histoires (comme autant d’émanations de la Grande) avant de comprendre comment Rome a su composer un modus vivendi qui, tout en maintenant une organisation globale très forte (découpage territorial, droit romain, culte impérial, armée), a su s’adapter aux réalités locales (économies, religions, langues). Est-ce là une manière de réussir le pari de la cohabitation multiculturelle dans un monde devenu globalisé ?
« Un Empire, des peuples », jusqu’au 1er juin 2025 à Lugdunum – Musée et théâtres romains, 17 rue Cléberg, 69005 Lyon. Tél. 04 72 38 49 30. https://lugdunum.grandlyon.com