En 1771, Jeanne fait construire une variante actualisée et radicale du Petit Trianon : le pavillon de musique de Louveciennes…
Offert par le roi à titre viager, le domaine de Louveciennes se trouve à une dizaine de kilomètres du château de Versailles et s’étend sur trois hectares dans une boucle de la Seine. Un pavillon carré de deux étages y avait été construit pour le premier gouverneur de la machine de Marly, située à proximité. Vétuste et trop exigu pour accueillir le roi, il sera transformé par la favorite avant qu’elle ne décide de construire au bout de ses jardins, sur le bord de la falaise dominant la Seine, un pavillon neuf dédié aux arts, aux fêtes et à la musique. Désireuse de s’affranchir du très officiel Ange-Jacques Gabriel, elle se met en quête d’un homme « à sa main ». Ce sera le jeune Claude-Nicolas Ledoux, un architecte de 33 ans n’ayant encore jamais travaillé pour la Cour. Peut-être avait-elle visité l’hôtel de Montmorency qu’il venait d’achever à l’angle de la rue de la Chaussée-d’Antin ? Poussant sa candidature à l’Académie, Jeanne Du Barry propulsera vers les sommets la carrière de cet architecte visionnaire.
Quels sont ses choix pour le décor intérieur ?
Pour le fastueux décor intérieur de son pavillon de musique, elle passe une époustouflante commande de sièges à Delanois, dont subsistent notamment les deux canapés aux putti figurant les arts, les lettres et les sciences conservés à Rome au palais du Quirinal ; elle sollicite le bronzier-doreur Gouthière qui cisèle d’extraordinaires boutons de portes ornés de son chiffre. Passionnée de jardins, elle fait littéralement entrer la nature à l’intérieur de l’édifice, et ordonnera bientôt de dessiner l’un des premiers jardins anglo-chinois.
Le pavillon de musique est inauguré le 2 septembre 1771 par une fête somptueuse donnée en l’honneur du roi…
La merveilleuse aquarelle exécutée par Moreau le Jeune et conservée au Louvre donne à voir le fabuleux dîner servi ce soir-là. La manufacture de Sèvres avait livré un somptueux service en porcelaine, tandis que Roettiers avait façonné en urgence 120 assiettes et quelque 70 pièces de forme en argent pour un poids de 350 kg, une commande dont il ne subsiste rien.
Ironiquement, la favorite est pourtant passée à la postérité par les arts de la table…
On en fait l’inventrice du foie gras et de la soupe au chou-fleur ! Mais je n’ai jamais retrouvé le moindre menu… C’est un personnage que l’on n’a cessé de réinventer : la fin du XIXe siècle crée ainsi le potage Du Barry. Quand en 1908, Joseph et Gabrielle Dubarry, lui, maître ferblantier, elle, charcutière, décident de fabriquer « le meilleur foie gras du monde », ils ont l’idée lumineuse de jouer de leur patronyme pour entrer dans l’histoire de la gastronomie : l’épicerie fine « Comtesse Du Barry » voit le jour.
Retrouvez les épisodes précédents de notre série « Jeanne Du Barry » :
Épisode I : « la faute est aux dieux qui la firent si belle »
Épisode II : reine de Versailles et de Fontainebleau
Entretien à retrouver en intégralité dans :
L’Objet d’Art n° 610
1874, la naissance de l’impressionnisme
98 p., 11 €.
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À lire :
Emmanuel de Waresquiel
Jeanne Du Barry. Une ambition au féminin
Tallandier
592 p., 27,90 €.