![L’Heure exacte, 12 octobre 1950. Huile sur panneau, 64,5 x 91,3 cm. Paris, musée national d’Art moderne. Photo service de presse. © Paris, MNAM](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/07/6688_document.jpg)
Fille du sculpteur Julio González, deuxième épouse d’Hans Hartung, Roberta González (1904-1976) a durant toute son existence évolué dans l’ombre des hommes de sa vie, consacrant une grande partie de son temps à promouvoir l’œuvre de son père. C’est son propre travail que le Centre Pompidou met enfin à l’honneur, à la suite de la donation consentie il y a deux ans par la González administration.
Une dizaine de peintures et de dessins réunis dans une salle avec quelques photographies et documents d’archives, deux sculptures de Julio González et une œuvre d’Hartung : l’accrochage est quantitativement modeste mais symboliquement fort.
« Connue mais pas reconnue »
Car « elle est connue mais pas reconnue », résument les commissaires, Valérie Loth du Centre Pompidou, et Amanda Herold de la González administration. Roberta n’est pas à une ambivalence près : de nature à la fois espiègle et mélancolique, considérée comme une Espagnole dans son pays, habituée des musées et des galeries sans être pour autant mondaine… Certes étroitement liée à d’immenses artistes, proximité qui lui ouvre bien des portes, elle s’efforce toute sa vie de se libérer de leur influence plastique pour trouver sa propre voie. Et si l’État acquiert dès 1936 sa seule sculpture en fer connue, elle restait fort peu présente dans les collections publiques avant que la González administration ne fasse don de onze œuvres au Centre Pompidou en 2022. Roberta est avant tout une passeuse, ses carnets remplis au jour le jour à partir de 1951 révèlent avec quelle passion elle s’est attachée à faire connaître l’œuvre de Julio, ce père célibataire aimant qui l’a élevée avec ses deux tantes et n’a cessé de l’encourager – en témoignent ses quelques dessins d’enfant. Roberta a organisé des expositions en France et en Espagne, vendu et offert de nombreuses œuvres : les 253 sculptures et dessins de Julio aujourd’hui conservés au Centre Pompidou proviennent d’ailleurs presque tous de ses donations.
Prendre son envol
« Il me laissait très libre, affirme Roberta au sujet de son père, j’étais influencée par sa manière mais je ne me sentais pas contrainte. » Ses paysannes, femmes à l’enfant tourmentées et autres figures angoissées sont en effet empreintes de l’influence des oeuvres paternelles et en particulier de son emblématique Montserrat, femme hurlant qui symbolise autant le désarroi que la résistance. S’inscrivant dans la veine cubo-surréaliste en vogue dans les années 1930, la jeune femme exprime son inquiétude face à la montée des tensions et à la guerre d’Espagne. « Les González qui étaient catalans participaient à toutes les manifestations destinées à soutenir les Républicains », se souvient Hans Hartung qui épouse Roberta en 1939. À l’épreuve de la guerre durant laquelle toute la famille trouve refuge dans le Lot, s’ajoute bientôt la douleur du deuil (Julio s’éteint en mars 1942), puis la séparation avec Hartung (1952). Les Vierges de douleur peintes dans le Sud font place aux jeunes filles pensives et aux nus mélancoliques, avant que ne s’imposent peu à peu des compositions plus énigmatiques, dans la lignée de L’Heure exacte ici exposée. Le séjour chez l’éditeur Christian Zervos à Vézelay et le soutien de son épouse Yvonne s’avèrent décisifs dans cette quête d’un style plus personnel, basé sur la dualité entre ombre et lumière, mouvement et immobilité, figuration et abstraction, conformisme et rébellion… Jalon essentiel dans le mouvement de redécouverte de Roberta impulsé depuis quelques années par la González administration, l’accrochage s’inscrit au coeur du parcours permanent du Centre Pompidou. Soulignons enfin que du 6 juillet au 15 novembre 2024, le musée de Vézelay met en lumière les liens que Roberta et son père ont noués avec le couple Zervos en réunissant une quarantaine d’oeuvres et une riche documentation.
![Sans titre, Arcueil, 1er février 1940. Encre et aquarelle sur papier, 29 x 19,6 cm. Paris, musée national d’Art moderne. Photo service de presse. © Paris, MNAM](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/07/6019_document.jpg)
Myriam Escard-Bugat
« Roberta González »
Jusqu’au 9 mars 2025 au Centre Pompidou
Nveau 5, place Georges Pompidou, 75004 Paris
www.centrepompidou.fr
juliogonzalez.org