Des informations inédites sur l’histoire de la ville de Dax
À la suite d’une opération préventive menée cette année par Éveha à Dax, les fondations d’une domus gallo-romaine, une nécropole de la fin de l’Antiquité puis médiévale ainsi que de nombreux tessons ont été mis au jour. Ces données offrent des informations inédites sur l’histoire de la ville. Archéologia vous en livre les principaux éléments avant la remise du rapport final en 2026.
Boulevard Saint-Pierre, l’archéologue Brahim M’Barek et son équipe viennent de mettre en lumière un nouveau pan de l’histoire locale et régionale sur 700 m2. Dax, labellisée ville d’Art et d’Histoire, est la première cité thermale de France. Dès l’Antiquité cette qualité est reconnue : elle porte alors le nom d’Aquae Tarbellicae, « les eaux des Tarbelles », peuple celte du sud de l’Aquitaine ; les vertus de cette ressource aux propriétés thérapeutiques sont d’ailleurs à l’origine de la venue de l’empereur Auguste qui s’y soigne et fait changer son nom par Aquae Augustae, « les eaux d’Auguste ». Aujourd’hui, sur une place de la ville, la Fontaine chaude est ancrée dans des fondations du IIe siècle et alimentée par une eau à 64°.
Sur les traces d’une vaste domus
Si les fouilles ont été nombreuses en centre-ville, celle-ci, extensive, est une des premières de cette ampleur. Elle complète celle effectuée il y a une vingtaine d’années par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan) près du site actuel. À l’époque, une vaste et imposante domus est décelée. Le diagnostic de l’Inrap, réalisé en 2022, identifie des éléments de maçonnerie épars et conclut que la domus continuait sur les terrains aux alentours. L’opération de 2024 avait donc pour but de cerner le plan de cette demeure gallo-romaine et d’affiner sa datation. Si les recherches antérieures considéraient qu’elle avait été abandonnée au IIe siècle, Brahim M’Barek pense qu’il est peu vraisemblable qu’elle ait été délaissée si tôt. Quoi qu’il en soit, la première phase de son histoire commencerait au Ier siècle de notre ère. Des murs de fondation d’1,50 m de large traversent toute la parcelle, orientés dans le même sens que ceux précédemment découverts. Il n’existe toutefois plus de mur, de cloison ou de niveau de sol : tout a été arrasé.
Des milliers de tessons dans les Landes
Lors des fouilles, des dizaines de milliers de tessons de céramiques ont été prélevés, constituant une véritable opportunité pour mieux connaître la céramique antique dans les Landes, dont le corpus est lacunaire. « Toutes les découvertes sont largement datées entre le Ier et le IVe siècle », explique le céramologue David Olmedo. « Les études à venir permettront de mener des observations croisées et d’affiner la datation et les typologies ». Au menu des recherches : classification des techniques de fabrication, des façonnages, des traitements des surfaces, de la cuisson, des formes et motifs décoratifs, afin de mieux cerner artisans et habitants, statut social et pratique quotidienne.
Des murs décorés
Signe d’un niveau de vie assez important, quelques éléments de mosaïques et de peintures ornées de scènes narratives ou de formes géométriques ainsi que des pierres taillées ont été mis au jour. « Les murs de la domus étaient décorés, mais les occupants ont tout récupéré, allant chercher les murs jusqu’à l’assise des fondations », précise l’archéologue. L’ensemble de la parcelle semble avoir été investi par cette habitation mais « à l’ouest, un des murs était certainement bordé par une voie d’accès très utilisée. Il était encore possible de deviner les ornières de passage des roues », note le spécialiste. De l’autre côté de la voie, des éléments de maçonnerie sont apparus ; une canalisation souterraine, probablement liée aux eaux usées de la domus, plongeait vers un collecteur aujourd’hui disparu. Dans l’épandage est-ouest, l’équipe de fouille a atteint des niveaux romains mais surtout médiévaux dans lesquels la nécropole a été découverte.
Un travail signé
Les ouvriers antiques confectionnant tuiles ou briques étaient payés en fonction de leur production. La plupart d’entre eux comptabilisaient leur fabrication en faisant des piles et en inscrivant leur marque (triangles, ronds, croix, S, voire le nom de l’atelier) sur celle du dessus. Ces rares témoignages ont été identifiés lors de la fouille. Marquées après avoir été démoulées et avant d’être séchées au soleil puis cuites, ces tuiles et briques comportent aussi parfois des traces de pattes d’animaux, de chevreuils ou de renards…
Une nécropole médiévale
Ce cimetière chrétien aurait été en activité entre le IVe et le IXe siècle. Comme il est d’usage à cette époque, les morts sont inhumés sans effets personnels – ce qui rend difficile leur identification. S’il ne reste alors rien de l’ancienne occupation romaine, la nécropole s’implante sans doute autour de l’église Saint-Pierre de Dax (aujourd’hui disparue mais qui a marqué la toponymie du quartier). Trente-deux sépultures (pour trente-quatre squelettes, dont deux immatures) ont été recensées. « Ces défunts étaient de petite taille, ne dépassant pas 1,50 m. Une dizaine de squelettes montre un positionnement de main particulier : l’une est placée sous l’os de la hanche », a constaté l’anthropologue Ambre Saint-Ouin. Tous étaient positionnés la tête à l’ouest, sauf pour les deux immatures enterrés tête-bêche (ce qui demeure rare pour la période observée et pour les Landes). Deux individus ont été datés au carbone 14 et seraient décédés entre la fin du IVe et le début du Ve siècle. Ces analyses vont se poursuivre sur les autres squelettes et sur les os de chevaux également mis au jour ; les rares parures (bracelets, pendentifs et perles) feront également l’objet d’études tout comme le singulier denier d’argent à l’effigie de l’empereur d’Occident Louis Ier (778-840), prélevé au sein des sépultures.