Vingt-huit ans après l’exposition du musée des Beaux-Arts d’Arras, « La Vierge, le roi et le ministre » consacrée à l’ornementation du chœur de Notre-Dame, et à la veille de la réouverture de la cathédrale, prévue le 8 décembre 2024, le Mobilier national, en association avec la DRAC Île-de-France, présente le travail mené ces cinq dernières années : restauration du décor intérieur et de ses chefs-d’œuvre et création d’un nouveau mobilier liturgique.
En pénétrant dans la nef de la galerie des Gobelins, une Vue de l’intérieur de Notre-Dame donne un aperçu du décor de l’édifice vers 1650. On y discerne notamment plusieurs Mays, ces tableaux votifs offerts de 1630 à 1707, tous les ans au mois de mai, par la confrérie des orfèvres de Paris à sainte Anne, sa protectrice.
Cinquante restaurateurs au chevet des Mays
Sur ces soixante-seize toiles illustrant des scènes des Actes des Apôtres, treize étaient accrochées sur les murs de la cathédrale lors de l’incendie du 15 avril 2019. Restaurés avec soin entre 2022 et 2023, grâce aux crédits de la souscription nationale, aux côtés de neuf autres peintures, par une équipe de cinquante restaurateurs sous la direction de la DRAC Île-de-France et du C2RMF, ces chefs-d’œuvre ont retrouvé tout leur éclat. Ces tableaux de grand format signés Sébastien Bourdon, Charles Le Brun, Laurent de La Hyre ou encore Jacques Blanchard, accrochés côte à côte comme au XVIIe siècle dans la nef de la cathédrale, donnent à voir l’exceptionnelle diversité de la peinture française sous l’Ancien Régime. En regard des Mays, plusieurs dessins préparatoires et esquisses prêtés par les musées du Grand Siècle, des Beaux-Arts de Rennes et du Louvre permettent de comprendre la manière dont ces toiles monumentales commandées aux plus célèbres artistes du temps étaient conçues en dialogue avec le chapitre de la cathédrale. Outre ces précieux témoignages sur l’élaboration de ces peintures, le minutieux travail de restauration est aussi mis en valeur à l’aide de tablettes numériques présentant de saisissantes images comparatives avant et après intervention. Parallèlement aux Mays, le Mobilier national met en lumière les autres tableaux créés pour orner les chapelles de la cathédrale du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Les visiteurs découvrent d’abord les toiles peintes par Lubin Baugin et les frères Le Nain dans les années 1640-1650, puis à l’étage celles de Carle Van Loo, Joseph-Marie Vien et Étienne Jeaurat, réalisées un siècle plus tard sous le règne de Louis XV.
La tenture de la Vie de la Vierge
En dehors de cet impressionnant ensemble pictural, la démesure du décor de la cathédrale se manifeste également dans la présentation des quatorze pièces de la tenture de la Vie de la Vierge, tissées entre 1638 et 1657, à l’instigation du cardinal de Richelieu et du chanoine Michel Le Masle, d’après des cartons de Philippe de Champaigne, Jacques Stella et Charles Poerson. Trésor de la cathédrale de Strasbourg depuis leur achat au chapitre de Notre-Dame en 1739, ces exceptionnelles tapisseries aux couleurs éclatantes sont présentées par roulement au cours de l’exposition pour des raisons de conservation. Après les décors de l’Ancien Régime, les commissaires Caroline Piel et Emmanuel Pénicaut ont souhaité présenter les toiles, plus méconnues, entrées dans la cathédrale en 1802 à la suite des saisies des campagnes napoléoniennes en Italie. Ainsi le visiteur peut observer de près Le Triomphe de Job de Guido Reni, Saint Bernardin de Sienne délivrant la ville de Capri de Ludovic Carrache et les deux émouvants fragments de La Gloire de tous les saints du Guerchin, aujourd’hui conservés au musée du Louvre.
Le tapis de chœur et le nouveau mobilier liturgique
L’exposition atteint son acmé dans l’espace consacré au tapis de chœur de la cathédrale, pièce commandée à la manufacture de la Savonnerie par Charles X en 1825 et achevée sous Louis-Philippe en 1833, après avoir perdu ses symboles royaux durant les Trois Glorieuses. Conçus par Jacques-Louis de La Hamayde de Saint-Ange, les motifs de gerbes de blé, de grappes de raisin – évocation des espèces eucharistiques – et de feuilles d’acanthe aux couleurs éclatantes ornent une immense croix de 30 mètres de long, dont seule la moitié supérieure est présentée au public, après la restauration à l’atelier de rentraiture du Mobilier national. Le parcours s’achève sur les maquettes du mobilier liturgique commandé, par le diocèse, au sculpteur Guillaume Bardet et à la fonderie Barthélemy Art. Les nouvelles assises, d’une grande sobriété, de la designer Ionna Vautrin, dont les 1 500 exemplaires sont en cours de fabrication par l’entreprise Bosc, complètent cet ensemble. Formant une immense croix liturgique à travers l’espace intérieur de l’édifice, la cuve baptismale dont le couvercle rappelle l’onde de l’eau du Jourdain prendra place à l’entrée de la nef ; l’autel majeur en forme de voûte inversée, l’ambon dessinant un tau et la cathèdre seront placés quant à eux à la croisée et le tabernacle au fond du chœur. Réalisées en bronze patiné, ces pièces aux lignes épurées qui résonnent avec la pierre blonde du monument démontrent que le décor de la cathédrale n’a jamais cessé de se renouveler à travers les siècles.
Enzo Menuge
« Grands décors restaurés de Notre-Dame de Paris »
Jusqu’au 21 juillet 2024 à la galerie des Gobelins du Mobilier national
42 avenue des Gobelins, 75013 Paris
Tél 01 44 08 53 49
www.mobiliernational.culture.gouv.fr
Catalogue, coédition SilvanaEditoriale / Mobilier national, 112 p., 15 €.