Compagnon de guerre, de voyage ou de travail, le cheval constitue un acteur majeur de l’épopée humaine. Glorifié et respecté, il occupe une place particulière en Occident. Le château de Versailles, qui accueille les épreuves équestres des Jeux olympiques, lui consacre une spectaculaire exposition. Plus de 300 œuvres, incluant nombre de prêts extraordinaires, se déploient en une quinzaine de sections qui explorent les liens unissant cet animal aux sociétés européennes. Florilège.
La pièce maîtresse de l’exposition
Récemment redécouvert, ce portrait exceptionnel prêté par le château tchèque de Konopiste est l’œuvre du Flamand Justus Sustermans. Il représente le jeune Léopold de Médicis, dernier fils du grand-duc Côme II de Toscane, juché sur sa jument. L’élégance du cheval et celle du cavalier sont magnifiées par la finesse du trait et la richesse des couleurs. Chaque détail, de la posture de l’enfant à la texture des tissus, est travaillé pour refléter la noblesse du sujet. La blancheur de la robe de l’animal, mise en valeur par un rai lumineux, accentue la majesté de la scène. L’histoire tragique de la bête, abattue d’un coup d’arquebuse pour mettre fin à ses vieux jours, ajoute une dimension poignante au tableau.
Précision anatomique
Exécutée dans les années 1660-1670, cette grande feuille de Charles Le Brun montre un cheval mourant, allongé dans toute sa simplicité. Le réalisme anatomique de l’animal, dont les muscles antérieurs et la structure osseuse sont minutieusement croqués, atteste du goût du peintre pour le dessin de précision. L’œuvre, conçue comme un travail préparatoire aux cycles de l’Histoire du Roy et des Batailles d’Alexandre, rend hommage à la beauté naturelle de l’équidé et à sa sensibilité. Les jeux de lumière et d’ombre y accentuent les volumes, conférant à cet animal de papier une présence presque tangible.
Un maniérisme sauvage
Prêtée par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, cette sculpture d’Adrien de Vries immortalise, dans le bronze, un cheval sauvage, cabré sur ses deux membres postérieurs. Figé, presque menaçant, l’animal inspire un sentiment de force brute. La maîtrise technique de l’artiste se manifeste dans la précision des détails anatomiques de l’étalon, lesquels mettent en valeur sa lourde ossature et sa puissante musculature. Ce type d’œuvre, âprement recherché par les princes, s’inscrit dans la grande tradition du maniérisme sculptural.
Chanfreins royaux
Les chanfreins royaux, pièces d’armure couvrant le front des chevaux, constituent des chefs-d’œuvre d’artisanat. Initialement conçus pour protéger les animaux lors des batailles, ils sont également utilisés comme des ornements censés refléter la fortune et le prestige de leurs commanditaires. Les chanfreins exposés dans le salon de la Guerre se présentent sous la forme de pièces remarquablement articulées, recouvrant la nuque et les oreilles des chevaux. L’un d’eux, daté de la fin du XVe siècle, se distingue par ses plaques élégamment assemblées et sa fine frange de mailles. Ses courbes souples et ses surfaces polies attestent d’un admirable savoir-faire. Fonctionnelle et raffinée, cette pièce indique que les princes de l’époque moderne se rêvent autant en guerriers qu’en esthètes. Délicatement gravés, richement décorés et parfois sertis de pierres précieuses, ces ornements sont utilisés lors d’entrées solennelles et de processions. Le chanfrein du cheval du futur Henri II, probablement confectionné par Romain des Ursins, constitue l’une des pièces maîtresses de l’exposition. Orné d’or, d’argent et de laiton, ce masque témoigne d’une maîtrise exceptionnelle de l’orfèvrerie. Ses contours fluides et les détails qu’il arbore lui confèrent un aspect particulièrement sophistiqué. L’ensemble paraît briller des derniers feux de la chevalerie française. D’autres modèles, plus curieux, tiennent davantage du costume ou du déguisement que de l’instrument équestre. Ainsi de ces quatre masques de dragon, pensés pour conférer un aspect merveilleux aux chevaux princiers. Évocation de la légende de saint Georges, ils rappellent que les références intellectuelles du début de la Renaissance puisent encore à des sources chevaleresques.
Alan Pierret
À retrouver dans :
L’Objet d’Art n° 613
Toutes les expositions de l’été
96 p., 11 €.
À commander sur : www.estampille-objetdart.com
« Cheval en majesté. Au cœur d’une civilisation »
Jusqu’au 3 novembre 2024 au château de Versailles
Place d’Armes, 78000 Versailles
Tél. 01 30 83 78 00
www.chateauversailles.fr
À paraître le 5 septembre 2024 : catalogue, coédition château de Versailles / Lienart, 504 p., 49 €.
À lire :
Dossiers de l’Art n° 320
Cheval en majesté
80 p., 11 €.
À commander sur : www.dossiers-art.com