La galerie d’art contemporain Ceysson & Bénétière s’est installée en 2022 dans le Gard, près d’Uzès, parmi les oliviers et les vignes, au domaine de Panéry. Cet été, elle y présente « Frank Stella, Recent Works », exposition-hommage à l’artiste américain disparu en mai dernier. Voyage au cœur du corpus d’un plasticien qui ne s’est jamais laissé enfermer dans un style.
Dans une dynamique colorée, tantôt géométrique et rigoureuse, tantôt chaotique, trente lithographies, peintures, sculptures-installations et collages de l’artiste « minimaliste », devenu au fil de sa carrière « maximaliste », se déploient avec majesté dans l’espace d’exposition principal et dans un autre, ouvert seulement l’été, près du site d’embouteillage. Orchestré par l’artiste juste avant son décès, l’événement présente des pièces produites entre 1983 à 2024.
Extension du domaine des formes et des fluides
Des œuvres de la série K et de celle des Fluid Motion Extended témoignent, parmi d’autres, d’un art en perpétuelle réinvention. Semblant aux antipodes de ses Black Paintings, tableaux minimalistes aux bandes noires des années 1960 qui ont fait sa réputation, elles découlent d’une réflexion menée depuis soixante ans. En effet, chez Frank Stella, toute pièce en engendre de nouvelles. Imposant tableau de 1983, La prima spada e l’ultima scopa, aux coups de pinceaux colorés, visibles, énergiques, présente des volumes qui s’extirpent de la surface picturale et s’émancipent du cadre. D’autres s’apparentent tantôt à des bas-reliefs baroques, tantôt à des sculptures expressionnistes, lyriques, constituant la synthèse de recherches menées sur la planéité. De même, les œuvres de la série K – K123, K502, K410, K408 – mêlant plastique élasto, tubes d’acier impression 3D et couleurs néo pop, et de la série Fluid Motion Extended, réalisées à partir de peinture automobile et d’aluminium RPT, mettent en évidence une cacophonie de reliefs enchevêtrés. Suspendues à des socles sur roulettes, certaines d’entre elles sont des œuvres-trophées qui évoquent un réseau de flux, la circulation des fluides, semblable au mouvement des volutes de fumée représentées en 3D, présentes dans la série Fluid Motion.
L’« étoile » de Stella
Si ces pièces interrogeant l’espace et sa possibilité de régénération découlent d’une pensée au départ minimaliste, elles en sont, malgré tout et en filigrane, une critique. Des œuvres au sein desquelles on note aussi souvent la présence d’étoiles. Ces leitmotive plastiques, version mini dans les tableaux-sculptures, version diffractée dans une Split star en inox peint, ou encore maxi dans Wooden Star, monumentale et élégante sculpture en teck, installée dans le parc, conféreraient-ils au corpus de Stella — qui n’a jamais aussi bien porté son nom ! — une dimension cosmique ? Quoi qu’il en soit, il est encore ici question d’univers qui s’élargit, pour atteindre une nouvelle amplitude. Volutes multicolores, tubes d’acier et socles industriels, tableaux aux formes géométriques et énergiques au chromatisme éclatant : l’exposition au domaine de Panéry illustre la pratique plurielle d’un artiste résolument inqualifiable. Ayant assimilé les leçons des avant-gardes et de l’art d’après-guerre, le chantre du minimalisme américain finit par créer des ouvrages indéfinis, libérés de la platitude et de l’illusion.
Panéry : terre d’élection de Ceysson & Bénétière
Présente à Saint-Étienne, Paris, Lyon, Luxembourg, New York et, dès l’automne prochain, à Tokyo, la galerie Ceysson & Bénétière a, depuis deux ans, élu domicile au sein du domaine viticole et oléicole de Panéry. Là, attenant à un hôtel « rural chic », une « table de partage » et un parc de sculptures, un lumineux bâti d’environ 350 m² accueille, toute l’année, des expositions consacrées aux artistes de la galerie. « Lorsque les collectionneurs Jacqueline et Olivier Ginon, propriétaires de ce domaine de 600 hectares, nous ont proposé d’imaginer un projet in situ, entre art et nature, explique Loïc Bénétière, fondateur en 2006 de la galerie avec Bernard et François Ceysson, très vite nous est venue l’idée de créer un espace pérenne, empreint du lieu. Après les expositions ayant célébré notamment Claude Viallat ou encore Gloria Friedman, nous rendons hommage à Frank Stella (1936-2024), plasticien emblématique de l’art américain du XXe siècle, mort récemment, qui joua, en outre, un rôle important dans la carrière de Bernard [Ceysson, ndlr]. » Grand défenseur du mouvement Supports/Surfaces, cet ancien conservateur du musée d’art moderne de Saint-Étienne fut en effet le premier à montrer l’artiste d’outre-Atlantique, dans l’Hexagone, et à acheter l’une de ses pièces afin d’enrichir les collections françaises.
Virginie Chuimer-Layen
« Frank Stella, Recents works »
Jusqu’au 30 octobre 2024 au Domaine de Panéry
Galerie Ceysson & Bénétière
Route d’Uzès, 30210 Pouzilhac
Tél. 04 66 37 04 44
www.ceyssonbenetiere.com