Monique Mathieu : disparition d’une grande figure de la reliure
La relieuse française est décédée le 22 septembre dernier à l’âge de 96 ans.
Née à Paris, Monique Mathieu passe sa jeunesse dans la Marne à Montmirail et revient dans sa ville natale en 1946, où elle suit des cours d’histoire de l’art à la Sorbonne, puis des cours de reliure et de dorure. Vers 1955, elle ouvre un atelier de reliure et de fabrication d’objets en cuir rue Mazarine avant de s’installer à Belleville. Elle a, dès cette époque, des contacts avec le monde de l’édition en la personne de l’éditeur Robert Morel et, par lui, avec les Székely, Borderie, Varda, PAB. À partir de 1957, elle s’oriente vers la création de décors qu’elle réalise elle-même et ne cessera plus de se consacrer au livre. Encouragée par le libraire Jean Hugues, elle obtient le prix Rose Adler en 1961, consécration qui la lancera dans le monde de la reliure, et sa création ne s’interrompra plus jusqu’au dernier décor créé en 2021.
Une remarquable rétrospective à la Biliothèque nationale de France en 2002
Son œuvre est très vite recherchée par les collectionneurs qui animent la Société de la Reliure Originale : Jean Parizel, Paul Destribats, André Rodocanachi, Daniel Filipacchi, plus tard Renaud Gillet, Jan van der Marck… En 1972, sa première exposition personnelle a lieu à Ascona (Suisse). En 1978, la Bibliothèque nationale présente ses créations avec celles de Georges Leroux et Jean de Gonet. Trois ans plus tard, la librairie Giraud-Badin lui consacre sa première exposition personnelle à Paris. Un survol de sa production est présenté en 1992 à la Wittockiana à Bruxelles, puis ce sera la grande rétrospective à l’initiative d’Antoine Coron à la BnF en 2002, « Monique Mathieu, la liberté du relieur ». Ce sont plus de 1 400 reliures imaginées et réalisées par les relieurs et doreurs qui l’ont accompagnée tout au long de ce travail (Jean Lipinski, Yvon Bramante, Claude Ribal, Renaud Vernier, Philippe Fié, Hélène Jolis…).
André Frénaud, l’homme d’une vie
Monique Mathieu fait la connaissance en 1964 du poète André Frénaud, originaire de Montceau-les-Mines, ce sera l’homme de sa vie jusqu’à son décès en juillet 1993. Après cette date, elle poursuivra de front sa création et la promotion de l’œuvre d’André Frénaud. Elle réalise la volonté posthume de son mari en transmettant la documentation préparatoire à l’œuvre d’André Frénaud à la Bibliothèque Jacques Doucet à Paris et en faisant une donation de peintures, livres et reliures à la Ville d’Autun en 2000.
Au début de cette décennie, Monique Mathieu se lance dans la production de livres (m.m. éd.), « l’envie, à mon tour, de me mesurer à la fabrication du livre que j’habillais seulement auparavant ». Une trentaine d’ouvrages sont diffusés en s’appuyant sur un réseau de libraires fidèles.
François Chapon décrit ainsi l’art de Monique Mathieu dans sa préface au catalogue de l’exposition de 1981 chez Giraud-Badin : « Elle cristallise les courants conducteurs de son temps pour en faire la donnée d’un éternel constat. »