La chapelle du château de Chambord accueille deux Madones de Botticelli
Récemment redécouverte, une Madone réalisée dans l’atelier de Botticelli retrouve son modèle, la Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste conservée au palais Pitti, dans le cadre exceptionnel du château de Chambord.
Dans la chapelle du château de Chambord resplendissent deux Madones de Botticelli. Si l’une, venue de la galerie palatine du palais Pitti à Florence, est renommée depuis des siècles, la seconde vient seulement d’être réattribuée à l’atelier du maître de la Renaissance. La Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste conservée dans l’église Saint-Félix de Champigny-en-Beauce était considérée comme une modeste copie du XIXe siècle jusqu’à ce que Matteo Gianeselli, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance à Écouen, l’identifie comme une œuvre florentine du XVIe siècle. Cette attribution a été confirmée par les analyses scientifiques réalisées sous la direction de Dominique Martos-Levif au sein du C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) où le tableau a été restauré par Emanuela Bonaccini.
Une image de dévotion
Cette réplique du tableau du palais Pitti a été réalisée dans l’atelier de Botticelli, probablement vers 1510. Certains détails, particulièrement soignés, comme le visage et les pieds de la Vierge, pourraient même laisser penser, sinon à une intervention directe du maître, du moins à un contrôle minutieux. Une autre version, conservée au Barber Institute of Fine Arts de Birmingham, témoigne du succès de cette image de dévotion, associant étroitement la Vierge à un Christ enfant dont le visage adulte annonce déjà la Passion. Les trois tableaux ont en commun d’avoir été réalisés sur toile, à la différence de la très grande majorité des œuvres de la Renaissance florentine peintes sur panneaux de bois. Ils pourraient avoir été conçus pour servir de bannières lors de processions religieuses. Cette hypothèse, renforcée par la forme d’une grande lacune dans la partie inférieure qui pourrait correspondre à la trace d’une hampe servant à transporter l’œuvre, s’accorderait avec une mention de Vasari sur le talent de Botticelli pour « décorer les drapeaux et autres draperies ».
Quatre questions à Emanuela Bonaccini, restauratrice du Botticelli de l’église de Champigny-en-Beauce
Comment s’est déroulée la campagne de restauration ?
Le tableau présentait des déformations au niveau du support, des problèmes d’adhérence de la couche picturale, mais aussi des accumulations de repeints altérés et de couches de vernis jaunis qui nuisaient à sa lisibilité. Il a d’abord fallu mener une intervention de restauration du support, puis réaliser un refixage de la couche picturale, suivi d’une opération de nettoyage et de retouche des lacunes pour rétablir l’harmonie chromatique du tableau.
Qu’a révélé l’analyse des pigments ?
La palette chromatique est constituée de pigments fréquemment utilisés dans les ateliers florentins aux XVe et XVIe siècles : blanc de plomb, vermillon, jaune de plomb et d’étain, azurite… Deux éléments servent véritablement de marqueurs chronologiques et géographiques car ils sont caractéristiques des tableaux de la Renaissance italienne : la présence de grains de verre incolore (composé de sodium et manganèse facilitant le séchage des couches picturales) dans les rouges à base de laque utilisés pour le manteau de la Vierge, et l’usage d’une terre riche en zinc pour rendre les nuances des cheveux et du manteau de saint Jean-Baptiste. Ces deux particularités se retrouvent dans les tableaux de Botticelli, mais aussi dans les œuvres de Léonard de Vinci et de Raphaël.
De légères différences dans le tracé de la composition s’observent entre les deux œuvres. Comment s’expliquent-elles ?
Le tableau de Champigny a été réalisé à partir du prototype du palais Pitti grâce à la technique du spolvero. Elle permet de reporter avec exactitude les dessins préparatoires qui étaient perforés puis recouverts de carbone noir afin de transférer le tracé des contours sur la toile. Mais ces modèles préparatoires ont parfois été associés selon des angles légèrement différents et ont créé ces petites différences entre l’original et la réplique.
Pourquoi le coloris du tableau de Champigny est-il beaucoup plus sombre que l’œuvre du palais Pitti ?
Cet aspect éteint des couleurs est dû à un ancien rentoilage à la cire. Il s’agissait d’une opération nécessaire pour sauvegarder la structure même de l’œuvre. Mais l’absorption de la préparation à base de cire a malheureusement provoqué un obscurcissement irréversible.
« Botticelli. Deux Madones à Chambord », jusqu’au 19 janvier 2025 au château de Chambord, 41250 Chambord. Tél. 02 54 50 40 00. www.chambord.org