Les éternelles années pop de Tom Wesselmann à la Fondation Vuitton
Rassemblant quelque 150 œuvres, la Fondation Louis Vuitton invite à redécouvrir dans une rétrospective joyeuse et ludique l’œuvre méconnu de Tom Wesselmann (1931-2004).
À ceux qui voudraient replonger dans les années 1960-1970, la capitale parisienne offre actuellement le meilleur panorama artistique dont on puisse rêver. Alors que la Bourse de Commerce présente une très riche rétrospective sur l’arte povera, la Fondation Louis Vuitton, elle, consacre son exposition d’automne au pop art, et plus particulièrement à l’un de ses représentants les plus attachants, l’Américain Tom Wesselmann. Si l’artiste est nettement moins célèbre qu’Andy Warhol ou Roy Lichtenstein, son œuvre est pourtant bien l’un des plus originaux du mouvement.
Les débuts
Né à Cincinnati en 1931, Wesselmann grandit dans un milieu totalement étranger à l’art avant d’intégrer la prestigieuse Cooper Union de New York. Ses premiers chocs esthétiques sont pour l’expressionnisme abstrait de Robert Motherwell et Willem de Kooning, mais plutôt que de les imiter, il prend le contrepied et réalise de tout petits tableaux figuratifs, qu’il agrandira par la suite, parfois à l’échelle monumentale. Car le pop art, qui célèbre la société de consommation et l’American way of life, aime ce qui est grand, ce qui est simple et frappant. Les salles du sous-sol le montrent assez avec les œuvres de Lichtenstein, Warhol, Rauschenberg, Johns ou Oldenburg – tous représentés par des pièces iconiques –, mais aussi de Marisol, Marjorie Strider ou Yayoi Kusama, sans oublier les héritiers du mouvement tels Sylvie Fleury ou David Hammons.
Des fragments de réalité
Wesselmann, qui cherche, selon ses mots, à capter une « réalité officielle », se met à récupérer des affiches dans les poubelles du métro new-yorkais et à les introduire, par fragments, dans ses œuvres. Puis il va même jusqu’à intégrer des objets du quotidien à ses compositions peintes : tous sont vrais et, surtout, tous « fonctionnent » : la radio et le téléviseur diffusent leurs émissions, le téléphone sonne par intermittence…
Les Great American Nudes
C’est là l’une des principales qualités de Tom Wesselmann, celle de mêler étroitement l’art à la vie en faisant appel aux autres sens que la seule vue : l’ouïe et le toucher. Le procédé atteint son apogée dans la série des Great American Nudes – lesquels lui apportent justement le succès. On ne peut plus vraiment parler de tableaux tant les éléments tirés du réel y font jeu égal avec la peinture : on trouve ainsi un radiateur, une fenêtre, une porte de réfrigérateur, un peignoir, une table avec un bouquet de fleurs (artificielles), une lunette de WC, un pain de savon, du papier toilette… L’effet est saisissant : on est étonné, amusé, désorienté, ne sachant plus très bien ce qui est présenté et ce qui n’est que re-présenté. Les couleurs vives et joyeuses achèvent de faire de ces œuvres des images qui restent en mémoire.
Un érotisme ludique
Comme le titre de sa série la plus emblématique l’indique, la femme occupe dans le travail de Wesselmann une place essentielle. Réduite à sa plus simple expression – nue, sans traits du visage –, conforme aux canons esthétiques de la société contemporaine, elle est toujours montrée dans des poses suggestives, voire sexuelles. Ce registre érotique est néanmoins joué sur le mode ludique, devenant prétexte à des innovations formelles, tels ses drops out, des shaped canvases poussées à l’extrême où le peintre laisse en négatifs ici un sein, là une jambe… Le même humour est à l’œuvre dans ses gigantesques Standing Still Lifes, dont les toiles multiples (une par objet) sont placées comme des décors de théâtre et devant lesquelles on se sent soudain rapetisser comme Alice au pays des merveilles.
Vous l’aurez compris, si vous aimez sourire et être surpris, filez à la Fondation Louis Vuitton.
« Pop forever. Tom Wesselmann &… », jusqu’au 24 février 2025 à la Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris. Tél. 01 40 69 96 00. www.fondationlouisvuitton.fr
Catalogue, coédition Fondation Louis Vuitton / Gallimard, versions française et anglaise, 348 p., 45 €.