Faire vivre Lascaux

Je pense qu’il ne faut pas réciter sa visite mais être dynamique et captivant afin de déclencher l’interrogation dans la tête des visiteurs. Grâce à la volonté novatrice de la Sémitour Périgord et de son directeur général, André Barbé, le parcours de Lascaux IV consiste ainsi en un cheminement visuel, mental et physique, faisant appel à l’imaginaire, à la pensée, à la sensibilité, en stimulant la curiosité.

De plus, fait rare dans un même lieu, on part à la découverte de différentes époques, à travers l’œil des artistes préhistoriques et contemporains, et on prend conscience des possibilités intellectuelles et artistiques des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique récent. Beaucoup de visiteurs nous déclarent ainsi qu’ils ne pensaient pas que cet art les interpellerait autant… Ma fierté de médiateur est d’avoir été l’amorce, le déclencheur de cette « révélation ». Il y a un côté théâtral qui favorise la transmission du discours scientifique. Un médiateur doit être un acteur de théâtre qui distille ensuite la connaissance scientifique. On emmène les gens dans un voyage imaginaire, grâce à la puissance du mot-clé qui déclenche des questionnements. Et plus c’est poétique, plus cela plaît !…

Des visiteurs découvrant Lascaux IV. © Déclic&Décolle

Oui et pour acquérir la certification, j’ai notamment dû m’occuper de deux profils très différents : un parfait novice et un médiateur non spécialisé en Préhistoire. Je leur ai expliqué ce délicat art de la vulgarisation : nous sommes allés sur une quinzaine de sites ; je leur ai conseillé des livres et d’écrire un premier jet de leur future visite. La difficulté est d’éviter d’être trop descriptif, de détailler chaque partie… Il faut au contraire axer sur l’imaginaire, tout en étant rigoureux scientifiquement et en faisant état de la recherche actuelle ! Notre travail est d’ouvrir des portes, mais de ne jamais rien affirmer. Lascaux est la grotte du conditionnel ! Nous n’aurons jamais les réponses ; nous nous interrogeons en évacuant les idées reçues.

La salle des taureaux © Déclic&Décolle

Ma conviction profonde est que la porte d’entrée doit passer par l’histoire de la Préhistoire et la position de l’Homme préhistorique dans son environnement. On arrive ensuite à l’art préhistorique et à Lascaux. On quitte le XXI^e siècle pour un monde transitoire qui stimulait les artistes de la Préhistoire. Mais ce n’était pas des artistes de la vie quotidienne. La première créature que l’on rencontre est fantastique : la fameuse « licorne ». J’ai axé ma visite sur plusieurs niveaux de lecture et de signification : d’abord la phase de contemplation (le visiteur est submergé par une pluie de peintures et la monumentalité des images) puis la méditation (il commence à s’apercevoir de la présence de figures plus discrètes, voire confidentielles). De là, il observe un silence total, écoute le discours du médiateur : les questions viendront dans la salle suivante, une fois sorti du fac-similé. Je crée aussi des ponts entre différentes époques et peintres, afin que le visiteur y puise des références qui l’aident à se repérer et se familiariser avec Lascaux. Il est possible d’y reconnaître une recherche esthétique commune, par-delà les époques et les cultures.