Notre-Dame, La renaissance d’une cathédrale de lumière

La cathédrale Notre-Dame après restauration. La réalisation d’une partie du nouveau mobilier liturgique a été confiée au designer Guillaume Bardet. © Photo12 / ABC / Eliot Blondet

La cathédrale Notre-Dame après restauration. La réalisation d’une partie du nouveau mobilier liturgique a été confiée au designer Guillaume Bardet. © Photo12 / ABC / Eliot Blondet

Cinq ans après le dramatique incendie du 15 avril 2019, l’ouverture solennelle des portes de Notre-Dame de Paris le 7 décembre dernier a révélé une cathédrale étincelante de lumière. La spectaculaire restauration a redonné au monument et à ses chefs-d’œuvre leurs teintes originelles, tandis que le nouveau mobilier liturgique constitue une réussite de la création contemporaine.

L’impression d’obscurité qui émanait de la nef de la cathédrale n’est plus qu’un lointain souvenir. La campagne de restauration vient de rendre leur blondeur lumineuse aux pierres en calcaire lutétien, comme elle a redonné leur éclat aux vitraux, ternis par les poussières de plomb dégagées lors de l’incendie. Elle a fait aussi réapparaître les couleurs de la clôture de chœur dont les bas-reliefs du XIVe siècle représentent la vie du Christ ; et celles des décors muraux conçus par Viollet-le-Duc pour les chapelles qui entourent le chœur. La splendeur retrouvée des teintes d’origine, recouvertes par des décennies d’encrassement, marque l’aboutissement de ce chantier colossal, unanimement salué comme une grande réussite.

Vue intérieure de la cathédrale après restauration.

Vue intérieure de la cathédrale après restauration. © Photo12 / ABC / Eliot Blondet

Une traînée de plomb fondu dans la main du Christ

La cathédrale resplendissante a retrouvé ses chefs-d’œuvre, tout aussi magnifiquement restaurés. Les treize grands Mays et les autres tableaux monumentaux ont regagné la fraîcheur de leurs coloris. De même, les imposantes sculptures en pierre calcaire ou en marbre, comme les mausolées de Jean Juvénal des Ursins et de son épouse Michelle de Vitry, du cardinal Jean-Baptiste de Belloy, et d’Albert de Gondi, ont été soigneusement nettoyées. Seule une coulure de plomb fondu a été volontairement laissée dans la main du Christ de la Pietà de Nicolas Coustou pour garder le souvenir du terrible incendie. Elle constitue l’unique témoignage matériel encore visible du drame, avec le coq qui se dressait en haut de la flèche. La sculpture en plomb, déformée par les chocs et la chaleur de l’incendie, est présentée dans la chapelle Saint-Georges, dans l’état dans lequel elle fut retrouvée le 16 avril 2019.

La Pietà de Nicolas Coustou (1723) a retrouvé sa fraîcheur. Seule une coulure de plomb fondu a été volontairement laissée dans la main du Christ en souvenir de l’incendie.

La Pietà de Nicolas Coustou (1723) a retrouvé sa fraîcheur. Seule une coulure de plomb fondu a été volontairement laissée dans la main du Christ en souvenir de l’incendie. © Photo12 / ABC / Jeanne Accorsini / Pool

Le grand orgue a également fait l’objet de tous les soins. Ses 8 000 tuyaux ont été démontés pour être nettoyés des poussières de plomb dans un atelier du Vaucluse, tandis que les dix-neuf sommiers (pièces de transmission des commandes musicales) ont été restaurés en Corrèze et dans l’Hérault et que le buffet d’orgue, datant du XVIIIe siècle, a retrouvé son décor peint originel. Les grands lustres en bronze ciré dessinés par Viollet-le-Duc ont eux aussi regagné en éclat grâce au savoir-faire de l’entreprise Mathieu Lustrerie.

La sculpture en plomb du coq qui se dressait en haut de la flèche, déformée par les chocs et la chaleur de l’incendie, est présentée dans la chapelle Saint-Georges.

La sculpture en plomb du coq qui se dressait en haut de la flèche, déformée par les chocs et la chaleur de l’incendie, est présentée dans la chapelle Saint-Georges. © Photo12 / ABC / Eliot Blondet

La restauration en quelques chiffres

2 000 artisans, compagnons, ingénieurs et architectes

250 entreprises œuvrant à la reconstruction

340 000 donateurs dans plus de 150 pays

1 000 chênes pour reconstruire la charpente

1 300 m3 de pierres pour restaurer les maçonneries

Une nouvelle scénographie pour le Trésor

Dans la sacristie entièrement restaurée, une nouvelle scénographie due à Nathalie Crinière (qui a également élaboré la signalétique du parcours de visite) met en valeur le Trésor de la cathédrale. Exposés au musée du Louvre à l’automne 2023 (cf. Dossiers de l’Art n° 312), les précieux calices, ciboires, reliquaires et vêtements liturgiques ont retrouvé le lieu où ils étaient conservés, pour certains depuis le XIIe siècle. Ils ont regagné les vitrines historiques dessinées par Viollet-le-Duc qui ont renoué avec leur polychromie originelle, ou ont pris place dans les nouvelles structures en verre et métal conçues par Nathalie Crinière. Cette présentation aérienne magnifie la préciosité des œuvres d’orfèvrerie et des somptueux textiles.

La création contemporaine au cœur de Notre-Dame

Commandé pour remplacer l’autel majeur endommagé par l’écroulement de la voûte de la croisée du transept le 15 avril 2019, un nouveau mobilier liturgique fait entrer la création contemporaine dans la cathédrale. La réalisation du nouvel autel, mais aussi du tabernacle, du baptistère, de l’ambon et de la cathèdre, a été confiée au designer Guillaume Bardet, dont le projet a été retenu parmi les nombreuses propositions présentées au Comité artistique présidé par l’archevêque de Paris. Les courbes sobres et épurées de ce mobilier de bronze, réalisé par la fonderie Barthélemy Art à Crest (Drôme), entrent en résonance avec les formes des hautes voûtes de la cathédrale. Le même esprit de « noble simplicité » prôné par Mgr Ulrich se retrouve dans les 1 500 chaises en chêne massif conçues par l’artiste Ionna Vautrin et fabriquées par l’entreprise Bosc dans les Landes. Le dessin de leurs dossiers s’inspire librement des colonnes de l’édifice.

Le nouvel écrin de la Couronne d’épines

Mais la création la plus impressionnante est l’imposante châsse reliquaire, destinée à accueillir la Couronne d’épines lorsque la relique sera présentée à la vénération des fidèles. Œuvre de l’architecte designer Sylvain Dubuisson, réalisée avec le savoir-faire des Ateliers Saint-Jacques de la Fondation de Coubertin et du maître verrier Olivier Juteau, elle est composée d’une auréole de neuf cercles concentriques et de 396 cabochons en verre à fond d’or, au centre d’une claie de bois de cèdre, sertie d’épines en bronze doré. À l’image de la restauration de la cathédrale, cette châsse reliquaire qui illumine la chapelle axiale témoigne de l’alliance réussie entre tradition et innovation.

L’imposante châsse reliquaire est l’œuvre de l’architecte designer Sylvain Dubuisson.

L’imposante châsse reliquaire est l’œuvre de l’architecte designer Sylvain Dubuisson. © Édouard Elias

Des vitraux contemporains pour Notre-Dame ?

Depuis plus d’un an, le projet de remplacement de six vitraux des chapelles du bas-côté sud de la cathédrale par des créations contemporaines est au centre d’un débat virulent. L’annonce faite le 8 décembre 2023 par Emmanuel Macron avait immédiatement suscité une vive opposition. La pétition lancée par Didier Rykner, fondateur de La Tribune de l’art, a recueilli à ce jour presque 245 000 signatures. Elle conteste moins la présence de l’art contemporain dans la cathédrale que la dépose des six vitraux conçus par Viollet-le-Duc et réalisés par le maître verrier Alfred Gérente en 1864.

L’Académie des Beaux-Arts s’est également prononcée contre cette atteinte portée à l’intégrité de l’ensemble architectural conçu par Viollet-le-Duc. Elle suggère d’autres emplacements plus opportuns pour de nouvelles verrières, comme la tour nord de la cathédrale qui ne possède pas de vitraux. Le choix de ce lieu où les pompiers risquèrent leur vie pour sauver l’édifice en flammes le 15 avril 2019 permettrait de leur rendre hommage.

Malgré ces oppositions et malgré le rejet du projet par la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture le 11 juillet 2024, selon les arguments détaillés par Alexandre Gady, le nom de l’artiste qui réalisera ces nouveaux vitraux sur le thème de la Pentecôte a été choisi ; il s’agit de Claire Tabouret.

Notre-Dame de Paris en 15 dates

24 août 1163 Le pape Alexandre III pose la première pierre de la cathédrale en présence du roi Louis VII.

19 mai 1182 Le légat du pape, Henri de Château-Marçay, consacre le maître-autel de la cathédrale.

19 août 1239 Saint Louis dépose solennellement à Notre-Dame la Couronne d’épines et les autres reliques de la Passion du Christ, en attendant l’achèvement de la Sainte-Chapelle.

8 avril 1302 Convoquée par le roi Philippe le Bel, la première réunion des États généraux se tient dans la cathédrale.

16 décembre 1431 Au cours de la guerre de Cent Ans, Henri VI d’Angleterre, âgé de dix ans, est sacré roi de France à Notre-Dame.

24 avril 1558 Le mariage de Marie Stuart, reine d’Écosse, et du dauphin François (futur roi François II) est célébré dans la cathédrale.

22 mars 1594 Un Te Deum marque l’entrée d’Henri IV dans Paris et sa conversion au catholicisme.

10 mars 1687 Bossuet prononce l’oraison funèbre du Grand Condé lors de la grandiose cérémonie d’obsèques voulue par Louis XIV.

2 novembre 1789 La cathédrale devient propriété de l’État par le décret de nationalisation des biens du clergé.

10 novembre 1793 Notre-Dame de Paris, transformée en temple de la Raison, accueille « la fête de la Liberté ».

2 décembre 1804 Napoléon Ier se sacre empereur dans la cathédrale en présence du pape Pie VII.

1831 Victor Hugo publie son roman Notre-Dame de Paris.

31 mai 1864 L’archevêque de Paris, Mgr Darbois, célèbre la dédicace de la cathédrale, au terme des dix-neuf ans de travaux de restauration menés par Viollet-le-Duc et Lassus.

25 décembre 1886 « En un instant mon cœur fut touché et je crus. » La conversion de Paul Claudel a lieu devant la Vierge du Pilier.

26 août 1944 Un Te Deum célèbre la Libération de Paris, en présence du général de Gaulle.

À lire : Dossiers de l’Art n° 323, éditions Faton, 80 p., 11 €. À commander sur www.faton.fr