Art moderne : ces œuvres qui ont affolé les enchères fin 2024
Dans un contexte politique et social très incertain, des résultats solides ont encore été enregistrés dans les dernières semaines de 2024 pour des œuvres de Paul Sérusier, Max Oppenheimer et Andy Warhol notamment.
Belle performance pour une femme fleur de Georges de Feure
Le succès fut au rendez-vous pour un important ensemble d’une trentaine d’œuvres du symboliste Georges de Feure, inclus dans la vente de tableaux anciens et du XIXe siècle de Sotheby’s. Femme à l’iris illustre avec brio la propension de l’artiste à associer les femmes à des motifs floraux alors que l’Art nouveau promouvant les formes végétales est en plein essor au cours des années 1890. L’œuvre pictural du peintre fut aussi largement influencé par les poèmes de Baudelaire, en particulier Les Fleurs du Mal. Traditionnellement, le thème de la femme fatale impliquait la représentation d’une créature au teint diaphane et à la longue chevelure ondoyante prête à ensorceler les hommes, mais le peintre a pris ici pour modèle sa future épouse, Marguerite Guibert, décrite comme une divinité tenant l’attribut traditionnel de la déesse Iris.
Succès pour une nature morte de Paul Sérusier
Cette nature morte aux couleurs acidulées de Paul Sérusier a séduit les amateurs dans une vente consacrée aux écoles bretonnes à Brest. La toile date du début de l’année 1912, époque où le peintre du Talisman a pris ses distances avec ses amis nabis (principalement Bonnard, Vuillard, Maurice Denis et Paul-Élie Ranson) pour prendre un chemin plus personnel. Il vient alors d’épouser l’une de ses élèves de l’académie Ranson – où il enseigne depuis 1908 –, Marguerite Gabriel-Claude, également artiste peintre. Sérusier, qui a fait son apprentissage à Pont-Aven avec Gauguin, restera toujours très attaché à la Bretagne où il s’installe définitivement en 1914.
Record mondial pour une œuvre spoliée de Max Oppenheimer
Cet autoportrait du peintre expressionniste viennois Max Oppenheimer réalisé en 1933 a établi un record du monde en ventes publiques, à peine quelques mois après sa restitution aux héritiers de l’artiste. L’œuvre avait en effet été spoliée au début de la Seconde Guerre mondiale, le peintre juif Max Oppenheimer ayant été contraint de fuir l’Autriche en 1938, laissant derrière lui son atelier qui fut pillé par les nazis. Le présent tableau intégra en février 1939 les collections municipales de la ville de Vienne (actuel Wien Museum) avec deux autres œuvres de l’artiste. Il n’existe que quatre autoportraits du peintre, tous antérieurs à celui-ci. Il se représente ici probablement face à un miroir, en plein exercice de son art, avec un corps trop grand semblant déborder du cadre.
Le pop art en fleurs
La star du pop art reste l’un des artistes les plus prisés aux enchères. Cette petite toile de 1964 appartient à l’une de ses séries les plus emblématiques, intitulée Flowers. Celle-ci fut créée d’après une photographie de fleur d’hibiscus prise par Patricia Caulfield, reproduite en 1964 dans le magazine Modern Photography dont elle était rédactrice en chef. Andy Warhol s’est emparé de l’image à des fins d’expérimentation et se l’est appropriée, mettant en application son principe artistique fondé sur la reproduction et le multiple. La série Flowers – qui compte de nombreuses déclinaisons – fut exposée pour la première fois à New York à la galerie Leo Castelli.
Gants blancs pour la vente hommage à Jean Fournier
Franc succès pour la vente hommage à Jean Fournier qui a totalisé plus de 9 M€ chez Christie’s, soit le double de son estimation basse. 66 % des trente-cinq lots proposés ont dépassé leur estimation, en particulier l’une des pièces phares, une toile de Joan Mitchell adjugée 1,4 M€ (estimée 600 000/800 000 €). Réalisée en 1965 par Simon Hantaï, Panse a également été disputée par plusieurs enchérisseurs. C’est à partir de 1960 que l’artiste hongrois systématise sa méthode de pliage. En 1967, il expose sa série Panses, qui reflète son désir de revenir à une figure embryonnaire, à la galerie Jean Fournier – une collaboration décisive pour sa carrière.
Les perceptions visuelles de Carlos Cruz-Diez
Cette œuvre de 2019 a été réalisée l’année de la mort du Vénézuélien Carlos Cruz-Diez, pionnier de l’art cinétique et de l’op art (art optique). Durant cinq décennies, il a cherché à retranscrire l’observation des couleurs comme une expérience propre à chaque individu, démontrant la faillibilité de l’œil à travers des jeux optiques. Le spectateur devient un acteur constitutif de l’œuvre d’art, sa vision et sa position déterminant une multitude d’effets de couleurs. Dans l’ouvrage Réflexion sur la couleur paru en 2013, le peintre résumait ainsi le travail de sa vie : « Dans mes œuvres, la couleur apparaît et disparaît tout au long de notre dialogue avec l’espace et le temps, nous prenons conscience d’un phénomène propre à la nature humaine ».