La Société des Amis de Versailles fait son marché

François-Hubert Drouais, Portrait de Madame de Pompadour (détail), vers 1764. Huile sur toile.

François-Hubert Drouais, Portrait de Madame de Pompadour (détail), vers 1764. Huile sur toile. Photo service de presse. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Le château de Versailles peut compter sur la générosité toujours renouvelée de la Société des Amis pour faire (re)venir entre ses murs des œuvres et objets d’art liés à son histoire. L’année 2024 ne fait pas exception.

Nous nous faisions l’écho, il y a peu, de l’acquisition d’un superbe ployant, livré à la comtesse d’Artois à Versailles. Figurent aussi une dizaine de livres, dont l’Histoire du règne de Charlemagne (1745) aux armes de Madame Sophie, deux précieux carnets à dessins des ducs d’Anjou et de Berry, petits-fils de Louis XIV, ou encore six aquarelles du général James Caldwell représentant les jardins de Versailles et de Trianon (1831). Parmi les pots, verres et assiettes donnés par les Amis, on citera tout particulièrement deux rarissimes assiettes provenant d’un service à dessert en porcelaine de Sèvres acquis par Madame Victoire.

Dans le cabinet de travail de Louis XVI

Ce superbe écran de cheminée fait quant à lui un retour remarqué dans le ­Cabinet d’angle de Louis XVI pour lequel il avait été commandé en 1786. Récemment réapparu, il s’agit du seul élément conservé de l’ensemble de meubles (six chaises, une bergère, deux fauteuils de bureau) réalisé par le menuisier Jean-Baptiste Boulard, le sculpteur Louis-François Charny et le doreur Louis-François Chatard. Cet écran, dont on avait perdu la trace depuis la ­Révolution, est à nouveau présenté devant la cheminée du cabinet de travail de Louis XVI, magistralement restauré en 2019-2021.

Jean-Baptiste Boulard, Louis-François Chatard, é́cran de cheminée, 1786.

Jean-Baptiste Boulard, Louis-François Chatard, é́cran de cheminée, 1786. Photo service de presse. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Un élégant portrait

Peint vers 1764, cet élégant tableau ovale représentant Madame de Pompadour est l’une des variations du célèbre portrait en pied immortalisant l’ancienne favorite de Louis XV en vertueuse grande bourgeoise, assise devant son métier à tisser (Londres, National Gallery). C’est sans doute dans ses appartements de Versailles que la désormais confidente et amie du monarque se fait représenter à la fin de ses jours par le talentueux François-Hubert Drouais (l’œuvre est achevée un mois après sa mort). L’artiste suscite l’enthousiasme de la critique en alliant avec virtuosité l’opulence des matières au naturalisme de la pose et de la physionomie. Également sorties de son atelier, une quinzaine de versions en buste faciles à diffuser sont à ce jour identifiées, mais la toile acquise par la Société des Amis se distingue par sa qualité et son exceptionnel état de conservation.

François-Hubert Drouais, Portrait de Madame de Pompadour, vers 1764. Huile sur toile.

François-Hubert Drouais, Portrait de Madame de Pompadour, vers 1764. Huile sur toile. Photo service de presse. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Deux meubles raffinés

Concluons cette étourdissante énumération par deux meubles sobres et raffinés, associant le chêne, l’acajou et le bronze doré, qui ont également rejoint les salles du château grâce à la générosité des Amis. La table de toilette attribuée à l’ébéniste Étienne Levasseur avait été commandée pour les appartements de Madame Victoire au château de Bellevue ; elle est désormais l’une des pièces phares du Cabinet intérieur de la cinquième fille de Louis XV à Versailles. Le second meuble est une table tricoteuse estampillée Weisweiler, portant la marque au fer du Garde-Meuble de la reine. Proposée par la SVV Millon en novembre dernier à Drouot et adjugée 66 000 € au marteau, cette petite table à ouvrage « volante », avec piètement en « H », est caractéristique de la fin du XVIIIe siècle.

Une maquette de Pierre Cartellier redécouverte

C’est un exceptionnel projet pour une statue équestre de Louis XV au galop que le château de Versailles a acquis le 5 décembre dernier à Drouot, dans une vente Audap & Associés, pour 84 000 € (frais inclus). Réalisée en 1817, cette terre cuite patinée très aboutie est la première maquette livrée par le sculpteur Pierre ­Cartellier (1757-1831) pour la statue monumentale que Louis XVIII souhaitait faire ériger sur la place de la Concorde. Il s’agissait alors de remplacer celle d’Edme ­Bouchardon et de Jean-Baptiste Pigalle, inaugurée en 1763 par la Ville de Paris et détruite à la Révolution. Ancien sculpteur officiel de la famille impériale, Cartellier n’en était pas à son coup d’essai et s’était fait connaître par diverses commandes monumentales. Pourtant, cette statue figurant le Bien-Aimé en monarque victorieux n’allait que partiellement voir le jour… Contraint de changer de matériaux (du marbre au bronze) et de modifier l’allure du cheval (du galop au pas), l’artiste ne laisse à sa mort que la monture encore dans son moule. Son gendre, Louis Petitot, se verra finalement confier la réalisation d’une statue de Louis XIV qu’il assoit sur le cheval, donnant ainsi vie à une œuvre hybride érigée dans la cour d’honneur du château de Versailles… Seul vestige du projet initial de Cartellier, cette maquette était jusqu’à présent restée en possession de ses descendants.

Pierre Cartellier (1757-1831), Louis XV au galop, 1817. Maquette en terre cuite patinée, premier projet, 36 x 32 x 14 cm.

Pierre Cartellier (1757-1831), Louis XV au galop, 1817. Maquette en terre cuite patinée, premier projet, 36 x 32 x 14 cm. Photo service de presse. © Audap & Associés