Gustave avant Courbet : l’enfance d’un géant s’expose à Ornans

Gustave Courbet (1819-1877), Autoportrait dit Courbet au chien noir, entre 1842 et 1844. Huile sur toile, 46,3 x 55,5 cm. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris. Photo service de presse. © Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Jusqu’ici, la jeunesse de Gustave Courbet (1819-1877) ne passionnait pas les foules et encore moins les historiens de l’art. Tout va changer avec l’exposition proposée par l’Institut Courbet au sein du musée installé dans l’ancienne maison du peintre à Ornans (Doubs).
Les deux institutions ont travaillé ensemble pour documenter la partie de la vie de l’artiste qui précède 1844, année de sa première exposition au Salon, dénichant des œuvres et documents jamais publiés à l’exemple du passeport intérieur de Courbet.
L’enfant terrible de la Franche-Comté
On connaissait l’enfant remuant d’Ornans, puis l’élève dissipé de Besançon, recevant les leçons de petits maîtres locaux et ne produisant que des œuvres sans intérêt – ce qui n’est que partiellement vrai, l’exposition en témoigne. Lui-même a brouillé les cartes, racontant une enfance de paysan « des montagnes du Doubs et du Jura », se peignant « d’une indépendance entière » dans une courte autobiographie rédigée à l’attention du critique d’art et journaliste Jules-Antoine Castagnary et présentée en exergue du parcours. L’artiste a aussi cultivé la légende d’un départ à Paris pour « faire son droit », sur l’injonction de ses parents.
Claude-Antoine Beau (1792-1861), Vue d’Ornans (La Leçon de peinture), entre 1836 et 1840. Huile sur toile, 41,5 x 73,2 cm. Ornans, musée départemental Gustave Courbet Photo service de presse. © Musée départemental Gustave Courbet / Pierre Guenat
Profession : « peintre »
La vérité est tout autre. Castagnary qui, pour alimenter la biographie qu’il écrivait, s’était renseigné ailleurs, avait déjà soulevé un lièvre : Gustave a été bègue jusqu’à son arrivée à Paris. Est-ce ce signe d’une grande émotivité qui a convaincu ses parents de l’encourager en tout ce qu’il voulait entreprendre, sans exiger de lui qu’il reprenne les florissantes exploitations agricoles familiales, ni qu’il ne suive l’exemple de son cousin, professeur à la faculté de droit de Paris ? Toujours est-il que le passeport intérieur établi pour le déménagement à la capitale de Courbet, à l’âge de vingt ans, mentionne pour profession « peintre », ce qu’il était loin d’être. Signé par son père, c’était un blanc-seing.
Gustave Courbet (1819-1877), Le Pont de Nahin, vers 1837. Huile sur toile marouflée sur carton, 17 x 26,5 cm. Ornans, musée départemental Gustave Courbet. Photo service de presse. © Musée départemental Gustave Courbet / Pierre Guenat
Des mentors bienveillants
Sociable et certainement attachant, Gustave, enfant puis jeune homme, a su attirer l’attention de mentors. À Ornans, ce fut Claude-Antoine Beau (1792-1861), dit le « père Beau », professeur au petit séminaire de sa ville natale, avec lequel il peignait en plein air. À Besançon, Charles-Antoine Flajoulot (1774-1840), ancien élève de David et Gros, accompagna ses premiers travaux. On ne compte plus les figures bienveillantes de son entourage, de ses camarades d’études à son professeur de mathématiques, dont il était pourtant le pire élève… À Paris, le cousin Oudot qui lui avait trouvé un maître, l’illustre Charles von Steuben (1788-1856), dut capituler : Gustave voulait se former seul en copiant les maîtres du passé aux musées du Louvre et du Luxembourg. Nous savons pourtant que Nicolas Auguste-Hesse (1795-1869), célèbre artiste de l’époque, passait lui prodiguer des conseils à son atelier. Alors que Courbet cherchait un sujet à présenter au Salon – la toile Promenade en bateau (1841-1843) atteste de ses errances – c’est Hesse qui lui conseilla d’y montrer son Autoportrait dit Courbet au chien noir (1842-1844).
Gustave Courbet (1819-1877), Le Réveil de saint Jérôme, vers 1840, copie d’après Giovanni Francesco Barbieri dit Le Guerchin. Huile sur toile, 45 x 55,5 cm. Ornans, musée départemental Gustave Courbet. Photo service de presse. © Musée départemental Gustave Courbet / Pierre Guenat
La fin du romantisme
La dernière salle réunit tous les autoportraits de jeunesse à l’exception du célébrissime Désespéré. Ils sont datés entre 1842 et 1844, mais l’on sait que le peintre a repris certains d’entre eux, ce dont attestent les radiographies réalisées par le laboratoire de recherche des musées de France. Ils sont la preuve qu’en cinq ans, le jeune romantique avait fait en peinture des pas de géant. Il deviendrait bientôt la figure centrale du réalisme, symbolisé ici par une photographie de la brasserie Andler où il allait rencontrer Baudelaire. Mais c’est une autre histoire…
« Devenir Courbet », jusqu’au 20 avril 2025 au musée Courbet, 1 place Robert Fernier, 25290 Ornans. Tél. 03 81 86 22 88. https://musee-courbet.fr/
Catalogue Snoeck, 160 p., 29 €.