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Du nouveau sur le Vieux Saint-Julien à Éguilles dans les Bouches-du-Rhône

Vue du site par drone, depuis le nord-ouest.

Vue du site par drone, depuis le nord-ouest. © Dec Topo pour Hadès 2024

Au nord-ouest de l’actuel cimetière d’Éguilles, le site dit du Vieux Saint-Julien se compose d’un ensemble architectural constituant sans doute le premier pôle ecclésial de la ville. Son intérêt patrimonial a conduit à la réalisation d’une opération préventive menée par Hadès, dans le cadre de travaux de consolidation des élévations effectués au printemps 2024.

Au nord-ouest, le mur du cimetière est constitué d’une élévation massive de soutènement formant un important glacis. Cet angle du mur enserre deux salles voûtées (auxquelles on accède par un petit escalier tardif) qui appartenaient vraisemblablement au sous-sol d’un édifice disparu, venu s’adosser à une église dont il ne subsiste aujourd’hui que le mur gouttereau nord ; les caractéristiques architecturales de cette dernière permettent de l’attribuer à l’époque romane.

Un site peu documenté

Une étude historique menée dans le cadre de ces travaux a mis en lumière la pauvreté de la documentation textuelle et iconographique du site. Le témoignage le plus ancien est une inscription de dédicace datée de 1026, décrite à plusieurs reprises dès la fin du XIXe siècle, mais aujourd’hui ­disparue. Quant à la première mention du vocable, elle apparaît en 1118 dans une charte signée entre l’archevêque d’Aix-en-Provence et l’abbaye de Montmajour. Parmi les nombreux biens cités figure la moitié des droits liés à l’ecclesia Sancti Juliani de Agulia. Un siècle plus tard, en 1303, un acte de la famille des Baux évoque l’existence de structures révélant la présence d’un prieuré à Saint-Julien (un claustrum aurait été bordé par un hospitale). En 1582, la visite de l’archevêque d’Aix, Alexandre Canigiani (1576-1591), souligne que l’église du « Vieux Saint-Julien » est déjà ruinée et qu’il est nécessaire d’y réaliser des travaux de réparation.

Vestiges de l’église, vue par drone depuis le sud-est.

Vestiges de l’église, vue par drone depuis le sud-est. © Dec Topo pour Hadès 2024

Deux églises successives

L’ensemble est construit à l’aplomb d’une rupture de pente au nord-ouest d’un plateau rocheux qui domine la vallée de la Touloubre, traversée par l’antique via Aurelia. Le choix de cette implantation a constitué un atout majeur pour le site. Les premiers résultats de l’étude archéologique ont révélé une nef unique à trois travées, dont il ne subsiste aujourd’hui que deux travées du mur nord conservé sur 8,40 m d’élévation. Sa couverture s’est effondrée et le sol a été remblayé sur une épaisseur assez importante pour permettre l’aménagement des caveaux du cimetière. Aussi la hauteur primitive de l’église devait-elle être bien plus importante. À l’intérieur, deux arcs semi-brisés à double rouleau supportés par trois piliers à ressauts de belle facture sont préservés. La nef était couverte d’une voûte en pierres de taille soulignée par une corniche filante moulurée. Les trois contreforts qui viennent contrebuter le mur nord étaient bâtis avec ce même appareil. Le parement extérieur du mur était, lui, construit à l’aide de petits moellons et blocs puis couvert d’enduit. Compte-tenu de ces caractéristiques, cet édifice ne peut correspondre à celui de la dédicace de 1026. Il s’agit là d’une seconde église, édifiée dans la première moitié du XIIe siècle, peut-être bâtie sur la précédente comme il est courant en Provence à cette époque. La chronologie de l’ouvrage a été confirmée par des datations au radiocarbone réalisées sur des charbons incrustés dans le mortier de blocage des piliers de la nef.

L’ajout d’un complexe prieural

Puis, entre le milieu du XIIe et le premier tiers du XIIIe siècle, vient s’adosser à l’ouest de l’église un édifice quadrangulaire dont il ne reste aujourd’hui que l’espace en sous-sol, logé au sein d’un mur de soutènement bâti en grand appareil de taille en calcaire local d’Éguilles. Ce mur massif forme un glacis à l’angle de l’enclos cémétérial. Au nord, deux baies étroites fournissent l’unique source de lumière. L’espace souterrain de cette annexe est scindé en deux parts égales par un mur de refend ajouré de trois arcatures en berceau brisé. Le parement de ces salles jumelées est à noter : chacune est couverte d’une voûte en berceau brisé qui repose sur une corniche filante en quart-de-rond couronnant les élévations. Les travaux ont mis au jour, d’une part, le niveau de circulation des salles, qui correspond au substrat aplani du plateau calcaire, et, d’autre part, l’escalier primitif en pierres de taille qui les distribue. De plus, le dégagement des terres accumulées au-dessus des voûtes des salles basses a permis d’observer des lambeaux du sol dallé de la pièce supérieure. L’ensemble formé par l’église et son annexe occidentale est ruiné au XVIe siècle. Il faut attendre le siècle suivant pour que d’importants travaux de réparation affectent la première, notamment avec la reconstruction des contreforts. À cette même période, des aménagements sont menés dans les salles basses en lien avec l’occupation d’un ermite mentionné par les textes.

Vestiges du sol dallé de l’annexe occidentale de l’église.

Vestiges du sol dallé de l’annexe occidentale de l’église. © Hadès 2024

Reléguation au rang d’église funéraire

Le site du Vieux Saint-Julien offre ainsi l’exemple d’un premier sanctuaire daté par une inscription des années 1020, lequel a été complètement remodelé pour l’édification d’un complexe prieural à la fin du XIe siècle, voire dans la première moitié du XIIe siècle. Dans le courant du XIVe siècle, les paroissiens ne se rendent plus au Vieux Saint-Julien mais dans la nouvelle église castrale située au cœur de la ville. Ainsi, l’ensemble prieural de Saint-Julien, localisé hors de la ville, est relégué au rang d’église funéraire qui, sans doute, accueille encore quelques malades, avant de tomber peu à peu dans la ruine et l’oubli au profit du pôle castral et religieux structurant la ville médiévale d’Éguilles.