Le média en ligne des Éditions Faton

Damien Deroubaix à la Bibliothèque nationale de France : gratter le vernis

Damien Deroubaix, Furie, lithographie, 2012, BnF, département des Estampes et de la photographie.

Damien Deroubaix, Furie, lithographie, 2012, BnF, département des Estampes et de la photographie. © ADAGP, Paris, 2024. Photo BnF

La BnF Richelieu accueille Damien Deroubaix pour sa première exposition personnelle dans une institution nationale. À travers un parcours d’œuvres variées qui fait la part belle à l’estampe, l’artiste confronte la société à ses maux, puisant un répertoire sombre et singulier d’images dans la culture punk autant que dans l’art ancien.

Puissante, protéiforme, polysémique, telle est l’œuvre de Damien Deroubaix (né en 1972). Intrinsèquement politique, son art est réaliste, destiné à lever le voile sur une réalité vernie pour en révéler toutes les formes de violence (sociale, économique, idéologique), jusqu’à percer l’intimité des êtres.

L’estampe pour fil conducteur

L’estampe est le fil conducteur de cette œuvre en perpétuelle évolution. Elle se décline sur tous les formats et touche à toutes les pratiques – eau-forte, aquatinte, sérigraphie, lithographie, gravure sur bois, linogravure. Elle prend son origine dans ses dessins ; elle s’invite dans ses peintures : des tirages sur papier japon y sont astucieusement collés ; elle gagne en volume dans ses installations et ses sculptures : de grands bois gravés jalonnent le parcours, des bâtons de conte tentent de raconter une autre histoire.

Damien Deroubaix, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, huile et collage sur toile, 2015, collection particulière.

Damien Deroubaix, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, huile et collage sur toile, 2015, collection particulière. © Adagp, Paris, 2024. Photo Guy Reibmeister

Une exposition qui prend aux tripes

La visite de l’exposition assaille et parfois prend aux tripes, par sa noirceur teintée progressivement de couleurs crues, par ses monstruosités de plus en plus macabres, par sa vérité toujours implacable. Les spectateurs et spectatrices sont pris à partie, dans un rapport presque physique aux œuvres. Parce que l’univers de Damien Deroubaix est par excellence celui du dialogue, il met en tension l’extérieur et nos intérieurs. La monumentalité de certaines de ses compositions nous englobe tout entier, la récurrence de ses motifs nous fait pressentir le vertige d’une histoire qui n’apprend pas de ses erreurs et se répète, la violence de ses messages contraste avec le calme de sa voix qui les énonce.

Inspiration des grands maîtres

Ainsi, il façonne depuis 20 ans une œuvre ouverte sur les genres (peinture, cinéma, musique grindcore), sur les époques (les arts ancien, moderne et contemporain sont inlassablement questionnés), et livre des réalisations éternellement reconnaissantes aux grands maîtres (de Dürer à Goya, de Hans Baldung Grien à John Heartfield, de Hans Holbein à Picasso). Parmi les chefs-d’œuvre des collections de la BnF, certaines de ces gravures tenues en haute estime sont également exposées.
Utilisant les codes de la vanité pour dénoncer celle du monde, composant des représentations frontales pour mieux souligner l’absence de perspectives globales, maniant l’art de l’ellipse et de la métaphore, du collage et de l’emprunt, Damien Deroubaix convoque les images comme des signes. Il emploie des symboles forts, ancrés dans les imaginaires collectifs, pour parler d’un présent en péril, qui l’inquiète, l’offusque, le hante.

« Damien Deroubaix. En un jour si obscur », jusqu’au 16 février 2025, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 5, rue Vivienne, 75002 Paris. Du mardi au dimanche de 10h à 18h (20h le mardi). Site Internet : bnf.fr