Eugène Viala, graveur inspiré à la Fondation Taylor

Eugène Viala (1859-1913), Pays nouveau ou Les Futuristes, avant 1904, eau-forte et pointe sèche, 36,7 x 56 cm, cat. 455, collection particulière. © Pierre Soissons
Faire découvrir, ou redécouvrir, des artistes méconnus ou oubliés, telle est l’une des missions de la Fondation Taylor. Avec Eugène Viala, grand maître de l’eau-forte au XIXe siècle, cette association d’artistes nous emmène dans un voyage gravé fantastique et crépusculaire.
Paysages hallucinés, villages abandonnés, arbres noueux évoquant sorcières ou autres personnages de contes de fées plutôt effrayants : sous la pointe de l’aquafortiste Eugène Viala (1859-1913), également peintre et poète, le Lévézou, un haut plateau de son Aveyron natal, prend des allures de pays hanté.
Des spectacles de tristesse et de désespoir
Ici, dans cette nature aride et déchiquetée, tout, branches mortes, roches effondrées, ravins déserts, bergerie en ruine, étang brillant dans l’ombre, fait signe et prend une dimension onirique et romantique. On pense à Rodolphe Bresdin, Odilon Redon ou Francisco de Goya qu’il admirait. Comme le disait Arsène Alexandre, critique d’art et collectionneur fameux à l’époque, Eugène Viala « tira de cette terre ingrate des spectacles de tristesse, de désespoir, des symboles d’amertume et de douloureuse poésie ». Gestes d’arbres, Symboles humains, La Cendre du rêve ou encore De l’encre, de l’acide, de la souffrance : les titres de ses recueils d’estampes parlent d’eux-mêmes.
Eugène Viala, Autoportrait, 1908, plume, lavis et rehauts d’aquarelle, 32 x 23,5 cm, collection particulière. © Pierre Soissons
Des accents symbolistes et fantastiques
Mais la singularité de cet artiste pauvre – pour nourrir sa famille, il exerça à ses débuts le métier de photographe –, révolté et de sensibilité anarchiste, est d’avoir su magnifier ces paysages pour donner vie à ses visions aux accents symbolistes et fantastiques. Comme ce très énigmatique Pays nouveau ou Les Futuristes montrant trois personnages en noir, dont un enfant ou un nain, sur un cheval ailé dans un décor de canyon. « Tout l’imaginaire étrange de Viala semble condensé dans cette composition », notait Jérôme Maingard, expert en estampes anciennes et contemporaines dans les Nouvelles de l’estampe (en ligne, avril 2022). Directeur de la revue régionale illustrée Le Cri de la terre, Eugène Viala fut soutenu à partir de 1903 par un grand industriel, Maurice Fenaille, également mécène de Rodin, Camille Claudel ou Bourdelle. Depuis quelques années, un autre passionné, Jean Costecalde, se consacre à l’étude et la promotion de cet œuvre riche d’environ 460 estampes : c’est pour accompagner la parution de son catalogue raisonné qu’après les musées Fenaille et Denys-Puech de Rodez la Fondation Taylor présente à son tour un bel ensemble de près de 80 gravures et dessins préparatoires de cet artiste visionnaire.
Eugène Viala, Gestes d’arbres, la Sorcière, entre 1900 et 1909, eau-forte et aquatinte, 32,6 x 25,1 cm, cat. 279, gravure de la suite Gestes d’arbres, collection particulière. © Pierre Soissons
« Eugène Viala (1859-1913), La Cendre du rêve », en collaboration avec le musée Denys-Puech de Rodez et un collectionneur privé, jusqu’au 3 mai 2025, Fondation Taylor, 1, rue La Bruyère, 75009 Paris, du mardi au samedi de 13h à 19h. Tél. : 01 48 74 85 24. taylor.fr