Kandinsky, dans les pas d’un géant à Amsterdam
De sa Russie natale à la France, où il finit sa vie, en passant par l’Allemagne, où il se forma puis devint professeur au Bauhaus, Kandinsky fut un artiste international, convaincu que l’art « ne connaît ni peuple, ni frontière, mais seulement l’humanité ». Une exposition, conçue en collaboration avec le Centre Pompidou, retrace l’ensemble de sa riche carrière, entre itinérance et exil.
Alors que le Centre Pompidou se lance dans un important programme de rénovation, qui nécessitera la fermeture du bâtiment à l’été 2025, ses collections commencent à voyager hors de ses murs. Une soixantaine d’oeuvres de Vassily Kandinsky a ainsi rejoint les cimaises de l’H’Art Museum d’Amsterdam, un ravissant lieu d’exposition en bordure de la rivière Amstel, que certains visiteurs ont connu sous le nom d’Ermitage d’Amsterdam. À la suite de l’invasion de l’Ukraine, cette institution hollandaise a décidé de cesser toute collaboration avec le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, de prendre un autre nom – H’Art Museum – et de nouer d’autres partenariats culturels, notamment avec le Centre Pompidou. C’est une nouvelle page de son histoire qui s’ouvre. Pour autant, n’était-il pas risqué de construire une exposition monographique sur Kandinsky à partir des seules collections de Beaubourg ? Non, car « grâce à la générosité de Nina, la veuve de l’artiste, le Centre Pompidou possède le fonds le plus complet au monde d’oeuvres de l’artiste russe. Soit quelque 1 630 tableaux, aquarelles, dessins… qui permettent de retracer l’ensemble de sa carrière », a expliqué la conservatrice du musée parisien Angela Lampe, commissaire de cette exposition.
Moulins hollandais et villes arabes
Le voyage commence à l’orée des années 1900 : on découvre les premières études de paysages réalisées par le jeune Kandinsky, petites huiles brossées à larges traits, directement sur le motif. L’artiste vient d’abandonner sa Russie natale et ses études de droit, pour embrasser une carrière de peintre à Munich, où il fonde en 1902 une école d’art, « très progressiste pour l’époque car ouverte aux femmes », précise Angela Lampe. C’est là qu’il rencontre l’étudiante en peinture Gabrielle Münter, avec laquelle il se lance dans un long périple à travers l’Europe et l’Afrique du Nord. Réussie, cette partie de l’exposition dévoile, au fil de salles intimes conçues comme des cabinets, les nombreux voyages de ce couple nomade, dont la première destination fut les Pays-Bas. Évolution vers une profusion de taches colorées (Samstag Abend, Holland, 1904) et dissolution progressive du motif : cette itinérance, qui s’achève à l’été 1908, prépare le passage de Kandinsky à l’abstraction. Un tournant bien montré dans l’exposition, dont la salle principale réunit des toiles majeures de ces années 1908-1912, comme Improvisation III ou Avec l’arc noir. La suite du parcours réserve encore de belles surprises, comme la présentation d’un décor mural imaginé par l’artiste et ses élèves de l’école du Bauhaus, en 1922. Reconstitué d’après des maquettes originales lors de l’ouverture du Centre Pompidou en 1977, il a très rarement été exposé depuis lors. En revanche, on reste dubitatif à l’égard des vidéos conçues par l’artiste contemporaine Bink van Vollenhoven, qui sont projetées parfois très près des toiles de Kandinsky et auraient mérité une place plus discrète.
« Kandinsky », jusqu’au 10 novembre 2024 à l’H’Art Museum, Amstel 51, 1018 DR Amsterdam. Tél. 00 31 20 530 8755. www.hartmuseum.nl
Catalogue, Wbooks, Uitgeverij, en néerlandais, 144 p., 29,95 €.