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900 ans d’histoire à Fontevraud (2/7).  Apports et perspectives de la recherche archéologique

L'abbaye de Fontevraud, été 2023.

L'abbaye de Fontevraud, été 2023. © Kreazim

Derrière les murs de l’ancienne clôture de Fontevraud se cache un joyau de l’architecture monastique. Dans cette abbaye royale devenue redoutable prison, le visiteur attentif découvre, inscrites sur les murs de tuffeau, les traces de 900 ans d’histoire. À l’occasion de l’anniversaire de la naissance de sa plus célèbre pensionnaire, Aliénor d’Aquitaine (1124-1204), et de quarante années d’opérations archéologiques menées depuis 1983, Archéologia revient sur l’histoire mille-feuilles de ce lieu et des fouilles qui ont permis de mieux le comprendre.

Les auteurs de ce dossier sont : Nicolas Dupont, conservateur du patrimoine à l’abbaye royale de Fontevraud, et coordinateur du dossier ; Martin Aurell, professeur d’histoire médiévale à l’université de Poitiers, ancien directeur du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale ; Florian Stalder, conservateur départemental des musées de Maine-et-Loire ; Jean-Yves Hunot, Pôle archéologie, Conservation du patrimoine de Maine-et-Loire, CReAAH – UMR 6566 ; Daniel Prigent, conservateur honoraire du patrimoine

Campagne menée en 1984 par le service départemental de l’archéologie d’Angers, entre le chevet de l’abbatiale et la chapelle des infirmeries Saint-Benoît. Coll. Abbaye de Fontevraud.

Campagne menée en 1984 par le service départemental de l’archéologie d’Angers, entre le chevet de l’abbatiale et la chapelle des infirmeries Saint-Benoît. Coll. Abbaye de Fontevraud. DR

La beauté de ce monument classé au titre des Monuments historiques ne doit pas faire oublier que Fontevraud est aussi un site archéologique de première importance. Les fouilles et les études du bâti offrent de nombreuses données aidant à retracer une histoire fontevriste lacunaire.

La logique des interventions archéologiques menées à l’abbaye résulte de projets d’aménagement et de restauration depuis la reconversion culturelle du site en 1975.

40 ans de fouilles

Ces opérations préventives ont été principalement conduites entre 1983 et 2022 par Daniel Prigent et Jean-Yves Hunot du service archéologique départemental de Maine-et-Loire. Elles se sont surtout concentrées sur des secteurs majeurs de l’ensemble monastique : l’église abbatiale et ses abords (chevet, flanc nord, parvis…) entre 1984 et 2016 ; le prieuré Saint-Lazare à partir de 1983, avant l’installation d’un hôtel et d’un restaurant ; la Fannerie (écuries des abbesses), en 2018 et 2019, à la suite de la création du musée d’Art moderne ; et la cuisine romane dans le cadre de sa restauration entre 2017 et 2020. L’archéologie du bâti a ainsi largement contribué à affiner la chronologie et les modalités de mise en œuvre de ces bâtiments. Par ailleurs les prospections géophysiques sont venues compléter les connaissances. Lors de la rénovation du jardin du cloître en 2024, cette méthode d’investigation non intrusive a permis de mieux percevoir les réseaux hydrauliques de l’abbaye et de la prison.

Fouilles de 1995 mettant au jour la voie moderne menant à la « porte d’en bas », accès monumental à la clôture des religieuses. Coll. Abbaye de Fontevraud.

Fouilles de 1995 mettant au jour la voie moderne menant à la « porte d’en bas », accès monumental à la clôture des religieuses. Coll. Abbaye de Fontevraud. © Jean Poulain CCO

Des zones à explorer

De fait, l’archéologie a essentiellement révélé l’histoire du secteur du Grand Moûtier occupé par les sanctinoniales ainsi que celle du prieuré Saint-Lazare, espace destiné aux sœurs s’occupant des lépreux. Si des sondages ont été réalisés au prieuré des sœurs converses (Sainte-Marie-Madeleine) témoignant d’un potentiel scientifique important, nous ne disposons pas de données archéologiques sur le prieuré des frères de Saint-Jean-de-l’Habit détruit à la Révolution. De même, le clos Bourbon, vaste ensemble de jardins aménagé à l’époque moderne, est peu connu par les archives du sol. Un constat similaire s’impose pour le village de Fontevraud, pour lequel la documentation reste très pauvre, pour ne pas dire inexistante. L’importance de son cimetière médiéval est soulignée par la présence de la lanterne des morts (monument au centre du lieu) et les sources textuelles. Cet espace funéraire servait de glacis protecteur à l’abbaye autour de laquelle toute construction était proscrite. Une meilleure connaissance de cette zone aiderait à mieux comprendre le développement du village à l’époque moderne. Enfin, Fontevraud a, pendant 150 ans, été une prison. Longtemps désavouée, cette période mériterait aussi d’être considérée d’un point de vue archéologique.