L’archéologie sous le sapin : les ouvrages incontournables de cette fin d’année
Vous n’avez pas encore eu le temps de préparer vos cadeaux de Noël ? Voici une belle sélection de livres à offrir aux amateurs d’archéologie.
L’enfance de la Préhistoire
Qui étaient les enfants de la Préhistoire ? Voici la question à laquelle tente de répondre ce bel ouvrage au fil des sites datés entre 37 000 et 12 000 ans. L’auteur y cerne leurs particularités physiques, leurs comportements (comment vivaient-ils, jouaient-ils ou apprenaient-ils ?), leurs relations avec leurs proches, leurs réactions face aux dangers ou leurs rôles dans les grottes où on a retrouvé tant d’empreintes… Fondée sur les dernières recherches, une dizaine de fictions, tout à fait réalistes (une par grande période et grands sites – Chauvet, Cosquer, Lascaux, Gargas, La Madeleine…), nous dévoile ces fragiles existences du Paléolithique supérieur. Enrichi d’un utile « la science éclaire l’histoire », ce livre agréable à lire et joliment illustré (le regard des enfants !), se clôt sur un (long) chapitre dédié à la saga des enfants… découvreurs de grottes !
Paléokids. L’enfance de l’humanité, 2024, Pedro Lima, illustration Marina Lezcano, Montélimar, Synops éditions, 224 p., 22,90 €
Histoire de Vikings
Nous transportant aux confins de l’Europe, ce magnifique volume de Lucie Malbos, meilleure spécialiste française de ce monde nordique, réussit là une synthèse magistrale enveloppée dans une écriture limpide. Loin des écrits traditionnels sur ces peuples du Nord, le propos est ancré dans l’histoire et surtout l’archéologie de la Scandinavie comme berceau d’une civilisation. L’économie, la politique, les échanges avec le reste du monde, tout est abordé pour comprendre le quotidien des villages ou petites villes. De ces peuples qui ne connaissent pas l’écriture, les connaissances ont longtemps été biaisées par le regard des Romains ou des moines chrétiens les décrivant comme des barbares ou des monstres cruels. Or, depuis un siècle, les archives des sols ont permis de cerner la manière dont ces « Vikings » interagissaient avec ceux les entourant, des chrétiens rapinés aux marchands d’Arabie. On connaît aussi mieux leur organisation politique ou les rivalités entre les royaumes naissants. Au fil de trois grandes parties, on découvrira les sept premiers siècles, pré-vikings, puis « le cœur des temps vikings » (VIIIe-IXe siècle) avant d’aborder le dernier siècle où ces royaumes du Nord finissent par rejoindre la chrétienté. L’appendice traditionnel de cette collection décrypte la place des Vikings devenus héros et figures majeures de la pop culture.
Les peuples du Nord. De Frodi à Harald l’Impitoyable. Ier-XIe siècle, 2024, Lucie Malbos, Paris, Belin, 640 p., 49 €.
Néolithique atlantique
Deux très beaux volumes sont parus aux éditions Les Vaisseaux de Pierres ; le premier, version réduite d’un (immense) volume à paraître en 2025 pour célébrer 15 ans de recherches, aborde le célèbre monument de Gavrinis et ses dalles gravées. Elles sont ici décrites une à une par Serge Cassen, le meilleur spécialiste du sujet, dévoilant l’histoire singulière, longue et complexe, de cette tombe à couloir, où « chaque orthostate est ainsi un monde en soi »… Le second s’attache à l’île d’Er Lannic, dans le golfe du Morbihan, dont les monolithes émergeant des eaux fonctionnaient avec Gavrinis. Là encore nous est proposée une belle synthèse des explorations menées (notamment dans le cadre d’investigations consacrées aux signes gravés néolithiques de Bretagne entre 2016 et 2022) sur ces étonnantes stèles ornées et disposées en arc d’enceinte au cours du Néolithique.
Gavrinis. Vaisseau engravé, 2024, Serge Cassen, Carnac, Les Vaisseaux de Pierres, 136 p., 25 €.
Er Lannic (Arzon, Morbihan). Les stèles gravées néolithiques et la folle image, 2024 (2e édition), Serge Cassen (dir.), Carnac, Les Vaisseaux de Pierres, collection Lithogénies no 3, 121 p., 25 €.
Néolithique en Pyrénées-Orientales
En 1990, la construction d’un barrage sur l’Agly, dans les Pyrénées-Orientales, donnait lieu à un vaste programme de fouilles de sauvetage, devenues ensuite préventives, livrant une vingtaine de gisements allant du Néolithique moyen au haut Moyen Âge. Ce dense ouvrage, réunissant une vingtaine d’auteurs, revient sur les découvertes liées au Néolithique, et notamment au site majeur de la nécropole du Camp del Ginèbre. Cet espace funéraire exceptionnel, organisé autour de trois tumuli corrélés à vingt-cinq tombes, est associé à sept petits habitats de la fin du Ve millénaire. L’ensemble, qui fait désormais référence à l’échelle nationale, allie singulièrement plusieurs faciès culturels (Montbolo et Chasséen méridional). Un ouvrage complet pour tout ceux qui s’intéressent à l’originialité des occupations humaines au Néolithique ancien et moyen en Roussillon. Un second volume est prévu pour cerner les périodes protohistoriques, antiques et médiévales.
La nécropole du Camp del Cinèbre (Caramany, Pyrénées-Orientales). Entre Catalogne et Languedoc autour du Ve millénaire, 2024, Alain Vignaud (dir.), Perpignan, éditions Trabucaire, collection Archéologie Départementale, 471 p., 40 €.
De l’art à l’Âge du fer
Actes du 46e colloque de la dynamique Association Française pour l’Étude de l’Âge du Fer (AFEAF), cet ouvrage réunit quarante contributions, associées à quarante-cinq mini-posters (des notices d’œuvres), bilan des recherches sur les expressions artistiques aux Âges du fer en Europe occidentale. Divisé en quatre chapitres thématiques, il développe la notion d’art (historiographie et épistémologie), la fabrique de l’art (formes matérielles et immatérielles), le sens des productions (représentations, styles, interprétations) et l’art dans la société (statuts, identités, fonctions). Un vaste programme donc qui aborde une multitude de champs qui, tout en s’interrogeant sur l’existence du concept d’œuvre d’art en Protohistoire, s’avère, en définitive, être un miroir tendu, permettant de mieux comprendre une société qui nous a laissé si peu de traces écrites.
Expressions artistiques des sociétés des âges du Fer. Actes du 46e colloque international de l’AFEAF, Aix-en-Provence, 26-28 mai 2022, 2024, Fabienne Olmer, Benjamin Girard et Réjane Roure (dir.), Paris, AFEAF, 469 p., 45 €.
L’Égypte en trois temps
Cet ouvrage transcrit la leçon inaugurale prononcée par Laurent Coulon au Collège de France le 9 novembre 2023, lorsqu’il prit la chaire Civilisation de l’Égypte pharaonique. Il y rend d’abord hommage à ses prédécesseurs (le tout premier, Champollion), explique l’évolution de l’égyptologie et expose son propre projet d’enseignement. Ce spécialiste des religions antiques revient en particulier sur l’« osirianisation » ou comment l’étude de ce dieu permet de « suivre la naissance et l’évolution d’une divinité, qui connaît des mutations importantes, reflétant précisément les transformations de la religion égyptienne ». Il s’attarde aussi sur la question du statut de l’image en contexte cultuel, notamment osirien. Comment le rituel se construit-il autour de ces représentations ? Quel statut spécifique à chaque type d’images ? Enfin, dans un dernier temps, il aborde les thèmes de l’éloquence, de la rhétorique et de la société de cour, si présents dans la société égyptienne. Voici les grands points de son programme, passionnant et ouvert à tous, selon le principe du Collège de France.
Les voies ouvertes à l’égyptologie, 2024, Laurent Coulon, Paris, éditions Collège de France, 57 p., 12 €.
De l’animalité
« La relation entre les animaux humains et non humains » : le titre de l’introduction nous plonge dans un questionnement qui remonte aux lointaines origines de l’humanité autant qu’il résonne avec actualité. Il en aura fallu du temps pour accepter l’animalité des humains ! Mammifères de la famille des hominines, vieille de plusieurs millions d’années, nous sommes des animaux sociaux, qui apprennent d’expériences, des animaux parlants, savants aussi, caractéristique qui participe à un certain sentiment de supériorité. Mais que serait l’animal humain sans ses congénères des autres espèces ? Il les fréquente depuis toujours, interagissant au sein d’écosystèmes communs. Il s’en nourrit le corps autant que l’esprit au gré de liens qui varient au fil du temps et selon les lieux : voisinage, commensalité, apprivoisement, domestication. Avec différents niveaux de lecture, ponctué d’élégantes illustrations, cet ouvrage fait le point de nos connaissances sur ce sujet, de la Préhistoire à nos jours, s’autorisant un regard critique et une mise en perspective pour les temps à venir.
La domestication, 2024, Jean-Denis Vigne, Paris, CNRS Éditions, collection À l’œil nu, 160 p., 22 €.
De l’oralité en histoire
XIXe siècle, extrême nord du Cameroun : les Peuls, musulmans venus de l’Ouest, conquièrent les territoires des populations locales, dites « païennes ». Dans cette région dont la complexité du peuplement au cours du temps est inscrite dans le paysage, les langues, l’architecture, et les nombreuses composantes de la culture matérielle, l’évènement fut un « traumatisme majeur », aux racines duquel le contexte actuel puise ses origines. De ces faits, nous connaissons peu la version des peuples conquis, de tradition orale, alors que les versions écrites des conquérants musulmans constituent les récits officiels. C’est sur cette gageure méthodologique que se fonde cette recherche : considérer les sources orales comme fiables. Récoltée sur cinquante ans, de 1971 à 2019, la matière est abondante, riche d’une multitude de récits singuliers desquels il faut « faire la part de l’histoire et de la légende ». C’est ainsi que la première peut être reconstituée dans son entièreté, à l’encontre d’une approche dominante, et donner sa place à la vision des vaincus.
Aux marges des grands royaumes. Une histoire orale de Maroua, Afrique centrale, 2024, Christian Seignobos et Henry Tourneux, Paris, CNRS Éditions, collection Zéna, 576 p., 28 €.