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L’énigmatique agglomération antique de Saint-Georges-du-Bois en Charente-Maritime

Salle dotée d’une banquette située au sud de la porte orientale de l’amphithéâtre. La fosse centrale postérieure est liée à une réutilisation (artisanale ?) de cet espace.

Salle dotée d’une banquette située au sud de la porte orientale de l’amphithéâtre. La fosse centrale postérieure est liée à une réutilisation (artisanale ?) de cet espace. © P. Fauvin

Début 2024 paraissait dans Archéologia un article intitulé « Les promesses de l’amphithéâtre de Saint-Georges-du-Bois » évoquant les résultats d’une première campagne de fouilles menée en 2023 au sein d’un édifice de spectacle en apparence isolé. Les recherches conduites cette année par le Service régional de l’archéologie Nouvelle-Aquitaine révèlent qu’il n’est qu’un élément d’une occupation beaucoup plus étendue, couvrant au moins une trentaine d’hectares à la frontière des territoires picton et santon…

« Promesses tenues », pourrait-on dire à l’issue de cette nouvelle campagne ! Le quart nord-est de l’amphithéâtre, le plus petit connu à ce jour pour la Gaule, a été entièrement fouillé, complétant les observations déjà réalisées au sud-ouest. Dans son état final, il présente un plan hexadécagonal (de 62,6 m sur 53 m et couvrant 2 580 m2), renforcé par 24 contreforts servant sans doute aussi à maintenir un velum (voile de toit). Les deux portes principales est et ouest, en saillie vers l’extérieur, donnaient accès à l’arène mesurant 42,5 m sur 34 m. Le sol y était aménagé sur le substrat calcaire et les eaux de pluie captées par un caniveau circulaire courant au pied du podium (mur entourant l’arène) et par un large et profond fossé traversant l’édifice d’est en ouest. Les spectateurs empruntaient l’un des quatre couloirs d’accès aux 2 500 places sur gradins en bois installés sur remblais.

Évocation de l’amphithéâtre d’après les interprétations issues de la fouille.

Évocation de l’amphithéâtre d’après les interprétations issues de la fouille. © L. Sartor, Atelier3points

1 500 ans d’histoire

Une chronologie plus précise de l’utilisation et de la destruction du monument est à présent établie. Un premier état inédit en bois de la cavea (partie formée par les rangées de gradins) a été identifié, formé par des travées de 2,7 m de large et construit dès le milieu du Ier siècle de notre ère. L’édifice est rapidement rebâti en pierres et utilisé au moins jusqu’au milieu du siècle suivant, quand un incendie le ravage. Des restes de chevaux datés des IIIe et IVe siècles témoignent cependant d’une fréquentation au Bas-Empire et du réinvestissement de certains espaces à des fins artisanales. Au moins deux bâtiments semi-excavés sont installés dans l’arène. La spoliation des moellons de l’amphithéâtre se poursuit jusqu’au début du XVIe siècle.

La zone du sanctuaire

Quelque 550 m à l’est de l’amphithéâtre, une zone monumentale se développe autour d’un fanum (petit temple) repéré en 2009 par photographie aérienne (M. Bernard). Une tranchée de 175 m de long y a été ouverte. Cet édifice présente une cella circulaire de 7,5 m de diamètre, située au centre d’un portique carré de 22,3 m de côté. Ces dimensions apparaissent certes modestes au regard d’autres temples circulaires à l’échelle de la province (Barzan ou Périgueux). Mais il faut considérer l’ensemble des aménagements alentour, parmi lesquels, 35 m plus au sud, un édifice rectangulaire de 14 m de large entouré d’un portique. Divers bâtiments fortement épierrés ainsi qu’une série de petites constructions, palissades, poteaux, sols, zones rubéfiées et caniveau attestent en outre une vaste et complexe occupation sur laquelle les fouilles reviendront plus largement en 2025. Le mobilier associé se cantonne à la fourchette milieu du Ier – fin du IIe siècle, à l’instar de l’amphithéâtre. Enfin, la zone monumentale est bornée à l’ouest par une large aire enclose, de 62 m de large sur au moins 144 m de long, repérée par la prospection géophysique (G. Bruniaux).

Une agglomération atypique ?

Le programme architectural des Ier et IIe siècles comprend donc un amphithéâtre et un pôle religieux aux orientations strictement identiques, les mêmes d’ailleurs qu’une série de structures linéaires fossoyées repérées à grande échelle par la géophysique. Ce maillage parcellaire considérable semble découper des secteurs distincts qui restent cependant à caractériser. Il n’en demeure pas moins que la position de ce site a pu jouer un rôle fédérateur déterminant aux confins des Cités des Pictons et des Santons, au sein d’une zone très peu urbanisée.

Une tour de l’Antiquité tardive ?

La géophysique a révélé, sur le promontoire nord-est, une construction carrée enserrée dans deux larges fossés concentriques. Elle est peut-être à mettre en relation avec la découverte, dans les labours à proximité, d’une monnaie de la seconde moitié du IVe siècle. Davantage qu’un fanum, le plan évoque certaines tours de guet tardo-­antiques que l’on rencontre sur le limes (frontière) rhénan.

Prospection magnétique de la construction carrée entourée de fossés au nord-est.

Prospection magnétique de la construction carrée entourée de fossés au nord-est. © G. Bruniaux, Archeosolution

Pour aller plus loin :
GISSINGER B., RAYMOND A., 2024, « Charente- Maritime. Les promesses de l’amphithéâtre de Saint-Georges-du-Bois », Archéologia no 627, janvier, Dijon, éditions Faton, p. 10-11.
GOLVIN J.-C., 1988, L’amphithéâtre romain, Paris, De Boccard.
AUPERT P., 2010, Barzan II. Le sanctuaire au temple circulaire (« Moulin-du-Fâ »). Traditions celtiques et influences gallo-romaines, Bordeaux, Ausonius.