Pour une nouvelle visibilité des enfants de la Préhistoire

Enfants ou petits adultes ? Telle est la question… Il n’empêche que leur présence est attestée dans les grottes ornées comme cette empreinte de bébé sur la paroi de la grotte Cosquer (Bouches-du-Rhône) ou ces tracés digitaux de Rouffignac (Dordogne), effectués par des jeunes individus que leurs parents devaient tenir à bout de bras. S’agissait-il alors de rites particuliers ?

L’autre interrogation, essentielle, est celle de l’apprentissage : les préhistoriens savent désormais identifier, sur des outils taillés ou façonnés et des supports gravés, le degré d’expérience des personnes qui les ont réalisés ; on suppose alors que les artisans amateurs étaient de jeunes enfants qui s’exerçaient. Mais ces derniers avaient-ils le droit de jouer et de s’amuser ? Au fond du Tuc d’Audoubert (Ariège), une structure en argile et petites fistuleuses plantées dedans, comme un « hérisson » miniature, a ainsi été exécutée par un jeune enfant (les traces de pas en témoignent) : trompait-il son ennui ou rendait-il hommage à quelque entité souterraine ? Sur le dos de la célèbre statuette féminine en argile de Dolní Věstonice, (Tchéquie), une empreinte d’un enfant entre 11 et 13 ans a même été reconnue : est-il l’auteur de la sculpture ? Était-elle une poupée ou la représentation d’un être particulier ? Une équipe de chercheurs s’est posé ces questions – vertigineuses ! – dans un article récent, à propos justement des sculptures en terre cuite du Pavlovien (Gravettien d’Europe centrale), retrouvées en Tchéquie à Dolní Věstonice, Pavlov et Předmostí. Remontant aux environs de 30 000 ans, elles témoignent d’un savoir-faire demeuré sans lendemain, qui ne sera retrouvé que bien des millénaires plus tard, au Néolithique. Qui les a conçues ? Des experts ou des novices ? Et ces derniers, étaient-ils des enfants ?

Les spécialistes ont donc étudié les pièces suivant plusieurs critères : leurs dimensions, leurs asymétries, l’investissement en temps et en énergie ainsi que la chaîne opératoire (la succession des gestes techniques) qui prévalut à leur façonnage, ainsi que la productivité de ces objets. Il s’avère que ceux-ci sont souvent de petite taille, réalisés sans méthode particulière, mais plutôt à la suite de tâtonnements et qu’ils sont rarement achevés, en tout cas qu’ils ne présentent pas un degré de finition semblable à ce que les membres de cette culture sont capables de produire, notamment à partir de l’ivoire de mammouth. Leurs auteurs auraient été des novices : des artisans en cours d’apprentissage, que l’on aurait laissé travailler un matériau peu noble en attendant qu’ils se forment la main ? Ou bien des enfants ? Nous avons vu que l’empreinte retrouvée sur la statuette permet de le penser. D’autres, retrouvées sur 29 objets, suggèrent qu’elles ont appartenu à des mains d’enfants âgés entre 6 et 10 ans ou d’adolescents, entre 10 et 15 ans. Sont-ils intervenus durant toute la phase de production (prélèvement d’argile, construction du four, cuisson) ou seulement pour le moulage, car plus aisé, moins fatiguant et moins dangereux ? Participaient-ils à un hypothétique rituel ou s’agissait-il tout simplement d’un jeu ? Le mystère reste entier !