Vaison-la-Romaine : les dernières découvertes (4/6). Le décor d’applique en marbre du forum et ses révélations
Dans le nord du Vaucluse, la ville de Vaison est riche d’un passé de plus de 2 000 ans. Née de la volonté du peuple gaulois des Voconces de s’approprier les us et coutumes de la puissance romaine conquérante, elle devient au Ier siècle de notre ère une cité gallo-romaine prospère, proche du pouvoir impérial, avant de connaître un déclin, puis un abandon dans l’Antiquité tardive. Les fouilles récentes ont permis de localiser avec certitude son forum et livrent aujourd’hui un passionnant aperçu de la richesse et de la singularité de la petite cité des bords de l’Ouvèze.
Les auteurs du dossier sont : Isabelle Doray, archéologue céramologue, service d’archéologie du département de Vaucluse (SADV) ; Caroline Lefebvre, docteure en archéologie des mondes anciens, archéologue du bâti, chercheure associée à l’IRAA, UAR 3155, CNRS, contractuelle à l’Inrap, Nîmes, Midi-Méditerranée ; Caroline Michel d’Annoville, professeure d’archéologie de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge, Sorbonne université – Paris IV ; Jean-Marc Mignon, attaché principal de conservation du patrimoine, service d’archéologie du département de Vaucluse (SADV), architecte du patrimoine d.p.l.g. ; Benoît Rossignol, professeur d’histoire ancienne, Avignon université ; Elsa Roux, docteure en archéologie, spécialiste des décors en marbre et en roches décoratives, chercheure associée à l’IRAA
Le mobilier lapidaire issu de la fouille du forum, roches décoratives et marbres, compte au total 12 887 fragments comprenant des éléments d’architecture d’applique, ainsi que des placages décorés et lisses. Leur étude attentive offre un aperçu des différents types de pierre utilisées, de leur provenance, des différents ordres d’architecture d’applique et de la datation de l’ensemble.
Si la grande majorité des fragments provient des couches stratigraphiques correspondant aux phases d’abandon et de réoccupation du forum, datées entre le IVe siècle et le VIIe siècle, la plupart des éléments de décor d’applique peuvent être attribués avec certitude au décor du complexe monumental du forum. L’identification des roches décoratives utilisées a été possible grâce à une étude macroscopique, mettant en évidence la présence de vingt-cinq types différents de pierres parmi les trente-et-un identifiés à l’échelle de la ville antique. Cela comprend les principaux marbres colorés du bassin méditerranéen, mais également des pierres locales. L’étude des marbres blancs a montré l’utilisation de quatre sortes, provenant des carrières de Carrare, du mont Pentélique, de Thassos ou bien du Proconnèse (île de Marmara).
Le riche programme décoratif
Le décor d’applique regroupe d’une part les éléments du décor principal, soit ceux d’architecture comme les bases, les fûts, les chapiteaux, ceux de couronnement et d’entablement, et d’autre part les éléments d’un décor secondaire, soit ceux moulurés structurant le décor, les plaques ornées et enfin les placages lisses polychromes. Parmi les plus remarquables, ont pu être identifiés trois ordres d’architecture d’applique : un ordre monumental en marbre blanc, avec des bases ornées attiques, des pilastres à sept cannelures (ou rudentures) et des chapiteaux composites, dont les dimensions permettent d’estimer la hauteur des pilastres (base, fût, chapiteau) à 6 m, soit 10 modules de la base ; un deuxième ordre en marbre blanc, à partir d’un ensemble très fragmentaire de bases, de pilastres à cinq rudentures et de chapiteaux corinthiens, dont on peut estimer la hauteur à 4 m environ ; et enfin un troisième ordre en marbres colorés, constitué de bases attiques en marbre rouge, de pilastres à cinq rudentures en marbres veinés de rouge et de chapiteaux corinthisants en marbre rouge antique, d’une hauteur estimée de 3 m environ. L’étude des composantes architecturales dessinant le décor principal révèle un lot chronologiquement très homogène puisque la grande majorité des éléments appartient visiblement à un même programme décoratif dont la datation se situe entre la fin de la période julio-claudienne et le début de la période flavienne, soit aux environs des années 70 ; les corniches modillonnaires constituant semble-t-il la partie de décor la plus précisément datable, entre 68 et 81.
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