François Rémond, virtuose du bronze doré à la carrière prolifique

Antoine-Denis Chaudet (1763-1810), La Paix, fondue en argent par Jean-Baptiste Cheret (1760-1832) et François Rémond (1747-1812) en 1806 pour les Tuileries (détail). 167 x 108 x 84 cm. Paris, musée du Louvre.

Antoine-Denis Chaudet (1763-1810), La Paix, fondue en argent par Jean-Baptiste Cheret (1760-1832) et François Rémond (1747-1812) en 1806 pour les Tuileries (détail). 167 x 108 x 84 cm. Paris, musée du Louvre. © Grand Palais Rmn (musée du Louvre) / Sylvie Chan-Liat / Mathieu Rabeau

L’Objet d’Art poursuit sa série d’articles mettant en valeur l’extraordinaire savoir-faire des bronziers parisiens aux XVIIIe et XIXe siècles. Après Pitoin et Martincourt, la présente étude retrace la carrière de François Rémond, reçu maître doreur en 1774, ainsi que celles de ses plus insignes collaborateurs, jusqu’à sa complète reconversion à la fin de sa vie au service de la propagande napoléonienne. Dans un futur numéro de la revue, un second article s’attachera à la relation étroite qu’entretint le grand ébéniste Jean-Henri Riesener avec les frères Damerat, anciens collaborateurs de François Rémond.

En février 2017, dans L’Objet d’Art était évoquée la participation du bronzier Étienne Martincourt aux meubles de Jean-Henri Riesener, l’ébéniste du Roi et du Garde-Meuble de la Couronne, l’héritier de la tradition de la grande marqueterie française1. Puis en 2022, toujours dans L’Objet d’Art, était abordée l’évolution stylistique du même Riesener qui, presque totalement écarté de Versailles à partir de 1785, dut et sut s’adapter aux modes de Paris en sacrifiant ses belles marqueteries allégoriques « imitant la peinture » au profit des grands placages unis, désormais plus appréciés pour leur beau veinage naturel2. Comme ses meilleurs confrères parisiens, il les sublima avec des encadrements et des ornements figuristes de bronze doré qui se valorisaient mutuellement, à l’instar des grands pionniers, tels André-Charles Boulle, Charles Cressent et leurs émules.

Le rôle accru des bronziers auprès des ébénistes

Cette mise en valeur du talent des bronziers par les ébénistes était devenue une évidence : Jean-François Oeben (1721-1763), maître de Riesener et sûr de son propre talent, avait déjà très largement associé celui des bronziers, qui n’étaient pas encore des rivaux. En plus des meubles eux-mêmes, les documents de 1763 relatifs à la succession d’Oeben et à l’expertise de son atelier alors en pleine activité donnaient les noms de ses principaux collaborateurs, tant pour le bois, que pour le métal3. On y trouve déjà un Rémond, mais il s’agissait seulement de Jacques, voiturier par terre et père du futur doreur sur métaux François Rémond qui devint aussi fondeur.

Dos du secrétaire à cylindre de Louis XV par Jean-François Oeben (1721-1763) et Jean-Henri Riesener (1734-1806), avec bas-relief de bronze doré représentantles Arts et Vertus cardinales autour du médaillon de Louis XV (remplacé par celui de Minerve en 1794), 1760-1769. 146 x 190,8 x 101 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Dos du secrétaire à cylindre de Louis XV par Jean-François Oeben (1721-1763) et Jean-Henri Riesener (1734-1806), avec bas-relief de bronze doré représentantles Arts et Vertus cardinales autour du médaillon de Louis XV (remplacé par celui de Minerve en 1794), 1760-1769. 146 x 190,8 x 101 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Grand Palais Rmn (château de Versailles) / Mathieu Rabeau

Certains de leurs noms prestigieux réapparurent en 1767 lors du contrat de remariage de la veuve Oeben avec Riesener. Il n’y aura plus rien de tel chez celui-ci qui était retraité lors de sa mort en 1806, n’ayant qu’un seul enfant, le peintre portraitiste Henri-François Riesener (1767-1828), ce qui épargnait à sa succession la nécessité d’un inventaire. Ce vide laissait aux futurs historiens un champ libre à de nombreuses conjectures. Comme Oeben dès 1760, Riesener (1734-1806, maître en 1768) avait lui aussi disposé d’une forge dans les ateliers de l’Arsenal, très utile pour la fabrication des savants mécanismes dont s’enorgueillissaient leurs meubles ; cela ne l’empêcha pas pourtant de s’adresser à des collaborateurs extérieurs tels que le mécanicien Jean-Tobie Mercklein (vers 1739-1820) pour les ouvrages les plus sophistiqués. Il disposa lui aussi d’une fonderie particulière indépendante de la grande fonderie de l’Arsenal, que dirigeait toujours Pierre Gor (1720-1773), installée dans la cinquième cour. L’existence de cette fonderie privée, localisée devant la deuxième cour du côté du mail, pas plus qu’une parenté avec le maître fondeur André Ravrio (1733-1788, maître en 1777), n’autorisent cependant à attribuer à Riesener lui-même un rôle actif autre qu’un choix, voire un dessin, dans l’élaboration des bronzes les plus raffinés dont il orna ses insignes créations. En 1775, on signalait dans cette fonderie un sieur Prévost, tourneur à l’Arsenal4.

Détail du bas-relief de bronze doré représentant les Arts et Vertus cardinales au dos du secrétaire à cylindre de Louis XV par Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Détail du bas-relief de bronze doré représentant les Arts et Vertus cardinales au dos du secrétaire à cylindre de Louis XV par Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Grand Palais Rmn (château de Versailles) / Mathieu Rabeau

Martincourt, maître en 1762

Sur la contribution de Martincourt (vers 1730-1796, maître en 1762), sculpteur et fondeur-ciseleur, on ne dispose toujours d’aucun document probant, seulement de l’analyse stylistique de ses ornements arabesques, que l’on retrouve chez d’autres ébénistes, dont Étienne Levasseur (1721-1798)5, Bernard Molitor (1755-1833)6 ou Jean-Jacques Pafrat (mort en 1793)7, mais d’abord et surtout sur des objets d’art tels que pendules, luminaires, feux, etc., où son nom est attesté. Martincourt fournissait aussi, à l’intention des horlogers et sur demande des marchands-merciers, des bronzes figuristes ambitieux pour les modèles de certains desquels les noms des sculpteurs académiciens Augustin Pajou (1730-1809) et Jean-Antoine Houdon (1742-1823) sont mentionnés. Mais il semble que ce soit surtout pour ses décors arabesques, frises, entrées de serrures et poignées notamment, que Riesener eut directement recours au talent de Martincourt, sans passer par l’atelier de François Rémond. À part une expertise en commun, la seule relation connue par un écrit entre ces deux bronziers est une facturation de 3 680 livres le 21 juin 1788 à Martincourt pour la dorure d’un lustre, assurément exceptionnel8, mais son influence pourrait aussi avoir eu lieu par le biais d’intermédiaires, notamment Charles Huant, dit Desboisseaux (1756-1794) qui avait été apprenti chez Martincourt9, puis employé comme modeleur et ciseleur par Rémond de 1786 à 1790 pour des figures, des animaux et des végétaux divers ; mais aussi, nous allons le découvrir, grâce aux Damerat.

« Mais il semble que ce soit surtout pour ses décors arabesques, frises, entrées de serrures et poignées notamment, que Riesener eut directement recours au talent de Martincourt, sans passer par l’atelier de François Rémond. »

François Rémond maître doreur en 1774

Dans plusieurs essais sur François Rémond, désormais reconnu comme le grand rival oublié entre Pierre Gouthière (1730-1813, maître en 1758), ciseleur-doreur10, et Pierre-Philippe Thomire (1751-1843, maître en 1772), sculpteur et fondeur ciseleur11, nous avons déjà mentionné ses livraisons aux ébénistes David Roentgen (1743-1807) dès 1779 et Riesener à partir de 178112. C’est par l’intermédiaire de Dominique Daguerre (vers 1740-1796), le fameux marchand-mercier, qu’il put fournir dès 1779 de nombreux bronzes à Adam Weisweiler (1744-1820)13. Pour les modèles figuristes, Rémond eut presque systématiquement recours au sculpteur académicien Louis-Simon Boizot (1743-1809)14 puis, tardivement et dans une moindre mesure, à Henri-Victor Roguier (1758-1841), élève du même Boizot et longtemps son collaborateur à Sèvres15.

Attribué à Louis-Simon Boizot (1743-1809), bas-relief allégorique aux « Sciences de l’Histoire ». Terre cuite, 22,7 x 48,5 cm. Paris, muséedu Louvre.

Attribué à Louis-Simon Boizot (1743-1809), bas-relief allégorique aux « Sciences de l’Histoire ». Terre cuite, 22,7 x 48,5 cm. Paris, muséedu Louvre. © Grand Palais Rmn (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Bureau à cylindre attribué à David Roentgen, décoré d'un bas-relief allégorique en bronze doré, aux « Sciences de l’Histoire » attribué à Louis-Simon Boizot et François-Aimé Damerat. Malibu, The J.-Paul Getty Museum.

Bureau à cylindre attribué à David Roentgen, décoré d'un bas-relief allégorique en bronze doré, aux « Sciences de l’Histoire » attribué à Louis-Simon Boizot et François-Aimé Damerat. Malibu, The J.-Paul Getty Museum. Photo The J.-Paul Getty Museum

Jean (?) Martin et Jean-Pierre (?) Buraux, deux grands artistes à redécouvrir

Pour certains bronzes arabesques, on relève aussi le nom du sculpteur-modeleur (Jean ?) Martin (vers 1730-après 1807) associé à celui d’un parent et allié, le dessinateur (Jean-Pierre ?) Buraux (1749-après 1806), tous deux aujourd’hui seulement documentés grâce à leurs travaux effectués à partir de 1784 pour le Garde-Meuble de la Couronne sous la direction du sculpteur Jean Hauré (1741-1816). Rémond les associa aussi à la fabrication de ses bronzes arabesques, peut-être pour Riesener, mais surtout pour Daguerre et Roentgen. 

Une famille de doreurs aux solides alliances

J.-P. Buraux était issu d’une famille de doreurs sur métaux aux belles alliances dans son milieu professionnel. Tenté par une carrière académique, il fut, en 1766, élève du peintre Antoine Renou (1731-1806) et protégé du peintre Joseph-Marie Vien (1716-1809)16. Pierre Buraux, son père (1728-1806, maître doreur en 1753), est notamment repérable pour avoir, avec deux des frères Forty, Jacques le maître fondeur et Jean-Jacques le maître peintre, collaboré en 1770 à la décoration du Vauxhall de la Foire Saint-Germain17 sous la conduite de l’architecte Samson-Nicolas Lenoir, dit le Romain (vers 1728-1810). Ceux-ci étaient deux des fils du Marseillais Jean-François Forty, dessinateur-graveur-ciseleur (1721-1793), fondateur en 1785 d’une école privée de dessin pour jeunes artistes et amateurs, située rue de l’Hirondelle à Paris, peut-être dans les anciens locaux de l’École royale gratuite de dessin créée en 1766 par le peintre Jean-Jacques Bachelier (1724-1806)18. J.-F. Forty travailla aussi avec Rémond de 1778 à 1780 sous le nom de Fortie père.

« Encore mal connus, Buraux et Martin pourraient figurer au palmarès des meilleurs dans leur spécialité. »

Le parcours de Jean (?) Martin

Toujours confondu avec plusieurs de ses nombreux homonymes, on sait que le sculpteur-modeleur Jean Martin demeura longtemps rue Frépillon et qu’il épousa Marie-Françoise Cheraz. Il était peut-être le fils d’un Jean-Baptiste Martin, qui travaillait en 1714 chez le sculpteur Nicolas Hanard19. Il donna des leçons de modelage au fils du sculpteur Quentin-Claude Pitoin, futur doreur sur métaux du Garde-Meuble de la Couronne20 ; puis il fut créancier de Jean-Louis Ier Prieur dit le père (1732-1795, maître en 1765), autre sculpteur, modeleur, fondeur et ciseleur, qui demeurait aussi rue Frépillon21 ; puis encore de Pierre Gouthière22. Il travailla peut-être aux côtés de Pajou à l’Opéra de Versailles23, plus sûrement pour le comte d’Artois au Temple24, pour la duchesse de Mazarin quai Malaquais25, et pour la veuve du banquier Thélusson26. Sa belle clientèle lui permit d’acquérir en 1789 un immeuble rue Notre-Dame de Nazareth, mitoyenne de la rue Meslée, et non loin de Georges Jacob. Encore mal connus, Buraux et Martin pourraient figurer au palmarès des meilleurs dans leur spécialité27.

Les Damerat révélés par les archives

Rémond mentionne, surtout pour ses bas-reliefs figuristes en bronze, de multiples paiements à des Damerat28. Parmi les nombreux artisans de ce nom29, plusieurs furent essentiellement des maîtres et marchands tabletiers. Au mariage du sculpteur Jacques-Charles Damerat, en 1739, on relève la présence d’un confrère, Jacques Desjardins30 ; en 1748, ce même Damerat assista au mariage de son neveu François-Louis Damerat qui était compagnon argenteur31. En 1760, Jean-Paul Romain Damerat, mis en apprentissage avec le sculpteur Robert Bernard Desouches, était le fils d’un salpêtrier32. Mais c’est pourtant d’un compagnon maçon parisien, Pierre-André Damerat, marié en 1751 à Marie-Anne Gringault et demeurant cimetière Saint-Jean, paroisse Saint-Jean en Grève33, que naquirent un autre Pierre-André Damerat, dit l’Aîné, un François-Aimé Damerat, dit le Cadet, un Nicolas-Antoine Damerat, dit le Jeune, et qui tous trois devinrent fondeurs ciseleurs, sans qu’il soit toujours aisé de les différencier. On peut ajouter un quatrième fils, Pierre-Marie Damerat, qui n’apparaît que furtivement. Deux Damerat émargèrent dans la comptabilité de Rémond, mais seul François-Aimé connut une certaine notoriété et une belle longévité, jusque sous l’Empire et la Restauration, avant un regain d’estime sous le Second Empire, dans le cadre du « Marie-Antoinette revival ».

Attribué à Louis-Simon Boizot (1743-1809), groupe des Lois représentant Minerve, l’Immortalité et l’Histoire ; la figuredes Lois ciselée nommément parDamerat. Bronze doré, 62 x 50 x 33 cm. Paris, musée du Louvre.

Attribué à Louis-Simon Boizot (1743-1809), groupe des Lois représentant Minerve, l’Immortalité et l’Histoire ; la figuredes Lois ciselée nommément parDamerat. Bronze doré, 62 x 50 x 33 cm. Paris, musée du Louvre. © musée du Louvre, Dist. Grand Palais Rmn / Pierre Philibert

Pierre-André Damerat

Pierre-André dit l’Aîné avait 15 ans quand, en 1767, il fut mis en apprentissage pour cinq ans avec Gilles Lepareur, maître-fondeur rue de la Mortellerie34. Déjà orphelin de père, il était alors un « enfant pauvre sorti de l’hôpital des Enfants Rouges » et bénéficia de la fondation charitable d’une baronne Dutour35. Son brevet d’apprentissage fut transporté le 7 février 1768 à Martincourt qui demeurait alors rue des Mauvais-Garçons36 ; il fut reçu maître fondeur le 6 octobre 178137 et devait bientôt travailler avec Pierre Gouthière dont il fut un des créanciers lors de l’abandon forcé de ses biens38 ; il demeurait alors rue Saint-Avoye au coin de la rue de Braque. En 1809, il assista au mariage de sa nièce Éléonore-Louise Damerat, fille de François-Aimé, et fut alors qualifié de crieur (ciseleur ?)39.

Pierre-Marie et Nicolas-Antoine

Le 13 juillet 1776, M.-A. Gringault avait placé un autre fils de 15 ans, Pierre-Marie Damerat, pour cinq ans comme alloué chez Martincourt qui demeurait toujours rue des Mauvais Garçons ; le coût de cet alloué bénéficiait d’une « charité » de la paroisse Saint-Jean en Grève40. L’alloué est une forme réduite d’apprentissage qui ne permet pas de prétendre à la maîtrise. Nous n’avons pas encore trouvé le brevet d’apprentissage de Nicolas-Antoine Damerat qui devint lui aussi maître fondeur en 1781 et qui fut cité à partir du 16 octobre 1785 dans la comptabilité de Rémond, comme étant Damerat le Jeune rue Chapon, et à nouveau les 11 et 17 décembre 1786, toujours qualifié de Damerat le Jeune et signant Nicolas Damerat. Dès 1785, il avait reçu de Rémond 214 livres pour la ciselure de deux cariatides (96 livres), deux sphinx (72 livres), une figure (12 livres), un chien (24 livres).

Le mariage de François-Aimé Damerat avec Louise-Marguerite Vonchriltz

François-Aimé Damerat, dit le Cadet, et le plus souvent prénommé seulement François, naquit pendant l’hiver 1755-1756. Il était qualifié de ciseleur et dit majeur (25 ans passés) quand il se maria le 16 novembre 178041. Sa mère, veuve non remariée, vivait encore et ils demeuraient toujours ensemble, place du cimetière et paroisse Saint-Jean en Grève. Sa formation n’est pas encore connue, mais on peut suggérer pour lui aussi un apprentissage chez Martincourt. Il épousait sous le régime de la communauté Louise-Marguerite Vonchriltz, une fille mineure du maître-fondeur Louis-Charles Vonchriltz. La famille de la future épouse était déjà bien installée dans la communauté du bronze, telle une dynastie dont plusieurs membres se francisèrent en Baucherie ou Boucherie et Vauchery. Les Vonchriltz demeuraient aussi cimetière Saint-Jean. Louise-Marguerite, dont la famille travaillait déjà pour Rémond, était assistée de sa grand-mère, veuve du maître fondeur Louis-Joseph Vonchriltz, de ses frères Jean-Louis et Joseph, maîtres fondeurs ciseleurs42 ; François-Aimé Damerat était accompagné de ses deux frères Pierre-André et Nicolas-Antoine, tous deux ciseleurs n’ayant pas encore accédé à la maîtrise.

Un milieu d’artisans bien ancré dans la capitale

La future épouse apportait une dot de 1 400 livres, en partie fournie par sa grand-mère, et François-Aimé annonçait 500 livres provenant de ses gains et épargnes ; 300 livres de part et d’autre étaient mises en communauté et le futur époux assurait un douaire de 600 livres à sa veuve. Ces chiffres sont dans la norme d’un bon milieu d’artisans parisiens. Contrairement à l’usage, aucun patron ni maître d’apprentissage n’assista à la signature de ce contrat. François-Edmé Damerost (sic) deviendra maître fondeur-ciseleur le 2 janvier 178443. Une « première fiche de travail » par Rémond, datée du 20 octobre 1785 et établie au nom de Damerat Cadet, qui signe « Fr. Damerat », concerne déjà 392 livres pour des ciselures fournies, plus 24 livres pour « une petite figure sur colonne » que l’on retrouvera chez Roentgen44, 144 livres pour une figure représentant l’Amitié « à livrer au commencement de janvier 1786 ». Cette année-là, le classement des fondeurs et doreurs établi par leur communauté pour l’établissement de la capitation (impôt par tête active) ne mentionna que deux Damerat dans les 9e et 16e classes sans préciser lequel était le plus imposé45. Martincourt passait quant à lui de la 10e à la 8e classe, ce qui révèle une activité en pleine expansion.

L’empereur Napoléon d’après un bronze antique de la collection D.-V. Denon ; signé Damerat-coelavit (1812). Bronze, 22,9 x 11,9 x 15,2 cm. Londres, Wallace Collection.

L’empereur Napoléon d’après un bronze antique de la collection D.-V. Denon ; signé Damerat-coelavit (1812). Bronze, 22,9 x 11,9 x 15,2 cm. Londres, Wallace Collection. © Wallace Collection / Bridgeman Images

François-Aimé Damerat, « ciseleur » attitré de Rémond

Désormais et jusqu’à la fin de 1787, date de la clôture du deuxième livre-journal de Rémond (la suite ne semble pas conservée), la ciselure des Damerat apparaîtra en filigrane dans les livraisons de Rémond, tant pour les représentations humaines qu’animales, en ronde-bosse ou en bas-relief. Les deux registres du livre-journal, prolongés de peu par un « brouillard », élégamment retranscrits par la « belle main » d’un commis aux écritures, décrivent chronologiquement et sommairement les livraisons à ses clients, particuliers ou marchands, ainsi que le prix demandé. La suite, de la main de Rémond lui-même, avec une écriture et une orthographe moins académiques, incomplète jusqu’en 1802 et parfois en 1806, est constituée de feuilles de paiement aux différents fournisseurs ou employés.

« Désormais […], la ciselure des Damerat apparaîtra en filigrane dans les livraisons de Rémond, tant pour les représentations humaines qu’animales, en ronde-bosse ou en bas-relief. »

Des résumés tardifs mentionnent désormais plus rarement le nom des clients et jamais celui de Riesener, mais détaillent les participations individuelles aux bronzes fabriqués. On constate, en croisant toutes les sources, que François-Aimé Damerat est devenu « le ciseleur » le plus apprécié pour les fournitures de Rémond à Riesener (peu de temps ?), à Roentgen (plus souvent), à Daguerre puis à Lignereux (plus longtemps), sur leurs plus beaux objets, meubles, vases montés, pendules, luminaires, cheminées, chenets, incluant tous la figure, et ce, jusqu’au Consulat inclus. On remarque aussi grâce à ses fiches de travail que, dès avant 1788, François-Aimé Damerat est payé, en plus de ses ciselures, pour des ébauches, des modèles et des façons, ce qui témoigne d’un rôle accru au sein de l’équipe réunie par Rémond. Ainsi, en juillet 1787, il augmentait de deux figures un bas-relief de Boizot46.

La fin d’une époque

Les bouleversements politiques, économiques et sociaux de la Révolution, la disparition de sa clientèle, ne permirent bientôt plus à Rémond de poursuivre dans la même voie. Daguerre, son meilleur client, mourut à Londres en 1796 et Martincourt décéda à Paris en 1806 ; Riesener vivait alors en rentier ses derniers jours. Martin-Éloi Lignereux (1751-1809), l’associé et le successeur de Daguerre, s’était déjà tourné vers Thomire, formant désormais un nouveau tandem concurrent et innovant, qui recrutait de plus jeunes talents autour de Charles Percier (1764-1838) et des Jacob père et fils. Blanche-Ernestine (1805-1897), la fille unique de Rémond, s’éloigna du milieu des bronziers en se mariant dans la riche bourgeoisie parisienne. C’est à sa naissance que Rémond, déjà pourvu d’un beau patrimoine immobilier, conscient du changement de goût et probablement déçu de ne pas avoir d’héritier mâle, commença à disperser son atelier et à changer de secteur d’activité.

« Les bouleversements politiques, économiques et sociaux de la Révolution, la disparition de sa clientèle, ne permirent bientôt plus à Rémond de poursuivre dans la même voie. »

Le temps du renouveau

Grâce à Dominique-Vivant Denon (1747-1825), il put opérer une belle reconversion. Denon était son client depuis 1787, avec des achats de copies de petits sujets antiques fondus en argent ou en bronze. Quand il devint directeur du musée central des Arts, c’est-à-dire le Louvre, il associa le bronzier à la création de la propagande napoléonienne : « M. Rémond, fondeur, a pour caution ses succès, beaucoup de travaux connus… » ; « M. Rémond entrepreneur de la ciselure… a beaucoup d’expérience et de connaissance dans la fonderie »47. En 1805, ce fut l’exécution du buste colossal de Napoléon, destiné à couronner l’entrée du Louvre ; sur ce bronze on peut lire « Bartolini sculpsit/Denon direxit/Remond ex aere/fudit/XXI Août MCCCV/fr Damerat scoelavit »48.

D’après Lorenzo Bartolini (1777-1850), buste de Napoléon, fondu par François Rémond et ciselé par François-Aimé Damerat pourdécorer l’entrée du Louvre en 1805. Bronze, 155 x 91x 76 cm. Paris, musée du Louvre.

D’après Lorenzo Bartolini (1777-1850), buste de Napoléon, fondu par François Rémond et ciselé par François-Aimé Damerat pourdécorer l’entrée du Louvre en 1805. Bronze, 155 x 91x 76 cm. Paris, musée du Louvre. © musée du Louvre, Dist. Grand Palais Rmn / Pierre Philibert

« Cet entrepreneur jouit dans le commerce d’une réputation sans tâche et sa probité ne doit laisser aucune appréhension »

Dominique-Vivant Denon à propos de François Rémond

L’année suivante, ce fut la statue colossale du général Desaix fondue d’après le sculpteur Claude Dejoux (1732-1816)49 ; à cette occasion Rémond demanda 100 000 francs et la faveur d’être nommé « entrepreneur ou inspecteur des monuments en fonte du Gouvernement ». Sa candidature fut soutenue par Denon : « Cet entrepreneur jouit dans le commerce d’une réputation sans tâche et sa probité ne doit laisser aucune appréhension »50. En 1806 encore, ce fut la ciselure, conjointement avec l’orfèvre Louis-Jean-Baptiste Chéret (1760-1832), de la statue de la Paix en argent d’après le sculpteur Antoine-Denis Chaudet (1763-1810)51. En 1807, ce fut la ciselure de la colonne de la Grande Armée, place Vendôme, où il retrouva Boizot chargé de plusieurs portions de bas-reliefs52. À côté de lui, François-Aimé Damerat fut mentionné nommément en 1811 pour un bronze de l’astronome Jean-Dominique Cassini (1625-1712), d’après le plâtre de Jean-Guillaume Moitte (1746-1810) exposé au Salon de 178953. Ce Cassini assis a pu inspirer à Damerat plusieurs effigies assises, comme un Horace54 et d’autres personnages à l’antique55.

Antoine-Denis Chaudet (1763-1810), La Paix, fondue en argent par Jean-Baptiste Cheret (1760-1832) et François Rémond (1747-1812) en 1806 pour les Tuileries. 167 x 108 x 84 cm. Paris, musée du Louvre.

Antoine-Denis Chaudet (1763-1810), La Paix, fondue en argent par Jean-Baptiste Cheret (1760-1832) et François Rémond (1747-1812) en 1806 pour les Tuileries. 167 x 108 x 84 cm. Paris, musée du Louvre. © Grand Palais Rmn (musée du Louvre) / Sylvie Chan-Liat / Mathieu Rabeau

François-Aimé Damerat, ciseleur fabricant de bronzes

François Rémond mourut en 1812 alors que François-Aimé Damerat, désormais qualifié de fabricant de bronzes, poursuivait une carrière indépendante, resté fidèle à la ciselure précieuse d’œuvres d’art et d’objets mobiliers, tels que les pendules historiées dont la vogue était alors immense auprès d’un public épris de culture antique : on peut alors citer la pendule représentant Périclès au chevet d’Anaxagore fondue chez Étienne-Louis Forestier (1753-1829) et que François-Aimé Damerat proposa en 1807 au maréchal Suchet56.

Pendule représentant Periclès au chevet d’Anaxagore, modèle créé en 1807, ciselé par François-Aimé Damerat sur une fonte d’Étienne-Louis Forestier.

Pendule représentant Periclès au chevet d’Anaxagore, modèle créé en 1807, ciselé par François-Aimé Damerat sur une fonte d’Étienne-Louis Forestier. © galerie Chadelaud

En 1812, il renouait avec la diffusion de modèles antiques en argent ou en bronze, ciselant à la demande de Vivant Denon des statuettes représentant Napoléon et Marie-Louise assis en costume antique, inspirées d’œuvres de sa collection et aujourd’hui déposées à Fontainebleau. Trois couples furent exécutés, dont un en argent, deux ciselés par Damerat et un autre par son ancien confrère chez Rémond, le fondeur ciseleur Louis-François Jeannest (1781-1856), alors devenu son collaborateur attitré. Seul le Napoléon de bronze conservé à la Wallace Collection à Londres est signé « Damerat coelavit »57.

L’impératrice Marie-Louise d’après un bronze antique de la collection D.-V. Denon ; fonte de Louis-François Jeannest, ciselure de François-Aimé Damerat en 1812. Argent et bronze doré, 21,5 x 11,7 x 11,7 cm. Paris, musée du Louvre, en dépôt au château de Fontainebleau.

L’impératrice Marie-Louise d’après un bronze antique de la collection D.-V. Denon ; fonte de Louis-François Jeannest, ciselure de François-Aimé Damerat en 1812. Argent et bronze doré, 21,5 x 11,7 x 11,7 cm. Paris, musée du Louvre, en dépôt au château de Fontainebleau. © Grand Palais Rmn (château de Fontainebleau) / Gérard Blot

« M. Dammerat est un de nos meilleurs et de nos plus habiles ciseleurs ; élève du fameux Rémond, il a exposé diverses copies de statues antiques qui frappaient les regards de tous les connaisseurs »

Annales de l’Industrie

À l’exposition des Produits de l’Industrie de 1819, François-Aimé Damerat montra des copies de statues antiques, sans être mentionné dans le livret, ce qui motiva un rectificatif publié dans les Annales de l’Industrie : « M. Dammerat (sic) ciseleur fabricant de bronze à Paris, rue Chapon, n° 26, a été oublié… M. Dammerat est un de nos meilleurs et de nos plus habiles ciseleurs ; élève du fameux Rémond, il a exposé diverses copies de statues antiques qui frappaient les regards de tous les connaisseurs »58. Et de citer, d’après le rapport de Héricart de Thury, une liste des monuments dus à leur fonte ou à son ciselet : « 1° la belle statue de Louis XV, de trois mètres 75 centimètres de hauteur, avec tous ses accessoires59 ; 2° les bas-reliefs du piédestal de la colonne de la place Vendôme, la statue, les quatre aigles ronde-bosse et une grande partie des accessoires ; 3° le monument (de Desaix) qui était place des Victoires, et dont la statue avait 5 mètres de hauteur ; 4° la belle statue de la Paix en argent, qui est au palais des Tuileries, et qui a donné son nom à un salon dont elle est le plus bel ornement ».

Les statues de Desaix et Napoléon

La statue du général Desaix (1768-1800), initialement érigée place des Victoires, et la statue de Napoléon qui sommait la colonne de la place Vendôme avaient alors connu les aléas de l’Histoire. Le bronze récupéré de leur destruction servira pour la statue d’Henri IV sur le Pont Neuf. La statuette de la Victoire que l’empereur déchu tenait en sa main gauche avait été subtilisée après que sa statue eut été déposée en 1814. Des répliques en circuleront bientôt, d’autant plus aisément que la Victoire de Chaudet avait été répétée par Rémond lui-même pour en faire des candélabres fondus par Piedeleu fils (Jean-Baptiste), dont le père Jean-Baptiste-Martin Piedeleu avait aussi travaillé pour Rémond dès 1776.

Anonyme, Monument en l’honneur du général Desaix en 1806 pour laplace des Victoires à Paris, 1810. Eau-forte. Paris, musée Carnavalet.

Anonyme, Monument en l’honneur du général Desaix en 1806 pour laplace des Victoires à Paris, 1810. Eau-forte. Paris, musée Carnavalet. © musée Carnavalet / Roger-Viollet

Le rapport de François-André Damerat

On connaît un rapport de François-Aimé Damerat relatif à cette Victoire60 :

« Je soussigné, chargé par feu M. Rémond et sous la Direction de Mr. Le Baron Denon, directeur général des Musées, de ciseler et reparer la statue en bronze de Napoléon, qui était posée sur la colonne de la place Vendôme, Certifie qu’une petit figure aussi en bronze représentant La Victoire, haute de dix-huit pouces, tenant de la main droite une palme et de l’autre une couronne de laurier, qui se trouve être aujourd’hui en la possession de M. Boyenval qui l’a achetée en vente publique, est bien celle qui surmontait la boule placée dans la main de la statue de Napoléon dont je viens de parler, que j’y reconnais mon travail, la matière même et tous les détails qui la composent ; que pénétré de cette vérité, je n’ai pas hésité à y apposer mon cachet, comme je l’ai fait au bas du présent certificat afin qu’on puisse en reconnaître l’identité, servir et valoir ce que de besoin. Fait à Paris le dix-huit juin mille huit cent vingt et un. Approuvé l’écriture ci-dessus, Damerat ciseleur rue du faubourg St Martin n° 138. »

Ambroise Tardieu, gravure montrant Napoléon victorieux, d’après A.-D. Chaudet, sur la colonne de la Grande Armée, place Vendôme. Paris, musée des Arts décoratifs.

Ambroise Tardieu, gravure montrant Napoléon victorieux, d’après A.-D. Chaudet, sur la colonne de la Grande Armée, place Vendôme. Paris, musée des Arts décoratifs. © DR

« Je soussigné, certifie qu’il est à ma connaissance que la petite statue, ci-dessus décrite, représentant la Victoire est bien celle que la statue en Bronze de Napoléon tenait dans sa main gauche sur la colonne de la Place Vendôme »

François-Aimé Damerat

Attribuée à A.-D. Chaudet, François Rémond et François-Aimé Damerat, statuette de la Victoire, censée provenir de la colonne de la place Vendôme. Bronze, 73 x 19 x 16 cm. Rueil-Malmaison, musée des châteaux.

Attribuée à A.-D. Chaudet, François Rémond et François-Aimé Damerat, statuette de la Victoire, censée provenir de la colonne de la place Vendôme. Bronze, 73 x 19 x 16 cm. Rueil-Malmaison, musée des châteaux. © Grand Palais Rmn (musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) / Franck Raux

À la suite, un autre certificat : « Je soussigné, certifie qu’il est à ma connaissance que la petite statue, ci-dessus décrite, représentant la Victoire est bien celle que la statue en Bronze de Napoléon tenait dans sa main gauche sur la colonne de la Place Vendôme, l’ayant moi, fondeur du Gouvernement, reconnu être dans les mains de mr. Boyenval acquéreur, quelque temps avant que je reçusse des ordres pour casser la statue de Napoléon ; je la reconnais avec d’autant plus de certitude, que ce dernier me l’a apportée dans mes ateliers avant la destruction et que les ajustages étaient les mêmes puisque les rivures et un morceau du petit ajustage étaient restés dans la boule. En fait de quoi j’ai délivré le présent à M. Boyenval pour lui servir et valoir ce que de raison. / Paris le vingt-cinq juin mil huit cent vingt et un. 

(Signé) Mesnil, fondeur foire St Laurent 

Fondeur du Gouvernement ».

Paire de candélabres exécutés à partir du modèle de la Victoire de la colonne de la Grande Armée.Vente, Ader, Genève, 28 avril 1992, lot 95 ; Sotheby’s, Londres, 11 juin 1999, n° 87 avec une estampille (apocryphe ?) de Thomire. Autre exemplaire, venteSotheby’s, 25 septembre 2024, lot 141.

Paire de candélabres exécutés à partir du modèle de la Victoire de la colonne de la Grande Armée.Vente, Ader, Genève, 28 avril 1992, lot 95 ; Sotheby’s, Londres, 11 juin 1999, n° 87 avec une estampille (apocryphe ?) de Thomire. Autre exemplaire, venteSotheby’s, 25 septembre 2024, lot 141. © DR

Le crépuscule d’une dynastie

François-Aimé Damerat était alors retraité et pouvait, en spectateur, revoir passer en ventes ses œuvres et ses modèles, recueillis parfois dans des fonds d’ateliers des grands professionnels de sa génération, et parmi ceux-ci du stock du doreur Pierre-François Feuchère (1736-1823) qui en avait lui-même récupéré les plus beaux modèles chez ses anciens confrères et que son fils Lucien-François (1760-1841), la mode ayant changé, dispersa en ventes publiques de 1824 à 1831 : « On y trouvait en grande quantité, des frises, bas-reliefs, têtes etc. exécutés par les plus célèbres ciseleurs tels que… les Martincourt, les Damerat… »61. Dans la vente Feuchère du 18 janvier 1829, c’étaient encore « divers bas-reliefs anciens de Martincourt ». Damerat était veuf quand il mourut le 9 juillet 1839, âgé de 83 ans, au 124 de la rue du faubourg Saint-Martin, probablement dans le même immeuble qu’en 1821, mais dont seul le numéro avait changé. Parmi ses cinq enfants, seul un, Mucius Damerat était qualifié de ciseleur62.

Le médaillon oval

Leur nom sombra vite dans l’oubli, mais quand son travail, d’abord démodé, fut réhabilité par une génération nouvelle, François-Aimé Damerat eut l’honneur en 1865 d’une mention de Charles Blanc, grâce à un médaillon ovale en bronze patiné inspiré de Greuze, prêté par Alexandrine Grandjean, fille d’antiquaires. On revit ce bas-relief à l’Exposition universelle de 1900, avant qu’il ne fît partie du legs Grandjean au musée de l’Union centrale des Arts décoratifs en 1923. Les inventaires du musée qui maintiennent l’attribution à Damerat signalent néanmoins une inscription (peut-être à l’encre et désormais invisible) mal décryptée comme « L. Lemeret fecit »63.

Avec ce médaillon en bas-relief on va pouvoir revenir à Riesener dont certains meubles en comportent de semblables, associés ou non à des bas-reliefs en frises d’enfants, mais souvent fondus tardivement et parfois substitués à des tableaux de marqueterie. Cela fera l’objet d’un prochain article.

Remerciements

J’ai plaisir à remercier J.-D. Augarde, V. Bastien, R. Bossard, E. Caude, L. Condamy, B. Delcourte, C. Desgrez, A. Foray-Carlier, C. Fouin, A. James-Sarazin, C. Pincemaille, J. Vittet, C. Voiriot.

Notes

1 C. Baulez, « Martincourt », L’Objet d’Art n° 531, février 2017, pp. 56-65.

2 Id., « Riesener », L’Objet d’Art n° 592, septembre 2022, pp. 40-58.

3 R.-M. Stratmann-Döhler, Jean-François Oeben, Les Éditions de l’Amateur, 2002, pp. 27-32.

4 Archives de l’Arsenal, AD 75, DQ 10 594.

5 A. Pradère, Les ébénistes français de Louis XIV à la Révolution française, éd. du Chêne, 1989, pp. 309-318.

6 U. Leben, Molitor, ébéniste de Louis XVI à Louis XVIII, éd. Monelle Hayot, 1992.

7 A. Pradère, op.cit., pp. 422-423.

8 Archives du Monde du Travail, (A.M.T) à Roubaix : (AD 54), 183 AQ 1 à 9. Sauf références contraires, toutes les mentions relatives à la comptabilité de Rémond sont issues de ce fonds. Le lustre ici concerné pourrait être le numéro 148 du catalogue du musée Nissim de ­Camondo. Cf. Anne Forray-Carlier, De bronze et d’or : bronzes dorés du musée Nissim de Camondo, Paris, MAD, 2024, pp. 112-115.

9 Arch. Nat., MCN, CVI 431, 22 juillet 1770. Gagné par les idées nouvelles, il devint membre de la Commune de Paris, juré au Tribunal Révolutionnaire et périt par la guillotine le 29 juillet 1794 à la chute de Robespierre ; tout comme son confrère en politique Jean-Louis II Prieur (1759-1794) dont il possédait les « Tableaux historiques de la Révolution française ». cf. J.-P. Samoyault, « Registre du dépôt de Nesles », A.A.F., nouvelle période, tome XLI, 2021, pp. 462 et 793 (Huant y est alors qualifié de sabotier). C. Baulez, « Kinsky », L’Objet d’Art n° 247, mai 1981, pp. 85-99.

10 Cf. J. Niclause, Thomire, fondeur-ciseleur, Gründ, 1947.

11 C. Baulez, « Roentgen », L’Objet d’Art n° 305, septembre 1996, pp. 96-118. T. Rappée, « Neuwied Furniture and the Russian luxury market », in Extragant Inventions, the princely Furniture of the Roentgens, dir. W. Koppée, New York, The Metropolitan Museum, 2012.

12 P. Lemonnier, M. Segoura, Weisweiler, éd. Monelle Hayot, 1983.

13 C. Baulez, « Essai sur l’œuvre décoratif de L.-S. Boizot », dans Louis-Simon Boizot par Th. Picquenard, cat. exposition Versailles, musée Lambinet, Somogy, 2001, pp. 272-301.

14 La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, dir. T. Préaud et G. Scherf, éd. Faton, 2015.

15 The Gaethgens et J. Lugand, Joseph-Marie Vien, Arthéna, 1988, p. 334.

16 Arch. Nat., MCN, LIII 466, délégation du 3 juillet 1770 ; LIII 476, délégation du 16 mai 1771.

17 U. Leben, École Royale gratuite de Dessin de Paris, 1767-1815, Waddesdon Manor, 2004.

18 Arch. Nat., Y 13471, P.V. du 5-6 juillet 1714.

19 C. Baulez, « Pitoin », L’Objet d’Art n° 542, février 2018, pp. 70-79.

20 C. Baulez, « Charles-Athanase Pinon et Jean-Louis Prieur, L’Objet d’Art, n° 520, février 2016, pp. 62-69.

21 C. Baulez et C. Vignon, Pierre Gouthière ciseleur du Roi, D. Gilles Limited, Mare et Martin, 2016, pp. 382-383.

22 H. Stein, Augustin Pajou, éd. E. Levy, Paris, 1912, p. 342.

23 Arch. Nat., R I, 310, pièces 319, 334.

24 Ibid., Y 15391, scellés après décès ; Jean Martin est le 151e opposant sur 308.

25 Ibid., AB XIX 215, 13 février 1781 : approbation de Gouthière « sur les modèles faits par Martin ».

26 C. Baulez, « Roentgen », op. cit., septembre 1996, p. 115.

27 C. Baulez et C. Vignon, Gouthière, op. cit., 2016, p. 377.

28 Souvent orthographié Damera, Dammeras, Dammerat parfois Dammerost.

29 Arch. Nat., MCN, LXXXIII 365, contrat du 6 janvier 1739. Il ne peut donc pas s’agir du Jacques Desjardins, sculpteur-fondeur ordinaire du Roi (1664-1737), ni de son fils prénommé François.

30 Arch. Nat., MCN, XXVIII 308, contrat du 24 septembre 1748.

31 Arch. Nat., MCN, XXXVIII 458, contrat du 6 décembre 1760.

32 Arch. Nat., MCN, XXVI 458, contrat du 13 juin 1751.

33 Arch. Nat., MCN, XXXIII 566, brevet du 1er octobre 1767.

34 Gabrielle de Dory de Regnier (ou Raynier), baronne Dutour avait légué à l’Hôtel Dieu de quoi fonder annuellement des bourses en faveur de l’apprentissage des jeunes orphelins.

35 Arch. Nat., MCN, CVI 416.

36 Arch. Nat., Y 9333.

37 Arch. Nat., MCN XIV 497, 25 janvier 1788-22 décembre 1789. Cf. Baulez-Vignon, Gouthière, op. cit., 2016.

38 Arch. Nat., MCN XLII 743, 29 mai 1809.

39 Arch. Nat., MCN, V 688 ; une durée de cinq ans pour un alloué est étonnante car elle est en général de trois ans.

40 Arch. Nat., MCN XXVI 691.

41 Cette branche descendait de Jean-Joseph Vonschriltz, ingénieur allemand (ou danois) au service de la France, tué à la bataille de Malplaquet en 1709. Sa famille fut pensionnée par le roi à titre militaire. Leur descendance gagna l’Amérique en 1790 et y fit souche (source Google).

42 Arch. Nat., Y 9333.

43 C. Baulez, « Roentgen », op. cit., p. 112, fig. 18. Idem., dans Bronzes français de la ­Renaissance au Siècle des Lumières, dir. G. Bresc-Gautier et G. Scherf, Paris, Somogy, 2009.

44 Arch. Nat., H 2118, cf. P. Verlet, Les Bronzes dorés français, Paris, Picard, 1987, pp. 413 et 492.

45 C. Baulez, « Roentgen », op. cit., p. 116, fig. 29.

46 D.V. Denon, l’œil de Napoléon, cat. exposition Louvre, Pierre Rosenberg dir., RMN 1999. Arch. Nat. F21 579, pièce 127.

47 Musée du Louvre, Acquisitions 1988-1991, p. 143, inv. MR 3327. Les 35 lettres de l’inscription sur le linteau de l’entrée sortirent également des ateliers de Rémond.

48 M.-L. Biver, Le Paris de Napoléon, Plon 1963 ; pl. 32, pp. 151-161 ; J.-M. Humbert, ­Egyptomania, musée du Louvre, cat. RMN 1994, pp. 213-214.

49 Arch. Nat., F21 579, pièces 114 et 223 ; F21 489, dossier 1.

50 P. Marmottan, « La statue de la Paix par Chaudet », Archives de l’art français, 1907, pp. 356-366. Rémond toucha 4 000 francs pour la ciselure.

51 M.-L. Biver, op. cit., pp. 162-175. – J. Tulard, D. Bordes et autres, La Colonne Vendôme, éd. Norma, Paris, 2021.

52 G. Gramaccini, Jean-Guillaume Moitte 1746-1810, Leben und Werk, Berlin, 1993, pp. 241-244.

53 Vente Étude Ossenat, Fontainebleau, 10 décembre 2005, lot 336.

54 Exposition à Berlin, mars-novembre 1983 (documentation du département des Sculptures du Louvre). Cf. aussi une jeune femme assise, vente Christie’s, Londres, 12 décembre 2002, lot 56.

55 Salon des Antiquaires, Galerie Chadelaud, 2007. Vente Artemisia Auction, 16 juin 2014, lot 64. Vente Étude Osenat, Fontainebleau, 10 décembre 2023, lot 56. M.-F. Dupuy Baylet, Les pendules du Mobilier national, 1800-1870, éd. Faton, 2006, pp. 184-185. Idem, De bronze et de cristal, objets d’ameublement du 18e – 19e du Mobilier National, éd. Faton, 2020, p. 125, n° 45.

56 A. Lefébure, Napoléon à Fontainebleau, RMN., 2003, pp. 62-63 ; R. Wenley, French Bronzes in the Wallace Collection, Londres, 2008, p. 501.

57 « Une Vénus Médicis moulée sur l’antique, fonte légère, reparée par Dammerat » (H. 4 pieds 10 pouces) fit le lot 594 de la vente Denon du 15 janvier 1827.

58 Il s’agit de la statue pédestre de Louis XV d’après Pierre Cartellier (1757-1831) ordonnée pour la ville de Reims en 1816 et fondue par Jarlot. Damerat chargé du remontage et de la ciselure aurait en fait été secondé par le ciseleur Petit. Cf. G. Hubert, G.B.A., 1981-2, pp. 28-29.

59 Bibliothèque Thiers, fond Frédéric Masson, carton 2, pièce 570.

60 Préface vente Feuchère, 21 novembre 1825. Dans celle du 21 novembre 1824 les lots 7 et 8 étaient les groupes Énée et Anchise, Castor et Pollux, de Damerat, vendus avec droit de reproduction.

61 Arch. Paris, AD 75, DQ7 3051, folio 59 verso.

62 Le musée rétrospectif, Palais de l’Industrie, Paris, 1865, cat. n° 3738.