Los Angeles : un inestimable triptyque de Bacon parti en fumée avec la maison de l’acteur Anthony Hopkins

Francis Bacon (1909-1992), Trois Études de Lucian Freud, 1969. Huile sur toile, trois panneaux de 198 x 147,5 cm chacun. © The Estate of Francis Bacon / All rights reserved / Adagp, Paris and DACS, London 2025, photo © Christie’s
Le bilan patrimonial des incendies qui ont ravagé Los Angeles en janvier 2025 ne cesse de s’alourdir. Confirmant une rumeur qui courait depuis plusieurs semaines, Il Giornale dell’Arte a annoncé dans son édition de février la disparition de la collection d’Anthony Hopkins dans l’incendie de sa maison. En son sein, un chef-d’œuvre de Francis Bacon.
L’acteur britannique, né en 1937, conservait dans sa demeure de Pacific Palisades plusieurs œuvres et objets de grande valeur, dont un triptyque de Francis Bacon représentant son ami peintre, Lucian Freud (1922-2011). Exécuté en 1969, Trois Études de Lucian Freud avait battu en 2013 chez Christie’s, à New York, le record de l’œuvre la plus chère vendue aux enchères.
L’œuvre la plus chère du monde
Ce soir du 12 novembre 2013, au Rockefeller Center, il n’avait fallu que 6 minutes pour atteindre le prix record de 142 405 000 dollars (frais inclus) lorsque le lot 8, Trois Études de Lucian Freud par Francis Bacon, avait été présenté. Le triptyque devenait ce jour-là l’œuvre la plus chère vendue aux enchères – un record battu à plusieurs reprises depuis – et la propriété de la collectionneuse Elaine Farrell Wynn. Quand et comment est-il entré dans la collection d’Anthony Hopkins ? Ces questions demeurent pour l’instant sans réponse, l’acteur ne s’étant pas exprimé à ce sujet.
Dialogue entre maîtres
Peint en 1969, Trois Études de Lucian Freud est non seulement l’un des plus grands triptyques, mais aussi l’un des chefs-d’œuvre de Francis Bacon. Il témoigne de la relation qui s’était nouée dans l’après-guerre entre les deux peintres anglais, à la fois amis et rivaux, chacun ayant réalisé le portrait de l’autre. Le triptyque de 1969 représente sur un fond jaune éclatant Lucian Freud sous trois angles différents, comme si, d’une toile à l’autre, il était en train de se tourner. Le mouvement s’accompagne de larges coups de pinceau et de nombreux détails qui donnent vie au modèle. La qualité du triptyque et sa facture exceptionnelle sont unanimement saluées par les spécialistes de l’œuvre de Bacon, dont Martin Harrison, auteur de son catalogue raisonné. Bacon semble, en peignant Freud, s’être surpassé, la rivalité se muant en émulation.
Francis Bacon (1909-1992), Trois Études de Lucian Freud, 1969. Huile sur toile, trois panneaux de 198 x 147,5 cm chacun. © The Estate of Francis Bacon / All rights reserved / Adagp, Paris and DACS, London 2025, photo © Christie’s
Une perte inestimable
L’histoire des Trois Études de Lucian Freud était déjà émaillée de péripéties. Au milieu des années 1970, les trois panneaux avaient été séparés et dispersés, au grand dam du peintre. Admirer un seul panneau n’avait pour lui aucun sens, l’œuvre ayant été conçue dès l’origine comme un triptyque. Reconstitué par le collectionneur qui l’a mis en vente en 2013, il avait repris sa place au panthéon des œuvres majeures du peintre anglais. Les incendies dévastateurs du mois de janvier 2025 auront eu raison de lui. De nombreuses œuvres de grande valeur ont connu le même sort, réduites en cendres dans les maisons de collectionneurs et les ateliers d’artistes, au point que les compagnies d’assurances américaines s’interrogent sur les conditions auxquelles elles en couvriront désormais les pertes.
« N’aimant pas les séances de pose, qui l’intimidaient, Bacon a travaillé d’après une série de photographies de Freud et des clichés de son compagnon, George Dyer, dont on reconnaît les jambes croisées. Mais plutôt que d’évoquer ses sources, on ne devrait parler que de sa peinture : la grandeur et la magie de cette œuvre tiennent à elle seule, à la façon dont Bacon manie son pinceau et brosse chaque détail. »
Martin Harrison
De Macbeth à Hannibal Lecter
D’autres pièces de grande valeur appartenant à Anthony Hopkins auraient disparu : un piano Steinway, des bouteilles de Romanée-Conti, un manuscrit original de Macbeth portant la signature de Shakespeare, et sans doute aussi des œuvres de l’acteur, également peintre. Parmi les objets partis en fumée figure aussi l’effrayant masque en cuir d’Hannibal Lecter, le personnage joué par Anthony Hopkins dans le film Le Silence des agneaux (1991). « La seule chose que l’on emporte avec soi, c’est l’amour que l’on donne » a-t-il simplement écrit sur les réseaux sociaux après avoir subi ces immenses pertes.
Connu comme acteur, Anthony Hopkins, photographié ici dans son atelier en 2019, est aussi peintre et compositeur. Photo : compte Instagram d’Anthony Hopkins