Francis Capdeboscq, un monde gravé à découvrir à la librairie galerie Saint-Michel

On y voit plein de choses bizarres, de curieux personnages dans l’ombre, une végétation à la fois luxuriante et inquiétante – on pense soudain à l’œuvre d’un Douanier Rousseau en noir et blanc –, des monuments décatis mangés par la forêt vierge, on nage en plein mystère et l’on s’y noie même parfois, le plus souvent avec plaisir.

Cet aspect inépuisable serait cependant presque ordinaire pour un artiste de la mouvance visionnaire, si le traitement de la gravure elle-même n’était pas exceptionnel. Eau-forte rehaussée d’aquatinte, de pointe sèche, adoucie ou brutalisée par l’action du grattoir et du brunissoir, il y a aussi dans chacune de ces estampes, imprimées très proprement d’un beau noir, une leçon technique qui rendra jaloux les émules de l’artiste et plongera les amateurs dans l’admiration perplexe.

Francis Capdeboscq, Hermine, eau-forte et aquatinte sur cuivre, 2021, papier Hahnemühle 300 g, 33,5 x 25 cm. © Francis Capdeboscq

Les sources d’inspiration de Francis Capdeboscq sont multiples et elles-mêmes riches d’images, telles que la Divine Comédie ou l’Apocalypse, et Edgar Poe ou Lovecraft, voire Jim Harrison, ne sont pas loin de son propos. Il ne s’agit toutefois jamais d’illustration stricto sensu, comme si ces ouvrages étaient surtout un concerto pour pointe dans le cuivre. Son talent est suffisamment original pour qu’il soit difficile de retrouver lesquels des graveurs de génie qui l’ont précédé l’auraient particulièrement influencé, même s’il est évident que sa culture graphique est profonde. Un discret hommage à Hermine David ne répond pas à la question.

Ainsi qu’il le dit lui-même, en 2003, dans Ajouré secret, son sixième livre d’artiste, apparaissent couleurs et abstraction. C’est au fil des livres que le noir et les couleurs tressent un cheminement. Deux domaines de création s’équilibrent. L’édition d’estampes en feuilles consacrées au noir et un corpus de livres d’artiste orienté vers la couleur et les textes dessinés. Arrimées comme tenon et mortaise, les gravures se déploient dans les livres qui lancent leurs mots dans la profondeur du cuivre.