Perles d’archives : Bombonnel, le tueur de panthères aux archives départementales de la Haute-Marne
Les bibliothèques d’archives sont les gardiennes d’une mémoire qui se traduit aussi par les livres et leur transmission. Bombonnel, le tueur de panthères fait partie de ces ouvrages. Son esthétique n’est certes pas son atout premier. C’est l’histoire de sa circulation au sein de la plupart des maisons de gardes forestiers – et donc la diffusion de la pensée du XIXe siècle – qui est documentée par la conservation à la fois des archives et des ouvrages de l’Office national des forêts.
L’activité de l’Office national des forêts a une forte signification économique et culturelle en Haute-Marne, au couvert forestier de plus de 40 %. Les gardes forestiers étaient logés dans des maisons appelées « triages », où des livres meublaient leurs longues soirées d’hiver.
Bombonnel, le tueur de panthères, ses chasses écrites par lui-même (1872) provient d’une bibliothèque artificiellement constituée à partir de plusieurs triages. Y figurent des manuels comme le code forestier, un dictionnaire vétérinaire, un livret de premiers secours à l’usage des militaires ; des livres édifiants ou historiques comme La Patrie et les patriotes, La Patrie française, ou Henri Grégoire, évêque républicain (1882) et Le Serment du Jeu de paume ; de la fiction avec Les Fils du forgeron (1887). L’Histoire d’un grain de blé (1882) prodigue des conseils agricoles ; Self-Help, traduit par Talandier (1873), encense les progrès techniques tel le métier Jacquard.
Un succès de librairie
Bombonnel… narre les aventures d’un fils d’ouvrier aubois, qui se fera chasseur de bêtes féroces exotiques. Il débute par : « Je suis né à Spoy le 10 août 1816. Mon père, ouvrier verrier, très laborieux, gagnant peu, mais supportant la pauvreté avec bonne humeur, était aimé de tous. » Orphelin suite au choléra de 1831 et apprenti-libraire, le jeune homme s’ennuie à Dijon. Souhaitant faire fortune, il s’embarque en 1835 pour la Nouvelle-Orléans où, devenu colporteur, il a ces mots : « À dix-neuf ans on ne meurt pas de faim, même en Amérique. » Imitant les autochtones, il s’essaie aux chasses. Il manque d’abandonner, « pour suivre une jeune sauvage dont [il est] éperdument amoureux ». Revenu en 1844 se marier avec une Dijonnaise, il chasse en Côte-d’Or, puis en Algérie, où il découvre la chasse à la panthère et se fixe pour objectif de « défendre l’Algérie contre un ennemi cruel, insatiable ».
Bombonnel allie ton moraliste et condescendance : « J’ai entendu des Arabes, qui n’ont, à la vérité, aucune notion d’histoire naturelle, donner au chat-tigre le nom de petite panthère. » L’ouvrage est à la gloire du chasseur, protecteur des troupeaux. Le héros termine par la chasse au lion, puis au caïman, et rentre au pays au moment de la guerre de 1870.
Le livre se rattache à la tradition du récit d’aventures, à l’ombre de glorieux précurseurs du XVIIIe siècle. Bien des maisons forestières étant aujourd’hui à vendre, le cadre de cette « perle » très XIXe risque de disparaître des biens publics.
Bibliothèque des Archives départementales de la Haute-Marne, Hôtel du département, 1, rue du Commandant Hugueny, 52905 Chaumont cedex 9. Tél. : 03 25 03 33 54, site Internet : haute-marne.fr/archives départementales