Aliénor et les siens pour l’éternité

Vue du gisant d’Aliénor d’Aquitaine dans l’abbaye royale de Fontevraud.

Vue du gisant d’Aliénor d’Aquitaine dans l’abbaye royale de Fontevraud. © S. Gaudard

2024 marque le 900e anniversaire de la naissance d’Aliénor d’Aquitaine (1124-1204). L’occasion pour l’abbaye royale de Fontevraud de rendre hommage à celle qui fut l’une des plus fastueuses mécènes du lieu. C’est là aussi que la double reine choisit d’implanter la nécropole dynastique des Plantagenêts, restituée le temps d’une exposition temporaire dans la chapelle de tuffeau blanc immaculée.

Comme le souligne Nicolas Dupont, conservateur à Fontevraud et commissaire de l’exposition : « Les nécropoles sont avant tout des gestes politiques. En établissant un cimetière des rois à Fontevraud, Aliénor installe la dynastie des Plantagenêts et fait concurrence à la couronne royale de Saint-Denis. » Fondée au début du XIIe siècle par Robert d’Arbrissel (et, bien que mixte, uniquement régie par des femmes), l’abbaye est implantée au cœur des possessions continentales des Plantagenêts et s’inscrit dans une longue tradition familiale de la reine de France (par son mariage avec Louis VII), devenue ensuite souveraine d’Angleterre (par son union à Henri II Plantagenêt). C’est donc là que cette femme de lettres et de pouvoir souhaite installer une fastueuse chapelle royale. La suite de l’histoire le sera cependant moins : seuls six gisants sont regroupés à Fontevraud : le sien et ceux de son époux, de son fils chéri Richard Cœur de Lion, de Raymond VII, d’Isabelle d’Angoulême (sa belle-fille) et de Jeanne d’Angleterre (sa fille).

Grâces lui sont rendues

Ces œuvres ont eu, comme le souligne l’exposition, une destinée assez mouvementée. La localisation de la première nécropole médiévale restant toujours imprécise, la présentation actuelle propose de retrouver l’état du XVIIe siècle imaginé par l’abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon (la fille naturelle d’Henri IV). Il aura fallu toute la patience, l’ingéniosité et le savoir de Florian Stalder, aujourd’hui conservateur des musées de Maine-et-Loire, pour rassembler les éléments de cette chapelle funéraire baroque détruite et éparpillée à la Révolution française, avec des retables dans l’église paroissiale Saint-Michel de Fontevraud et les panneaux en bois sculpté dans l’église Saint-Aubin de Turquant… Connu par de rares gravures, ce cimetière des rois s’élevait dans l’angle nord-est de l’église abbatiale : ce tombeau monumental supportait alors quatre gisants (raccourcis pour l’occasion…) et deux autres transformés en priants (à genoux). Véritable défi technique et esthétique, cette reconstitution à l’échelle 1 permet aussi de se figurer une partie du mobilier qui décorait la grande nef de l’église, loin de la pureté formelle actuelle : parquet, boiserie, ferronnerie, marbres, calcaire apportaient couleurs, senteurs et luminosité fort différentes.

Vue intérieure de l'abbaye.

Vue intérieure de l'abbaye. DR

Une touche contemporaine

Enfin des illustrations de Juliette Barbanègre, réalisées en pyrogravure, retracent l’histoire des lieux dans la niche d’un des mausolées reconstitués. Cette touche contemporaine est une des marques de fabrique de Fontevraud, et ce depuis sa fondation médiévale… Une démarche que l’on appréciera au fil de la visite des différents espaces du site. Arbre cachant une forêt, l’exposition sert de porte d’entrée pour découvrir cette abbaye aimée des rois de France et son histoire, incluant, et ce n’est pas la moindre de ses péripéties, sa transformation en l’une des prisons les plus dures de France pendant près de 150 ans. Pendant cette sombre période les gisants n’ont d’ailleurs cessé d’être transbahutés d’un endroit à l’autre, mais sans que jamais Aliénor et les siens ne soient brisés.

« D’un monde à l’autre, la dernière demeure d’Aliénor », jusqu’au 3 mars 2025 à l’abbaye royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud-l’Abbaye. Tél. 02 41 51 73 52. www.fontevraud.fr