Le média en ligne des Éditions Faton

Au musée Jacquemart-André, le prodige Artemisia Gentileschi

Artemisia Gentileschi, Esther et Assuérus (détail), vers 1628. Huile sur toile, 208,3 x 273,7 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art.

Artemisia Gentileschi, Esther et Assuérus (détail), vers 1628. Huile sur toile, 208,3 x 273,7 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art. Photo courtesy of the Metropolitan Museum of Art, New York

Après les chefs-d’œuvre de la galerie Borghèse, le musée Jacquemart-André continue de mettre à l’honneur la peinture italienne. La réunion exceptionnelle d’une quarantaine de tableaux d’Artemisia Gentileschi permet de retracer sa prodigieuse carrière dans l’Europe du XVIIe siècle.

Elle fut l’une des rares femmes de son époque à connaître la célébrité grâce à son art. Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656) réussit à mener une brillante carrière qui la conduisit dans les plus prestigieuses cours européennes, de Florence et Naples jusqu’à Londres. Fille du peintre Orazio Gentileschi, elle se forma dans l’atelier familial à Rome avant de s’éloigner du modèle paternel en développant son propre style, inspiré par les œuvres de Caravage. Suzanne et les vieillards, premier tableau daté et signé par la jeune artiste alors âgée de 17 ans, rappelle la composition du David et ­Goliath de son père, bien que le traitement naturaliste du corps féminin témoigne de son évolution vers un art plus expressif et dynamique. Cette toile a été abondamment commentée en raison de ses résonances avec la vie d’Artemisia qui fut violée par le peintre Agostino Tassi et qui dut subir ensuite un interrogatoire par la torture lors du procès intenté à son agresseur.

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards, 1610. Huile sur toile, 170 x 119 cm. Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn.

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards, 1610. Huile sur toile, 170 x 119 cm. Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn. Photo service de presse. © akg-images / MPortfolio / Electa

Des héroïnes bibliques

L’interprétation biographique de son œuvre peut s’étendre aux représentations de Judith et Holopherne et de Yaël et Siséra montrant deux héroïnes bibliques qui retournent contre les hommes l’usage de la violence. Dans ces scènes où l’élégance des jeunes femmes contraste avec la brutalité du meurtre, ­Artemisia adopte les innovations stylistiques de Caravage, son traitement du clair-obscur, mais aussi son expressivité et son sens du pathos. Une copie du XVIIe siècle de Judith décapitant ­Holopherne prouve le succès immédiat du plus célèbre tableau ­d’Artemisia Gentileschi, conservé au musée de ­Capodimonte à Naples, qui fit l’objet de multiples reprises par différents peintres. La jeune artiste en réalisa elle-même plusieurs répliques, ­notamment pour Côme II de Médicis qui fut l’un de ses grands commanditaires. 

Artemisia Gentileschi, Madeleine pénitente, vers 1625. Huile sur toile, 122,5 x 97,5 cm. Séville, cathédrale de Séville.

Artemisia Gentileschi, Madeleine pénitente, vers 1625. Huile sur toile, 122,5 x 97,5 cm. Séville, cathédrale de Séville. Photo service de presse. Photo Catedral de Sevilla

Artemisia à Florence

L’exposition met en lumière l’importance de ses années passées à Florence. Artemisia y affina non seulement sa technique picturale, mais aussi sa culture intellectuelle, auprès des artistes et des érudits de la cour des Médicis. Prêtée pour la première fois hors d’Italie, une magnifique Allégorie de l’Inclination, commandée par Michelangelo Buonarroti, arrière-petit-neveu de Michel-Ange, pour orner la demeure familiale, témoigne de sa virtuosité dans la maîtrise de l’anatomie. Une belle sélection de portraits et d’autoportraits, comme la Dame tenant un éventail et le Chevalier de l’ordre de Saint-Étienne, illustre un autre pan, souvent méconnu, de sa production. Son talent de portraitiste fut pourtant amplement vanté par ses contemporains, à commencer par le peintre Simon Vouet qui lui rendit un bel hommage en la représentant sous la double apparence d’une femme élégante et d’une artiste au sommet de son art. 

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante, vers 1615. Huile sur toile, 114 x 93,5 cm. Florence, Gallerie degli Uffizi, galleria Palatina.

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante, vers 1615. Huile sur toile, 114 x 93,5 cm. Florence, Gallerie degli Uffizi, galleria Palatina. Photo service de presse. © Su concessionne del Ministera della Cultura

« Artemisia. Héroïne de l’art », jusqu’au 3 août 2025 au musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris. Tél. 01 45 62 11 59. www.musee-jacquemart-andre.com