De Barcelone à Paris : l’odyssée des artistes catalans
![Ramon Casas (1866-1932), Montmartre [projet d'affiche pour Cigarrillos París], 1901. Crayon, pastel et encre sur papier, 129,5 x 89 x 2,5 cm. Olot, musée de la Garrotxa.](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2025/03/preview__5472.jpg)
Ramon Casas (1866-1932), Montmartre [projet d'affiche pour Cigarrillos París], 1901. Crayon, pastel et encre sur papier, 129,5 x 89 x 2,5 cm. Olot, musée de la Garrotxa. Photo service de presse. © DR
Depuis son ouverture fin 2024, plus de 253 000 personnes ont déjà découvert au Museu Picasso de Barcelone la remarquable exposition multidisciplinaire « De Montmartre à Montparnasse. Artistes catalans à Paris (1889-1914) ». Elle sait parler à la fois aux habitants d’une région qui revendique sa culture et son identité propres, et à ses visiteurs.
L’exposition regroupe 256 œuvres de 84 artistes connus, ou moins connus – peintres, sculpteurs, illustrateurs, graveurs… – et de multiples documents (photographies, lettres, croquis…) qui en retracent le contexte.
Paris, capitale des arts
À la fin du XIXe siècle, les Expositions universelles de Paris marquent des étapes majeures dans l’expansion de la ville. Celle de 1889 attire à Paris nombre de jeunes artistes. Une remarquable exposition d’art se tient au Grand Palais ; le jeune (et encore inconnu) Picasso y présente une œuvre. La Première Guerre mondiale mettra brutalement fin à cette période très créative. Mais, pendant 25 ans, la Ville Lumière aura été l’épicentre du monde culturel – le lieu où une immense communauté d’artistes, musiciens, écrivains viennent chercher la modernité.
Retranscrire un monde en mutation
D’Espagne accourent des Basques, des Castillans, des Andalous et, à l’instar de Picasso, des Catalans. Le chemin de fer permet le voyage de Barcelone à Paris depuis 1878. Débarquant gare de Lyon ou gare d’Orsay, les artistes sont impressionnés par la grandeur et la complexité de la ville : des affiches publicitaires partout, des gens qui se pressent, des illuminations nocturnes… Ils vont retranscrire ce monde en profonde mutation, ce spectacle permanent, de jour comme de nuit. Ils prennent alors part aux courants esthétiques de l’époque, tout en construisant individuellement leur voie : le symbolisme de Rusiñol, le décorativisme de Gaspar Camps et de Josep Maria Sert, le décadentisme subtil d’Ismael Smith, Marià Anrieu et Laura Albéniz, les paysages urbains de Gaspar Miró, de Torné Esquius et de Jean Sala, ou les espagnolades de Canals, Sunyer, Cardona, Gosé, Roig, Sala et Castelucho. Ils sont accueillis à bras ouverts par la critique et les amateurs parisiens.
Ricard Canals (1876-1931), Flamenco, 1902-1904. Huile sur toile, 61,5 x 74,5 cm. Málaga, museo Carmen Thyssen Málaga. Photo service de presse. © DR
Géographie des arts : de Montmartre à Montparnasse
50 millions de visiteurs découvrent l’Exposition universelle de 1900, porte ouverte sur la modernité du nouveau siècle, dont le métro constitue le fleuron. Sa ligne Nord-Sud, reliant Montmartre à Montparnasse, est inaugurée en 1910. À la fin du XIXe siècle, Montmartre était l’épicentre de la bohème artistique ; Montparnasse s’impose au début du siècle suivant. On y retrouve les artistes catalans, même si certains choisissent d’autres quartiers de Paris. « Décoloré et sans substance », selon les termes de Josep Maria Junoy en 1914, Montmartre demeure un lieu de nostalgie.
Ramon Casas (1866-1932), Plein air, París, vers 1890-1891. Huile sur toile, 50,5 × 65,5 cm. Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya. Photo service de presse. © Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona (2024)
Cabarets, cirque, bals…
Outre leur réalité quotidienne et leur propre travail, les peintres mettent à l’honneur la ville du spectacle, avec ses lieux de récréation : cabarets, cirque, bals… Les Parisiennes sont actrices, danseuses de french-cancan, prostituées des maisons closes. Sportives, aussi, à l’image de la splendide Joueuse de tennis de Jean Sala !
Jean Sala (1869-1918), Portrait de femme, la joueuse de tennis. Huile sur toile, 101 x 71,5 cm. Collection particulière. Photo service de presse. © Jean-Paul Morin
Splendeur et misère
La bourgeoisie de Paris se donne aussi à voir, sur les boulevards, dans les jardins ou dans les ateliers d’artistes. La beauté des corps et des vêtements est soulignée par de grands chapeaux, des boas, des fourrures. La pauvreté de la population se lit également en symétrie ; elle est le lot de nombreux artistes qui mènent une vie de bohème. Ramon Casas, par exemple, fait le portrait d’Erik Satie, et illustre les chroniques que Rusiñol envoie à La Vanguardia sous le titre Desde el Molino (Depuis le moulin).
Joaquim Sunyer (1874-1956), Les miroirs, vers 1905-1907. Huile sur toile, 55 x 65,5 cm. Barcelone, Museu Nacional d'Art de Catalunya. Photo service de presse. © Musée National d’Art de Catalogne, Barcelone (2024). © Joaquim Sunyer, VEGAP, Barcelone, 2025
Le Paris de la Belle Époque
L’œuvre de ces artistes émigrés est un formidable témoignage sur le Paris de la Belle Époque, que cette exposition retrace d’une manière remarquable. Elle mérite le grand succès que lui a d’ores et déjà réservé un large public, attiré par l’inépuisable fascination que suscitent Paris et la Catalogne.
« De Montmartre à Montparnasse. Artistes catalans à Paris (1889-1914) », jusqu’au 30 mars 2025 au Museu Picasso, Carrer de Montcada, 15-23, 08003 Barcelona. Tél. +34 932 56 30 00. https://museupicassobcn.cat