Le pouvoir du luxe au British Museum
Traduisible par « Luxe et Pouvoir, de la Perse à la Grèce », le titre de cette exposition du British Museum à Londres ouvre une perspective réjouissante sur le luxe antique et sur la manière dont il s’est transmis entre deux puissances antiques, les indétrônables Perses et les iconiques Grecs. Le parcours explore ainsi une histoire complexe du luxe comme outil politique autour du Bassin méditerranéen du VIe au Ier siècle avant notre ère. Il montre comment les Achéménides ont utilisé des objets précieux comme marqueurs d’autorité, définissant un style qui a essaimé dans tout l’empire, comment ce luxe oriental a été reçu dans l’Athènes démocratique et adapté pour être socialement et politiquement acceptable, et, enfin, comment Alexandre le Grand a inauguré une nouvelle ère hellénistique dans laquelle fastes orientaux et occidentaux ont fusionné. Convoité ou décrié, ce luxe antique a façonné le paysage politique d’alors et continue indéniablement de résonner encore aujourd’hui.
Rhyton en argent doré au protomé de griffon ailé
Cette œuvre est l’une des plus célèbres de l’argenterie achéménide. Elle est constituée de deux parties : la corne, ornée dans sa partie supérieure de palmettes et de boutons de lotus, réalisée par martelage et dotée de cannelures horizontales typiquement achéménides, et le protomé (un très beau griffon ailé cornu, en partie doré et portant un collier, serti à l’origine d’une pierre précieuse en pendentif, et une crête, tous deux disparus) fabriqué grâce à la technique de la fonte à la cire perdue. D’une capacité d’un litre et demi, ce rhyton (ou vase en forme de corne) servait à verser le vin, en livrant une quantité contrôlée de liquide dans le bol du banquet. Selon Hérodote, « les Perses aiment beaucoup le vin » et d’autres sources indiquent que de nombreuses variétés de vin étaient bues dans tout l’empire perse.
Bracelet en or
Ce bracelet appartient au trésor dit de l’Oxus, un ensemble de 170 objets en or ou en argent découvert à la fin du XIXe siècle en Afghanistan ; ce trésor est le plus important d’époque achéménide conservé. Le jonc du bracelet est orné de deux griffons bondissants. Si leur arrière-train et leurs pattes sont en bas-relief, leur buste, ailes et cornes sont en haut-relief. Toutes les parties des corps sont finement ciselées, imitant par endroits les plumes ; elles étaient sans doute à l’origine incrustées de verre, d’émail ou de pierre colorés, une technique dans laquelle les joaillers perses excellaient. L’autre bracelet complétant cette paire est également conservé à Londres, au Victoria and Albert Museum.
Hydrie à figures rouges sur fond noir
Cette jarre à eau montre une femme assise au centre de la composition. Elle est parée d’un collier et d’un bracelet ; elle porte un chiton ceinturé et à manches longues, un himation (sur les jambes) et un voile ; elle tient une pyxide ouverte. Devant elle, un jeune homme nu est appuyé sur une stèle autour de laquelle sa chlamyde est enroulée ; il lui tend un oiseau, servant aux enchantements. Derrière, une jeune femme porte un parasol au manche torsadé. Si les parasols sont associés aux rois dans l’iconographie perse, ils sont adoptés, dans le monde grec, comme des éléments de luxe exclusivement féminins et liés aux loisirs. Cette céramique est typique des productions du sud de la péninsule italienne (régions de Lucanie et d’Apulie) au IVe siècle avant notre ère.
Rhyton à figures rouges sur fond noir en forme de tête de lion
Il pourrait s’agir de la déesse Éos (représentée sans ailes) poursuivant Céphale, rare scène de désir féminin dans la mythologie. Découvert en Italie mais fabriqué en Grèce (Attique), ce rhyton souligne la manière dont les Grecs anciens se sont appropriés la vaisselle à boire de luxe des Perses. Il a été réalisé en argile (et non en or ou en argent), dont la couleur rouge orangé est celle naturelle de ce matériau, rehaussée de traits et d’aplats noirs, rouges et blancs. Il n’a pas de bec verseur, essentiel chez son homologue perse. À la place, une poignée permet d’incliner l’objet, dévoilant un lion féroce, gueule ouverte et langue tirée.
Couronne de feuilles de chêne doré
Délicatement réalisée dans des feuilles d’or, cette couronne de feuilles abrite également quinze glands, deux cigales et une abeille en or – cette dernière servant de capuchon au système de fermeture avant des deux tiges. Les feuilles sont de trois tailles différentes. Des couronnes similaires étaient utilisées lors de rites funéraires, dans des dédicaces de temples et comme prix lors de compétitions sportives. Des exemples spectaculaires ont été trouvés à Pergame ou encore à Verghina dans le nord de la Grèce dans la tombe royale du père d’Alexandre le Grand, Philippe II de Macédoine.
Plat en millefiori
Ce plat étonnant a été réalisé selon la technique dite du millefiori (mille fleurs) ou mosaïque de verre. Sa fabrication, lente et précise, consiste à tronçonner des baguettes de verre coloré en rondelles de couleurs et de formes différentes. Ces dernières sont ensuite disposées côte à côte, ébauchant la forme finale. L’ensemble est ensuite chauffé à haute température afin d’agglomérer par fusion les différentes pièces entre elles. Après refroidissement, la surface obtenue est posée sur une forme reproduisant l’aspect de l’objet final, puis à nouveau chauffée. Enfin, le résultat est poli. Cette technique atteint son apogée dans les derniers siècles avant notre ère. Fabriqué au Levant, à Chypre ou en Égypte, cet exemple extravagant, qui inclut des feuilles d’or, rivalisait avec la vaisselle de luxe en métal précieux.
Le trésor en or de Panagurichté
Cet ensemble extraordinaire souligne l’influence du luxe perse et grec dans l’antique Thrace, une région qui inclut des parties de la Bulgarie, de la Grèce et de la Turquie modernes. Découvert en 1949 à Panagurichté, ce trésor comprend neuf pièces de vaisselle en or richement décorées pour un poids total de plus de 6 kg. Parmi les sept rhyta, quatre sont ornés de têtes d’animaux – bélier, bouc et deux daims – et trois de têtes d’Amazone. Tous ont des poignées en forme de centaure et sont décorés de scènes du panthéon thraco-hellénistique. L’ensemble compte aussi une phiale (coupe large et plate), sur laquelle vingt-quatre éléments en relief (têtes et décoration florale) sont disposés en quatre cercles concentriques, et une grande amphore, dont les poignées sont constituées de deux centaures qui s’affrontent et la panse ornée de scènes mythologiques grecques, finement travaillées.
« Luxury and Power, Persia to Greece », du 4 mai au 13 août 2023 au British Museum, Great Russell Street, London WC1B 3DG. Tél. : +44 (0)20 7323 8000 et www.britishmuseum.org