Les Chasses royales immortalisées par Oudry exposées à Fontainebleau

Jean-Baptiste Oudry, La meute de chiens courant allant au rendez-vous au carrefour de l’Embrassade (détail), 1743. Huile sur toile, 357 x 272 cm. Fontainebleau, musée national du château.

Jean-Baptiste Oudry, La meute de chiens courant allant au rendez-vous au carrefour de l’Embrassade (détail), 1743. Huile sur toile, 357 x 272 cm. Fontainebleau, musée national du château. © Grand Palais-Rmn (château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat

Si Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) ne travailla pas directement pour le château de Fontainebleau, la demeure royale conserve néanmoins son chef-d’œuvre, huit des neuf cartons préparatoires aux tapisseries des Chasses royales, une épopée cynégétique sur toile à la gloire du roi Louis XV, veneur passionné et premier cartographe des forêts du royaume.

Depuis 2020, quatre premiers tableaux du cycle ont pu être restaurés, dans un atelier installé au sein même du château. Pour la première fois, l’exposition bellifontaine permet de les admirer aux côtés des dessins, des esquisses et des tapisseries des Gobelins mais aussi de quelques chefs-d’œuvre témoignant de la postérité de la série dans les arts décoratifs.

Jean-Baptiste Oudry, peintre de chiens, peintre de chasses

Né à Paris en 1686, Jean-Baptiste Oudry, avant de devenir le peintre animalier que l’on connaît, s’est d’abord illustré dans l’art du portrait et celui de la nature morte. Sa première scène cynégétique, déjà un cerf mis à mort par les chiens (Stockholm, Nationalmuseum), date de 1723. Un pas crucial est franchi en 1724 lorsqu’il peint trois chasses pour la salle des Gardes du château de Chantilly, propriété du prince de Condé, ministre et ami du jeune Louis XV. L’artiste rejoint alors le cercle très restreint des peintres de cour(re), grâce à l’entremise du marquis de Beringhen, premier écuyer du roi. De 1725 à 1732, à la demande du souverain, il exécute onze portraits de ses animaux favoris, des chiens surtout. Il fixe ainsi le profil altier de Polydore, foxhound de la meute royale, comme ceux des élégantes levrettes de la chambre, Misse, Turlu, Mignonne ou Sylvie. Louis XV le convie en 1728 à suivre ses chasses, afin qu’il en tire des compositions pour ses tableaux.

Jean-Baptiste Oudry, Chasse au cerf (détail), 1723. Huile sur toile, 303 x 435 cm. Stockholm, Nationalmuseum.

Jean-Baptiste Oudry, Chasse au cerf (détail), 1723. Huile sur toile, 303 x 435 cm. Stockholm, Nationalmuseum. Photo © Nationalmuseum, Stockholm

Le premier chef-d’œuvre

De ces laisser-courre royaux, Oudry réalise un premier chef-d’œuvre, Louis XV chassant le cerf dans la forêt de Saint-Germain, peint en 1730 pour l’antichambre du château de Marly (Toulouse, musée des Augustins). Le tableau, d’un format monumental et dont Meissonnier avait dessiné le cadre spectaculaire, montre déjà les principes essentiels de la peinture cynégétique d’Oudry : le paysage à la fois précisément topographique et panoramique qui s’étend à l’arrière-plan, la multitude de chiens qui animent et éclairent le tableau de leurs pelages et un savoureux et pittoresque sens du détail.

Jean-Baptiste Oudry, Louis XV chassant le cerf dans la forêt de Saint-Germain, 1730. Huile sur toile, 210 x 388 cm. Toulouse, musée des Augustins.

Jean-Baptiste Oudry, Louis XV chassant le cerf dans la forêt de Saint-Germain, 1730. Huile sur toile, 210 x 388 cm. Toulouse, musée des Augustins. © Grand Palais-Rmn / Daniel Arnaudet / Gérard Blot

Les Chasses royales

Les trois premiers cartons des Chasses royales sont commandés en 1733. Le Rendez-vous au carrefour du Puits-du-Roi, La Mort du cerf aux Étangs de Saint-Jean-aux Bois et la Chasse du cerf en vue de Royallieu installent les équipages du roi en forêt de Compiègne, dans des compositions au format monumental (la dernière dépassant en largeur les neuf mètres). Un quatrième sujet, le Cerf qui tient aux chiens est très rapidement mis sur le métier. Oudry y peint son autoportrait dans l’angle et installe chasseurs et chiens dans les pittoresques rochers de Franchard, l’un des sites les plus célèbres de la forêt de Fontainebleau. Après ces quatre grands formats, l’artiste peint trois nouvelles compositions, de format plus resserré et consacrées plus spécifiquement aux différents chiens du laisser-courre, depuis le limier, mené par le roi au petit matin sur les traces de la proie, jusqu’aux deux meutes, vieille et jeune, qui se relaient dans la forêt. Les deux derniers cartons, La Curée et Le Forhu sont terminés et payés en 1746, treize ans après les premiers dessins.

Jean-Baptiste Oudry, Le Rendez-vous au carrefour du Puits-du-Roi, 1735. Huile sur toile, 357 x 650 cm. Fontainebleau, musée national du château.

Jean-Baptiste Oudry, Le Rendez-vous au carrefour du Puits-du-Roi, 1735. Huile sur toile, 357 x 650 cm. Fontainebleau, musée national du château. © Grand Palais-Rmn (château de Fontainebleau) / Thierry Ollivier

La méthode Oudry

De ses expéditions cynégétiques, Oudry tire d’abord des études sur le vif, valets de limier, chevaux, voitures et surtout chiens, dont il capture les attitudes et l’énergie. Il travaille presque exclusivement sur papier bleu. Les compositions sont mises en place à la pierre noire et il les retravaille tantôt au pinceau avec l’encre et la gouache, tantôt au pastel. Oudry dessine comme il peint et la couleur est omniprésente dans le projet, dès les étapes initiales. Ces premières études lui permettent de développer de grands dessins de présentation. Six d’entre eux sont connus et ils sont présentés ensemble pour la première fois à Fontainebleau. Si l’essentiel de l’action est fixé sur ces feuilles, Oudry, chemin faisant, modifie, repense et transforme constamment les compositions. Ici, le paysage s’étend, là, une haie de chiens quitte le bord du dessin pour être replacée au centre du tableau. L’artiste prend ensuite ses pinceaux pour exécuter des esquisses à l’huile, petites toiles (un dixième des tableaux définitifs) à la touche très enlevée et encadrées en trompe-l’œil de fines bordures dorées. Cette dernière étape permet d’établir les équilibres colorés des scènes.

Jean-Baptiste Oudry, Le Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard, 1733. Plume et encre brune, lavis de gris, rehauts de gouache sur papier bleu, 32,5 x 55,5 cm. Fontainebleau, musée national du château.

Jean-Baptiste Oudry, Le Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard, 1733. Plume et encre brune, lavis de gris, rehauts de gouache sur papier bleu, 32,5 x 55,5 cm. Fontainebleau, musée national du château. © GrandPalaisRmn (château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat

Le répertoire de motifs de l’artiste

Les neuf cartons des Chasses royales constituent l’aboutissement d’un processus créatif extraordinairement réfléchi. Oudry s’appuie sur un formidable répertoire de motifs constamment enrichi depuis les années 1720, qu’il s’agisse d’un chien, d’un cerf ou d’une chaumière posée au bord d’une rivière. L’artiste s’y distingue aussi comme un prodigieux peintre de paysage et sans doute l’un des premiers pleinairistes du XVIIIe siècle. Il ne fixe pas seulement la traque du cerf par les équipages mais aussi les barges sur l’Oise, les spectateurs, les bergers, les baigneurs. C’est toute une société de cour et de courre mais aussi de campagne qui prend vie sous son pinceau. La technique est habile et maîtrisée. Seul le premier carton montre d’importants repentirs et trahit les dernières hésitations du peintre. Sa science de la couleur, qu’il décompose dans ses conférences en « couleur locale » et « clair-obscur », est particulièrement achevée. En témoignent les infinies nuances de blancs des pelages des chiens et quelques morceaux de bravoure dans les manches des costumes et les massifs de bruyère rose.

Jean-Baptiste Oudry, Deux Têtes de lévriers tournées vers la gauche, 1728-1735. Pierre noire, rehauts de craie blanche et de pastel sur papier bleu, 32,2 x 44,6 cm. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques.

Jean-Baptiste Oudry, Deux Têtes de lévriers tournées vers la gauche, 1728-1735. Pierre noire, rehauts de craie blanche et de pastel sur papier bleu, 32,2 x 44,6 cm. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques. © Grand Palais-Rmn (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

Du pinceau au métier à tisser

Les neuf cartons des Chasses royales sont mis sur le métier dès 1736, dans deux des ateliers de haute lisse de la manufacture des Gobelins, dont Oudry est d’ailleurs nommé inspecteur en trompe-l’œil la même année. Avec cette commande, Louis XV porte à son apogée à la fois le décor cynégétique et la tapisserie, art somptuaire et reflet du mécénat royal par excellence. Elle est en effet projetée pour le décor de ses nouveaux appartements au château de Compiègne. L’ampleur du projet, qui occupe le peintre pendant dix-sept ans, place Oudry dans la lignée de Charles Le Brun, comme peintre d’histoire mais aussi comme créateur de tapisseries. La tenture des Chasses, initialement désignée comme La Nouvelle Histoire du roi – en référence à l’Histoire du roi, créée pour Louis XIV –, devait être associée à celle de l’Ambassade turque, tissée dans les années 1730 par la manufacture, d’après des cartons de Charles Parrocel. Les pièces des Chasses adoptent donc la même bordure, dessinée par Pierre-Josse Perrot, mais illustrent la passion dévorante de Louis XV pour la vénerie. Oudry veille à la traduction de ses modèles peints en fils de laine et de soie. Afin d’accélérer le travail, deux ateliers se répartissent les sujets. Lorsqu’un second tissage de la tenture est mis sur le métier en 1742, les deux ateliers échangent les compositions. Ainsi chacun des deux ateliers tisse un exemplaire complet de la tenture et la dernière pièce est livrée en 1750. 

Manufacture royale de tapisserie des Gobelins, atelier de ­Mathieu Monmerqué, d’après Jean-Baptiste Oudry, Tenture des Chasses de Louis XV, « Louis XV menant le limier, allant aux bois, au carrefour du Puits Solitaire, forêt de Compiègne », 1740-1742. Laine et soie, tapisserie de haute lisse, 432 x 331 cm. Compiègne, musée national du château.

Manufacture royale de tapisserie des Gobelins, atelier de ­Mathieu Monmerqué, d’après Jean-Baptiste Oudry, Tenture des Chasses de Louis XV, « Louis XV menant le limier, allant aux bois, au carrefour du Puits Solitaire, forêt de Compiègne », 1740-1742. Laine et soie, tapisserie de haute lisse, 432 x 331 cm. Compiègne, musée national du château. © Grand Palais-Rmn (Domaine de ­Compiègne) / Franck Raux / Thierry Le Mage

Des ateliers aux manières dissemblables

Comparativement aux projets précédents, l’art de la couleur est porté, pour les Chasses royales, à un degré de subtilité inégalé en tapisserie. L’échantillonnage des laines et des soies est riche de 365 tons différents, alors que la tenture de L’Histoire du Roi dirigée par Le Brun n’en présentait que 80. Si les deux tissages sont de qualité équivalente, la confrontation de pièces des deux tentures dans l’exposition permet de juger des dissemblances dans la manière des ateliers. Le modelé des pièces tissées dans l’atelier de Monmerqué apparaît souvent plus dur que celui de l’atelier d’Audran. Chez ce dernier, pelages et costumes connaissent des transitions colorées plus subtiles. Monmerqué traduit la couleur à la manière d’aplats tandis qu’Audran use de demi-tons, en associant parfois deux teintes dans les fils de soie. L’effet est particulièrement sensible lorsque l’on compare le visage du roi sur les deux pièces de la cinquième composition de la série, Louis XV menant le limier.

Ces différences sont vite remarquées et nuisent à l’harmonie de la tenture. Il est donc décidé de réunir, pour orner Compiègne, toutes les pièces tissées dans l’atelier de Monmerqué, tandis que celles d’Audran sont assemblées pour composer la seconde tenture, destinée à l’infant Philippe de Parme et à son épouse, Madame Première, fille aînée de Louis XV, pour le décor de leur résidence de Parme.

Manufacture royale de tapisserie des Gobelins, atelier de Michel Audran, d’après Jean-Baptiste Oudry, Tenture des Chasses de Louis XV, « Louis XV menant le limier, allant aux bois, au carrefour du Puits Solitaire, forêt de Compiègne », 1740-1742. Laine et soie, tapisserie de haute lisse, 430 x 321 cm. Florence, galerie des Offices, palais Pitti.

Manufacture royale de tapisserie des Gobelins, atelier de Michel Audran, d’après Jean-Baptiste Oudry, Tenture des Chasses de Louis XV, « Louis XV menant le limier, allant aux bois, au carrefour du Puits Solitaire, forêt de Compiègne », 1740-1742. Laine et soie, tapisserie de haute lisse, 430 x 321 cm. Florence, galerie des Offices, palais Pitti. © Photo Scala, Florence, Dist. Grand Palais-Rmn / image Scala

Une ambitieuse restauration

Transférés des Gobelins à Fontainebleau sous Charles X puis encastrés dans les lambris du château sous Louis-Philippe, les tableaux d’Oudry décorent un appartement de prince, rénové pour Louis de France, duc d’Angoulême, et occupé ensuite par les princes d’Orléans, les ducs d’Aumale et de Montpensier, avant d’échoir au petit prince impérial. Agrandis, déplacés, rentoilés ou transposés, les tableaux ont été plusieurs fois restaurés, pour maquiller des lacunes ou des accidents, générant une opacité et une hétérogénéité générale des compositions. Enfin, plusieurs couches de vernis, jaunis par l’oxydation, avaient considérablement assombri la peinture pourtant très lumineuse de l’artiste. Après une phase d’étude préalable, c’est dans l’appartement même où ils sont exposés que fut installé l’atelier de restauration des quatre cartons. Dans la chambre, les restaurateurs du support ont travaillé sur le revers des toiles pour traiter déchirures et déformations, remettre les peintures dans le plan et assurer la bonne adhérence des couches de peinture. Dans le salon, d’autres se sont attelés au nettoyage, au retrait des repeints discordants et à la retouche. Cet ambitieux travail a été confié à un groupement de treize restaurateurs, menés avec brio par Sophie Deyrolle. Ensemble, ils ont permis la renaissance de près de soixante-dix mètres carrés de peinture, 198 chiens et autant de cavaliers. Symbole de la satisfaction suscitée par ce chantier, le visage de l’artiste, en bas à droite du carton bellifontain, était intact sous les repeints successifs. Il a repris toute sa force d’expression et Oudry détourne un instant son regard de la feuille de papier – évidemment bleu – sur laquelle il dessine, pour s’en féliciter, en fixant le spectateur.

Jean-Baptiste Oudry, Le Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard, détail de l’angle inférieur droit avec l’artiste dessinant, en cours de restauration.

Jean-Baptiste Oudry, Le Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard, détail de l’angle inférieur droit avec l’artiste dessinant, en cours de restauration. Photo service de presse © DR

Oudrymania

Les compositions des Chasses royales font l’objet de descriptions élogieuses dès leur présentation au salon. Le Mercure de France décrit ainsi en juin 1738 le carton du Cerf qui tient aux chiens dans les rochers de Franchard comme un « spectacle magnifique ». Au Salon de peinture et de sculpture, devenu un rendez-vous annuel au palais du Louvre à partir de 1737, Oudry rencontre un grand succès, ses œuvres séduisent, sont admirées pour leur fidélité à la nature et l’artiste est même désigné comme un « magicien de la peinture ». Sa délicatesse à mettre en scène chiens, chevaux et gibier irrigue très vite d’autres domaines que la peinture. Les inventions d’Oudry trouvent un écho, direct ou indirect, dans divers domaines des arts décoratifs, tels que l’orfèvrerie, la porcelaine, la tapisserie ou l’édition, comme en témoignent les illustrations des Fables de La Fontaine.

Le grand surtout du Louvre

L’objet le plus emblématique de la mode d’Oudry est incontestablement le grand surtout de table en argent exécuté par l’orfèvre Jacques Roëttiers pour le prince de Condé en 1734-1735. Véritable monument d’argent, exceptionnellement prêté par le musée du Louvre, le surtout est comme un précieux miroir de la tenture dirigée par Oudry. L’arche rocailleuse où se déroule le combat évoque immanquablement les rochers de Franchard, parcourus par les chiens, sur le carton de Fontainebleau, peint par Oudry justement dans ces mêmes années. Le loup cruellement pris au piège sur la terrasse est préparé par un dessin de l’artiste, conservé dans les collections des ducs de Mecklembourg-Schwerin.

Jacques Roëttiers, Surtout de table du duc de Bourbon, Paris, 1734-1735. Argent fondu et ciselé, 59 x 98,3 x 61 cm. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art.

Jacques Roëttiers, Surtout de table du duc de Bourbon, Paris, 1734-1735. Argent fondu et ciselé, 59 x 98,3 x 61 cm. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art. © musée du Louvre, Dist. Grand Palais-Rmn / Philippe Fuzeau

Oudry sur porcelaine

La manufacture royale de porcelaine de Sèvres s’est également fait l’écho des talents du peintre. Le service dit « roze attributs de chasse » ou « roze paysage », livré en décembre 1759 et acquis un peu plus tard par Louis XV, présente sur un fond rose des cartouches ornés de précieuses scènes cynégétiques. Sur le bassin du plateau « Hébert », acquis par le château de Versailles en 2022, le cerf mis à mort par les chiens reprend celui de la deuxième composition des Chasses royales, La Mort du cerf aux étangs de Saint-Jean-aux-Bois. Cette « Oudrymania », entretenue par l’artiste lui-même – il livre des modèles pour la manufacture de Sèvres –, perdure jusqu’à la fin du règne de Louis XVI. Autant amateur de chasse que de porcelaine, le petit-fils de Louis XV complète le service « roze attributs de chasse ». Il est surtout à l’origine de la plus prodigieuse adaptation des Chasses royales : Louis XVI commande en 1779 à la manufacture, sur sa cassette personnelle et pour un montant colossal, neuf tableautins de porcelaine tendre, reproduisant les compositions d’Oudry, en prenant soin de faire remplacer le visage de son aïeul par le sien. Le travail est confié aux peintres les plus aguerris de la manufacture : Asselin, Pithou l’Aîné et Charles-Nicolas Dodin, qui livre dans la plaque La Curée du cerf en forêt de Saint-Germain-en-Laye une véritable prouesse dans le rendu de la palette du peintre, dont témoigne ici encore l’infinie variété dans les blancs et les taches des pelages des chiens.

Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, Charles-Nicolas Dodin, d’après Jean-Baptiste Oudry, La Curée du cerf en forêt de Saint-Germain-en-Laye, vers 1780-1781. Porcelaine tendre, 40,5 x 8,5 x 6,8 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, Charles-Nicolas Dodin, d’après Jean-Baptiste Oudry, La Curée du cerf en forêt de Saint-Germain-en-Laye, vers 1780-1781. Porcelaine tendre, 40,5 x 8,5 x 6,8 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © GrandPalaisRmn (château de Versailles) / Gérard Blot

Sur papier ou sur porcelaine, dans l’argent ou la laine et la soie, les Chasses royales ont profondément marqué les arts du XVIIIe siècle. Les quatre cartons d’Oudry restaurés offrent aux amateurs l’occasion d’admirer enfin la qualité de sa peinture et ouvrent la voie à de nouvelles études sur la technique de l’artiste et sur sa postérité, en attendant les enseignements de la restauration des quatre autres. Juste retour des choses, le château de Fontainebleau, privé sous l’Ancien Régime des talents du peintre, trop occupé sans doute à ce projet titanesque, peut aujourd’hui rendre dignement hommage au plus illustre des peintres de cour(re).

« Oudry, peintre de courre. Les Chasses royales de Louis XV » jusqu’au 27 janvier 2025 au château de Fontainebleau, place du général de Gaulle, 77300 Fontainebleau, Tél. 01 60 71 50 70. www.chateaudefontainebleau.fr

Catalogue, sous la direction d’Oriane Beaufils et de Vincent Cochet, Peintre de courre. Jean-Baptiste Oudry et les Chasses royales de Louis XV, Établissement public du château de Fontainebleau / RMN–Grand Palais, Fontainebleau / Paris, 2024, 224 p., 40 €.