L’or des Ming s’expose au musée Guimet

Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

À l’occasion de l’année franco-chinoise du tourisme culturel, le musée Guimet expose de somptueux objets d’or prêtés par le musée des Beaux-Arts de Qujiang. L’exposition dévoile les fastes de la cour des Ming, où la possession de pièces d’orfèvrerie et de bijoux en or répond à des codes stricts qui n’entravent toutefois en rien le talent des artisans qui les créent.

En pénétrant dans l’exposition, comment ne pas être immédiatement frappé par la délicatesse et la virtuosité des objets présentés ? Qu’il s’agisse des pièces de vaisselle ou des parures et bijoux, tous rivalisent de sophistication et de raffinement et témoignent du talent des artisans chinois de la dynastie Ming.

Le symbole d’un âge d’or

Les Ming, dont le nom signifie « brillant, éclatant », accèdent au pouvoir en 1368, mettant ainsi fin à près d’un siècle de domination mongole. Hongwu, le premier empereur de la nouvelle dynastie, s’empresse de restaurer les traditions chinoises (dans le domaine du vêtement notamment) et le confucianisme. Au XVsiècle, de grands travaux sont menés (construction de la Cité interdite et de nouvelles portions de la Grande Muraille), et la capitale est déplacée à Pékin en 1421. Entre 1405 et 1433, tandis que les Européens ouvrent eux aussi de nouvelles voies maritimes entre l’Asie, l’Europe et les Amériques, l’amiral Zheng He organise six expéditions qui le conduisent à Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka), à Java, en Inde, en Perse, sur les côtes de la péninsule arabique et d’Afrique de l’Est, régions d’où il rapporte de nombreuses richesses.

Coupe à libation jue à décor de dragons et son support en forme de montagne, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573-1620), 1601. Or serti de rubis et saphirs, H. 10,8 (coupe) ; diam. 16,7 cm (plateau) ; poids 342,4 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Coupe à libation jue à décor de dragons et son support en forme de montagne, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573-1620), 1601. Or serti de rubis et saphirs, H. 10,8 (coupe) ; diam. 16,7 cm (plateau) ; poids 342,4 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Cette période se caractérise par une indéniable prospérité économique, dont les objets en or sont le reflet tangible. Venu des mines du sud-ouest du pays, mais surtout importé d’Amérique, ce matériau inoxydable de la couleur du soleil séduit aussi bien la cour impériale et l’aristocratie qu’une nouvelle classe de marchands fortunés. Le travail de l’or, lequel est symbole de richesse et de statut social depuis l’Antiquité tout comme le jade, le bronze ou la soie, connaît alors un développement sans précédent. Les artisans chinois créent des objets merveilleux de finesse, qu’il s’agisse de pièces de vaisselle ou de parures.

De la dentelle d’or

La profusion ornementale de ces boîtes témoigne de la maîtrise technique de l’artisan. L’or est un matériau très ductile, qui peut être étiré pour former des fils tressés ou torsadés d’une grande finesse, lesquels sont ensuite disposés à la surface de l’objet sur plusieurs épaisseurs de manière à créer une dentelle d’or. Par endroits, le décor est également rehaussé de minuscules sphères d’or (on parle de « granulation »). Le daim qui surmonte ces boîtes est un animal à connotation positive ; il est l’expression d’un vœu de bon augure.

Boîte à décor de daim, dynastie Ming (1368‐1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de rubis et saphirs ; H. 13‐14 ; l. 9,5‐10,5 cm ; poids 270,6‐282 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Boîte à décor de daim, dynastie Ming (1368‐1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de rubis et saphirs ; H. 13‐14 ; l. 9,5‐10,5 cm ; poids 270,6‐282 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Boîte à décor de daim, dynastie Ming (1368‐1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de rubis et saphirs ; H. 13‐14 ; l. 9,5‐10,5 cm ; poids 270,6‐282 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Boîte à décor de daim, dynastie Ming (1368‐1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de rubis et saphirs ; H. 13‐14 ; l. 9,5‐10,5 cm ; poids 270,6‐282 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Une vaisselle somptueuse

L’usage de la vaisselle d’or est théoriquement réservé à l’empereur et à ses proches. Celle-ci servait lors de banquets, soit pour des libations soit pour présenter et consommer de l’alcool et des mets délicats. L’exposition présente ainsi un ensemble exceptionnel de pièces portant la marque du Bureau de l’orfèvrerie (Yinzuoju). La date de réalisation (1601) est précisée, de même que la teneur en métal de chaque objet. Parmi eux, on trouve une coupe à libation jue et deux aiguières, l’une ornée d’un médaillon de jade, l’autre d’un lion en ronde bosse jouant avec une balle. Des témoignages historiques, iconographiques ou littéraires témoignent toutefois de pratiques qui, au-delà du cercle impérial, touchent en réalité les élites de manière plus large.

L’art codifié du bijou

Les éléments de parure, bien qu’ils puissent avoir une fonction pratique, sont avant tout des objets d’apparat. Le nombre et la nature des bijoux que l’on peut porter sont en effet définis par des lois somptuaires strictes. De même, certains motifs comme le dragon ou le phénix sont en théorie réservés aux membres de la famille impériale. Pourtant, les infractions sont nombreuses car les élites veulent imiter les modes de la cour. La nécessité de réaffirmer à plusieurs reprises les lois restreignant l’usage de l’or tend à prouver la difficulté du pouvoir impérial à faire respecter ces normes.

Épingles à cheveux à décor de tête de dragon, dynastie Ming (1368‐1644). Filigrane d’or serti de perles, L. 14,1‐14,9 cm ; poids 17,6‐18 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Épingles à cheveux à décor de tête de dragon, dynastie Ming (1368‐1644). Filigrane d’or serti de perles, L. 14,1‐14,9 cm ; poids 17,6‐18 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Les parures sont associées à l’idéal de beauté féminin. L’or forme un contraste éclatant avec la chevelure de jais des femmes et rehausse la blancheur de leur peau. Les parures de tête sont particulièrement nombreuses. Les femmes mariées ont en effet interdiction de se couper les cheveux, qu’elles portent relevés en chignon. On voit donc se multiplier peignes et épingles, toujours conçus par paires (il en va de même pour les bracelets) et disposés de manière symétrique, ce que l’on peut observer dans les peintures contemporaines.

Le phénix, impérial

Associé à l’impératrice, le phénix est un oiseau divin, annonciateur de bon gouvernement et de prospérité. Souvent représenté comme issu du croisement d’un faisan et d’un paon, il est également synonyme de longévité. Les objets en or sont souvent rehaussés de pierres précieuses. Le rubis (ou spinelle) est particulièrement apprécié et souvent combiné comme ici à des saphirs (bleus, jaunes ou verts) ou encore à du jade ou des perles.

Épingle à cheveux à décor de phénix, dynastie Ming (1368‑1644).Filigrane d’or serti de rubis et saphirs, L. 14,8 ; l. 4,7 cm ; poids 36,1 g.

Épingle à cheveux à décor de phénix, dynastie Ming (1368‑1644).Filigrane d’or serti de rubis et saphirs, L. 14,8 ; l. 4,7 cm ; poids 36,1 g. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Le jeu des significations

Par ailleurs, le choix des motifs qui décorent les épingles à cheveux, les ornements de coiffure, les boucles d’oreilles, les bagues, les bracelets ou les pendants d’écharpe n’est jamais anodin. Tous sont signifiants et porteurs de messages positifs : chance, richesse, bonheur, santé, longévité… Le meilleur exemple est sans doute celui du sceptre ruyi dont le nom même signifie « selon vos désirs ». Son extrémité trilobée rappelle la forme du ganoderme luisant, un champignon aux vertus fortifiantes auquel est attachée l’idée d’une vie longue et en bonne santé. Ce procédé d’association est facilité par l’homophonie fréquente qui existe, en chinois, entre ces concepts et les noms d’animaux. La chauve-souris est ainsi synonyme de bonheur, le crabe d’harmonie et le papillon de longévité. Les oiseaux et les fleurs sont associés aux saisons, et ces dernières font également allusion à des vertus valorisées dans la pensée confucéenne. Ainsi, la fleur de prunus, qui est la première à éclore après l’hiver, est associée à la résilience, tandis que le chrysanthème évoque l’endurance en raison de sa floraison automnale.

Sceptre ruyi, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de jade, de rubis et de saphirs, L. 36,5 ; l. 4,2 cm ; poids 476,8 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Sceptre ruyi, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de jade, de rubis et de saphirs, L. 36,5 ; l. 4,2 cm ; poids 476,8 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

Rares et précieux

Si la nature est une source inépuisable pour les artisans chinois, l’exposition du musée Guimet réunit également des pièces illustrant l’emploi de motifs d’inspiration religieuse. Dans la pensée taoïste, la calebasse, par exemple, est symbole d’abondance et d’une descendance prospère en raison du grand nombre de graines qu’elle possède, mais aussi de longévité car elle est l’emblème de l’Immortel taoïste Li Tieguai. Sous les Ming, elle est très souvent employée dans la composition des boucles d’oreilles, comme en témoignent deux paires issues des collections du musée des Beaux-Arts de Qujiang, collection d’autant plus remarquable que ces objets en or, autrefois nombreux, ont été majoritairement fondus au fil du temps en raison de la valeur du métal. Leur rareté nous invite à apprécier d’autant plus la beauté des exemples qui nous sont parvenus.

Sceptre ruyi, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de jade, de rubis et de saphirs, L. 36,5 ; l. 4,2 cm ; poids 476,8 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang.

Sceptre ruyi, dynastie Ming (1368-1644), règne de Wanli (1573‐1620), 1601. Filigrane d’or serti de jade, de rubis et de saphirs, L. 36,5 ; l. 4,2 cm ; poids 476,8 g. Xi’an, musée des Beaux-Arts de Qujiang. Photo service de presse. © Peter Viem Kwok’s Dong Bo Zhai Collection (Collected in Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts)

« L’Or des Ming. Fastes et beautés de la Chine impériale (XIVe – XVIIe siècle) », du 18 septembre 2024 au 13 janvier 2025 au musée Guimet, 6 place d’Iéna, 75016 Paris. Tél. 01 56 52 54 33. www.guimet.fr

Catalogue de l’exposition, coédition musée Guimet, Paris / In Fine éditions d’art, 216 p., 35 €.