Louise d’Orléans : la première reine des Belges revit au château de Chantilly
Princesse française devenue reine des Belges, la figure de Louise d’Orléans (1812-1850) s’efface généralement derrière celle de son père, le roi Louis-Philippe, de sa sœur, la sculptrice Marie d’Orléans, ou encore de son frère, le duc d’Aumale, héritier du château de Chantilly. Un exceptionnel partenariat franco-belge remet cette icône romantique au centre du jeu en présentant de nombreuses œuvres inédites provenant de sa collection personnelle ainsi que d’émouvants souvenirs et des représentations officielles ou intimes exécutées par les plus grands artistes de son temps.
Deuxième enfant de Louis-Philippe, alors duc d’Orléans, et de Marie-Amélie de Bourbon-Sicile, Louise voit le jour le 3 avril 1812 à Palerme, où la famille exilée a trouvé refuge. De retour à Paris en 1814, à la faveur de la première Restauration, la jeune fille reçoit, comme ses trois sœurs et cinq frères, une instruction aussi dense que complète, combinant les matières traditionnelles, les langues étrangères, l’éducation physique et les activités manuelles. Jules Michelet lui enseigne l’histoire, Ary Scheffer et Pierre-Joseph Redouté le dessin et la peinture.
Un nouveau royaume
En provoquant la sécession des provinces méridionales du royaume des Pays-Bas, la révolution belge de 1830 porte Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha sur le trône du tout nouveau royaume de Belgique. De l’autre côté de la frontière, la révolution de Juillet permet à Louis-Philippe d’Orléans de devenir roi des Français. Pour sceller leurs intérêts communs – leur intégration dynastique au sein de l’Europe et la promotion de la royauté libérale –, un mariage est envisagé, celui de Léopold, veuf d’une première épouse morte en couches en 1817, et de Louise. La cérémonie a lieu le 9 août 1832 au palais de Compiègne, à l’écart du Paris révolutionnaire… et du choléra.
La princesse française et le plat pays
Quitter sa famille pour le plat pays est un déchirement. Sa sœur Marie, dont elle est particulièrement proche – elles n’ont qu’un an d’écart – peint à l’aquarelle un tendre portrait en pied de Louise vue de dos, panier à la main, en partance pour sa nouvelle vie de reine. Elle le donnera à leur père, lui aussi très affecté par la séparation. Pour compenser l’absence de ses proches, la jeune mariée de 20 ans entretient dès les premiers jours une abondante correspondance : on comptabilise 30 000 lettres de sa main !
Une cour à créer
Elle apprend à connaître et à apprécier son peuple d’adoption, dont elle souligne la « bonhommie », et participe activement à la création d’une vie de cour nécessaire pour asseoir le fragile statut de la nouvelle monarchie belge. Elle meuble ainsi les salons d’apparat du palais royal de Bruxelles avec un bel ensemble de fauteuils, chaises, paravent et écran de cheminée, principalement dû à François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter, envoyé par ses parents.
Le « goût Orléans »
La première reine des Belges collectionne les dessins des artistes de son temps qu’elle garde dans des portefeuilles et des albums, pratique courante chez les Orléans. Conservés dans les archives du Palais royal de Bruxelles et dans les collections du musée BELvue, ils sont exposés ici pour la première fois. On y croise Théodore Gudin, Jean-Antoine-Siméon Fort, Jean-Marie Oscar Gué, Léon Cogniet ou encore François-Marius Granet. Comme son frère le duc d’Aumale, Louise apprécie les peintres orientalistes, notamment Adrien Dauzats et Alexandre-Gabriel Decamps.
À la recherche du portrait idéal
Sa préférence va cependant à l’art du portrait, dont elle est une des principales actrices du renouvellement. Désireuse de diffuser l’image d’une dynastie naissante, Louise n’a de cesse de trouver le portraitiste parfait. Les propositions d’Henri Decaisne, d’Ary Scheffer ou de Joseph-Désiré Court ne lui donnent pas satisfaction. Sa rencontre avec Franz Xaver Winterhalter change la donne : son coup de pinceau élégant et légèrement idéalisé, qui ne renonce pas pour autant aux codes traditionnels du portrait de cour, est aussitôt adopté par le couple royal qui lui commande ses effigies d’apparat, puis celles de ses enfants, Léopold, Philippe et Charlotte. Séduites, les cours européennes s’arrachent alors les services de l’artiste (une trentaine de tableaux pour Louis-Philippe et sa famille et une centaine pour la reine Victoria – nièce de Léopold – et la cour britannique) !
Une icône romantique
Véritable icône romantique – jusque dans ses bijoux de sentiment qui lui permettent de conserver perpétuellement auprès d’elle le souvenir de ses êtres chers –, la reine s’éteint le 11 octobre 1850 à Ostende à l’âge de 38 ans. Célébrée par des monuments, des sculptures et des tableaux, Louise « la bien-aimée » sombre cependant peu à peu dans l’oubli. Le duc d’Aumale, lui, n’a eu de cesse de cultiver sa mémoire et a fait de Chantilly un lieu de souvenir de sa défunte sœur. Elle y attend votre visite jusqu’au 16 février.
« Louise d’Orléans, première reine des Bleges : un destin romantique », jusqu’au 16 février 2025 au musée Condé, Château de Chantilly, 60500 Chantilly. Tél. 03 44 27 31 80 et www.chateaudechantilly.fr
Catalogue, In Fine éditions d’art, 2024, 208 p., 35 €