Noirmoutier se dévoile en peintures à l’Historial de Vendée

Pierre Bertrand (1884-1975), Noirmoutier, plage des Dames, cabanes de plage, 1920. Huile sur toile. Collection particulière. © DR
L’Historial de Vendée nous entraîne dans une séduisante excursion à travers Noirmoutier, au fil de 130 peintures et dessins réalisés entre 1850 et 1950. Happés par la beauté des paysages et le pittoresque des villages, des centaines de peintres se sont succédé au milieu des chênes verts, des dunes et des marais salants. Ils nous invitent ici à marcher dans les pas des estivants et des habitants pour découvrir toutes les facettes de « l’île aux mimosas ». Une parenthèse enchantée entre terre et mer qui nous offre un avant-goût de vacances.
S’ils n’ont nullement formé une « école », plusieurs centaines d’artistes ont néanmoins fréquenté Noirmoutier. C’est cette page méconnue de l’histoire de l’art que retrace brillamment l’exposition, ponctuée de costumes d’époque, de photographies anciennes et de films dévoilant des paysages actuels.
Toutes tendances picturales confondues
Qu’ils soient originaires de l’île ou visiteurs d’un jour, connus à l’international ou plus confidentiels, tous sont ici réunis et également célébrés. Pour n’en citer que quelques-uns, évoquons Florimond Palavadeau, élève de Corot issu de la bourgeoisie locale, Auguste Renoir et Maurice Denis, le Suédois Gustaf Cederström, le Nantais Émile Dezaunay, l’architecte et aquarelliste de talent Léopold Ridel, ou encore Marie Laurencin et André Derain… Si l’on devine en filigrane les grandes tendances picturales, du naturalisme de l’école de Barbizon au retour à l’ordre d’après-guerre en passant par l’impressionnisme et l’Art nouveau, c’est aussi la prodigieuse mutation de l’île que retrace ce parcours, un territoire transformé par l’éclosion du tourisme et les aléas de l’Histoire.
Anonyme, Petite pêcheuse de crevettes avec son haveneau face à la tour Plantier, XXe siècle. Huile sur toile. Collection particulière. Photo service de presse
De l’île sauvage…
Au mitan du XIXe siècle, c’est en Robinsons des temps modernes que les premiers estivants débarquent sur l’île, attirés par le charme sauvage et l’authenticité des lieux. Mentionnée dans quelques guides de voyage, Noirmoutier va peu à peu s’adapter pour accueillir les touristes. Les peintres immortalisent ainsi l’estacade destinée à faciliter l’accès en bateau, les premières cabines de plage ou les aménagements apportés à l’insolite chaussée submersible du Gois, ponctuée de balises servant de refuge.
René Rousseau-Decelle (1881-1964), Le Passage du Gois, 1928. Huile sur toile. Collection particulière. Photo service de presse
… au tourisme de masse
Considéré comme l’un des plus beaux sites de l’île, le Bois de la Chaise se retrouve inlassablement sous le pinceau des artistes qui s’aventurent d’abord très rarement dans les terres. C’est ce site que choisit de représenter Léon Printemps lorsqu’il est chargé de concevoir une affiche pour les Chemins de fer de l’État. L’artiste est un habitué des lieux : il y séjourne chaque été entre 1920 et 1925. Son idyllique composition destinée à promouvoir Noirmoutier et à attirer toujours plus de touristes mêle le bleu des flots et les bateaux à voiles, les flamboyants mimosas et les chênes verts aux troncs noueux.
Léon Printemps (1871-1945), affiche des Chemins de fer de l’État, Excursions aux îles de l’océan, 1924. Les-Lucs-sur-Boulogne, Historial de Vendée. Photo service de presse. © Historial de Vendée
Sur le motif
Si nombre d’artistes viennent en voisin depuis Nantes ou Pornic, d’autres débarquent de Paris voire de contrées lointaines, à l’instar du Suédois Gustaf Cederström qui représente ici sa jeune épouse assise sur le sable, vêtue d’une élégante robe à crinoline. Grâce à la modernisation des transports et à la publication du Peuple de la mer de Marc Elder (Prix Goncourt 1913), les artistes s’éloignent des plages fréquentées et des sentiers battus pour s’intéresser au port de l’Herbaudière, au château à double donjon de Noirmoutier-en-l’Île, aux moulins de la Guénière ou aux marais salants de l’Épine.
Gustaf Cederström (1845-1933), La Femme de l’artiste sur la plage de Noirmoutier, 1882. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum. Photo service de presse. © Stockholm, Nationalmuseum
Noirmoutrins et Noirmoutrines
C’est bien souvent à l’écart des plages et des villas tant prisées des estivants que les habitants, le plus souvent des pêcheurs ou des cultivateurs vivant dans l’une des quatre communes de Noirmoutier, mènent une vie de labeur. Au tournant du XXe siècle, ils vont susciter l’attention d’artistes comme Émile Breteau, revenu sur son île à la fin de sa carrière, ou Victor Fulconis, sculpteur et peintre natif d’Algérie. Quelques-unes de leurs toiles immortalisent les modestes intérieurs des Noirmoutrins ou les femmes récoltant les pommes de terre, vêtues de costumes traditionnels et coiffées de leur quichenotte pour se protéger du soleil.
Victor Fulconis (1851-1913), La Récolte de pommes de terre, 1902. Huile sur toile. Collection particulière. Photo service de presse
Aller plus loin
En parcourant l’imposant catalogue rédigé par Vincent Cristofoli et Patrick de Villepin, spécialistes du sujet et administrateurs des Amis de l’île de Noirmoutier, on mesure l’ampleur des recherches sur lesquelles s’appuie l’exposition : aux 130 peintures, pastels, aquarelles et dessins réunis dans le parcours s’ajoutent les reproductions d’une centaine d’œuvres que l’on peut aussi admirer grâce à des vidéos et des agrandissements. C’est le cas de cette huile sur toile aux teintes acidulées dans laquelle Renoir immortalise le Bois de la Chaise, en 1892.
Auguste Renoir (1841-1919), Bois de la Chaise (Noirmoutier), 1882. Huile sur toile. Philadelphie, Barnes Foundation. Photo CC0
« Île sur toile. Un siècle de peinture à Noirmoutier (1850-1950) », jusqu’au 25 mai 2025 à l’Historial de Vendée, allée Paul Bazin, 85170 Les Lucs-sur-Boulogne. Tél. 02 28 85 77 77. https://nossites.vendee.fr/historial-de-vendee
Catalogue de l’exposition, éditions Invenit, 288 p., 34 €.