Paris sous la Terreur au musée Carnavalet
Situé à proximité des vestiges de la prison de la Force dont les détenus furent sauvagement massacrés en septembre 1792, le musée Carnavalet, après avoir mis en lumière la Régence l’an passé, consacre une grande exposition à la période de la Terreur dans la capitale. Il montre les bouleversements survenus dans la vie quotidienne des Parisiens comme dans l’espace urbain.
Dans l’ancien hôtel particulier de Louis Michel Le Peletier de Saint-Fargeau, assassiné le 20 janvier 1793 pour avoir voté la mort de Louis XVI, la violence omniprésente à Paris sous la Terreur se manifeste non seulement par une lame de guillotine, mais jusque sur les exemplaires déchiquetés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution de 1791, pilonnés le 5 mai 1793 place de la Bastille, et remplacés dès le mois suivant par la Constitution de l’an I. L’adoption du calendrier républicain, débutant au 22 septembre 1792 (lendemain de l’abolition de la royauté), devait également symboliser le début d’une ère nouvelle.
« Les soubresauts de l’actualité contraignent les peintres à retravailler leurs œuvres pour retirer des figures glorifiées puis exécrées du jour au lendemain. »
La vie des Parisiens durant l’an II
À travers 250 tableaux, affiches, sculptures, objets d’art et pièces de mobilier, l’exposition du musée Carnavalet retrace la vie quotidienne à Paris au cours de l’an II (22 septembre 1793-21 septembre 1794). Marquée par la guerre, cette période de crise se traduit dans la capitale par une terrible pénurie alimentaire. Les Parisiens doivent obtenir des cartes de rationnement pour acheter des vivres au prix fort. Ils ne peuvent se déplacer sans cocarde tricolore et sans « carte de sûreté », blanche pour ceux qui résident dans la capitale depuis un an, rouge pour les autres. Renforcées par la loi des suspects, les mesures de surveillance policière, destinées à distinguer les « bons citoyens » des « ennemis de la République », se multiplient et encouragent la délation.
Des documents historiques
D’innombrables documents officiels, affiches, listes et recensions annoncent arrestations et exécutions. La condamnation à mort de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793 est suivie de celle des députés girondins dès la fin du même mois, puis de Manon Roland le 8 novembre suivant, et de bien d’autres. À l’acte d’accusation rédigé par Fouquier-Tinville au Tribunal révolutionnaire lors du procès d’Olympe de Gouges semble répondre un feuillet littéralement maculé de sang, l’Appel à la section des Piques que Robespierre rédigea en vain à l’hôtel de ville dans la nuit du 9 au 10 thermidor avant d’être à son tour arrêté et guillotiné.
La République des artistes
Les soubresauts de l’actualité contraignent les peintres à retravailler leurs œuvres pour retirer des figures glorifiées puis exécrées du jour au lendemain. Nicolas-Henri Jeaurat de Bertry fait ainsi disparaître le portrait de Marat d’un tableau qu’il offre à la Convention le 8 juillet 1794. D’autres artistes multiplient les projets pour manifester l’avènement de la République dans l’espace urbain. Jean-Guillaume Moitte modèle un monument à Jean-Jacques Rousseau pour les Champs-Élysées, Jean-Baptiste Philibert Moitte conçoit un arc de triomphe, tandis que Charles De Wailly propose un nouvel aménagement de la place de la Fraternité (actuelle cour du Carrousel du Louvre) autour du télégraphe optique inventé par Chappe. Cette entreprise culmine le 8 juin 1794 avec la fête de l’Être suprême, dont les immenses décors de David devaient faire de Paris « la capitale de la Régénération ».
« Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire », jusqu’au 16 février 2025 au musée Carnavalet – Histoire de Paris, 23 rue de Sévigné, 75003 Paris. Tél. 01 44 59 58 58. www.carnavalet.paris.fr
Catalogue, éditions Paris Musées, 240 p., 39 €.