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Portraits canins de Gainsborough à Hockney : les chiens s’invitent à la Wallace Collection

David Hockney (né en 1937), Peinture de chien 30, 1995 (détail). Huile sur toile, 27 x 22 cm. Collection The David Hockney Foundation.

David Hockney (né en 1937), Peinture de chien 30, 1995 (détail). Huile sur toile, 27 x 22 cm. Collection The David Hockney Foundation. Photo service de presse. © David Hockney / photo Richard Schmidt / Collection The David Hockney Foundation

La Wallace Collection à Londres explore un genre rarement étudié, celui du portrait canin. À partir du XVIIsiècle, il est fréquent de se faire portraiturer avec son chien favori. Néanmoins, l’exposition s’intéresse uniquement aux portraits de chiens seuls, sans leurs maîtres. Les représentations canines sont nombreuses dans les collections aristocratiques et royales, depuis la reine Victoria – qui demanda au peintre Edwin Landseer de lui apprendre à dessiner ses chiens –, jusqu’à la reine Elizabeth II et ses fameux corgis.

Est-il possible de transcrire les mêmes émotions et traits de caractère dans le portrait d’un animal que dans celui d’un être humain ? De nombreux artistes s’y essayèrent, peignant aussi souvent leurs propres chiens. La sélection de cinquante-neuf œuvres explore ces thèmes dans la sculpture – avec notamment un groupe romain figurant deux petits lévriers datant du Ier siècle –, les objets d’art et surtout la peinture avec des toiles de Léonard de Vinci, Albrecht Dürer, Pieter Boel, Jean-Baptiste Oudry, Edwin Landseer, Georges Stubbs, Rosa Bonheur ou Lucian Freud.

Une amitié canine selon Gainsborough

Thomas Gainsborough représenta ses deux chiens avec beaucoup de spontanéité, l’un assis la gueule entrouverte, l’autre dans un demi-sommeil. Le peintre était particulièrement attaché à ses animaux et ce portrait était accroché dans sa maison. Les bêtes sont peintes comme des êtres sensibles, le regard de Fox semblant empreint de bonté, et sa posture indiquant presque de la bienveillance envers son compagnon. Le point de vue choisi, le cadrage serré, le clair-obscur, la palette restreinte et la proximité physique entre les deux chiens confèrent à ce double portrait une forte intensité.

Thomas Gainsborough (1727-1788), Tristram et Fox, vers 1775-1785. Huile sur toile, 61 x 50,8 cm. Londres, Tate.

Thomas Gainsborough (1727-1788), Tristram et Fox, vers 1775-1785. Huile sur toile, 61 x 50,8 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate Images

La vogue des bichons

Les petits chiens de compagnie devinrent à la mode au XVIIIsiècle, notamment dans l’aristocratie française. François Bachelier, peintre de porcelaine et peintre animalier, réalisa entre autres le portrait de Bébé et Mimi, compagnons de Madame de Pompadour. Ce portrait d’un bichon havanais montre combien ces chiens étaient bichonnés, avec des poils soigneusement coiffés et embellis de rubans. Celui-ci fait le beau, avec un regard tant suppliant que facétieux, certainement pour se faire pardonner d’avoir joué avec les pantoufles de son maître. La niche en velours vert à l’arrière-plan est similaire à celle que l’ébéniste Claude Sené fabriqua pour un des chiens de Marie-Antoinette qui, dit-on, aurait emporté son cher Coco avec elle à l’échafaud.

Jean-Jacques Bachelier (1724-1806), Bichon havanais, 1768. Huile sur toile, 69,8 x 91,1 cm. Barnard Castle, Co. Durham, The Bowes Museum.

Jean-Jacques Bachelier (1724-1806), Bichon havanais, 1768. Huile sur toile, 69,8 x 91,1 cm. Barnard Castle, Co. Durham, The Bowes Museum. Photo service de presse. © The Bowes Museum, Barnard Castle

Parabole à la mode canine

Les portraits de chiens aux expressions et émotions humaines se prêtaient parfaitement à des compositions moralisantes ou satiriques très en vogue au XIXe siècle. Edwin Landseer fit largement profit de ce genre. Ici, il juxtapose non sans humour un énorme Saint-Bernard, repu et endormi dans une niche confortable, et un petit chien terrier maigrichon et pitoyable, qui n’ose pas s’approcher des reliefs du repas de son puissant congénère. Le peintre fait directement allusion à la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare, qui promet la consolation du Paradis pour ceux qui ont souffert. Ce genre d’œuvres, popularisées en gravures, connut un grand succès.

Edwin Landseer (1802-1873), Miettes incertaines, 1859. Huile sur toile, 62,2 x 74,6 cm. Londres, The Wallace Collection.

Edwin Landseer (1802-1873), Miettes incertaines, 1859. Huile sur toile, 62,2 x 74,6 cm. Londres, The Wallace Collection. Photo service de presse. © The Trustees of the Wallace Collection

Brizo, le chien de Rosa Bonheur

La peintre animalière Rosa Bonheur – à laquelle le musée d’Orsay a récemment rendu hommage – représente ici son chien Brizo, dans un portrait intime et très réaliste. Les yeux noisette du chien, qui percent à travers ses longs poils, semblent presque humains, empreints d’intelligence et de compassion. La truffe humide se projette vers le spectateur. Le rendu des poils en longues touches vaporeuses donne au tableau un aspect très tactile, incitant à caresser l’animal.

Rosa Bonheur (1822-1899), Brizo, un chien de berger, 1864. Huile sur toile, 46,1 x 38,4 cm. Londres, The Wallace Collection.

Rosa Bonheur (1822-1899), Brizo, un chien de berger, 1864. Huile sur toile, 46,1 x 38,4 cm. Londres, The Wallace Collection. Photo service de presse. © The Trustees of the Wallace Collection

Les teckels de David Hockney

David Hockney peignit une série de quarante portraits de ses teckels, Stanley et Boodgie. Il procéda en accrochant des toiles dans sa maison, près des endroits où ses chiens dormaient habituellement. Dès qu’un des modèles se trouvait « en position », il le peignait rapidement avant qu’il ne reparte. Ces portraits de ses animaux de compagnie furent un moyen pour lui de surmonter le deuil d’un ami proche. Il explique avoir eu « le besoin de peindre quelque chose d’aimant […] le sujet de la série n’était pas les chiens mais mon amour pour ces petites créatures ».

David Hockney (né en 1937), Peinture de chien 30, 1995. Huile sur toile, 27 x 22 cm. Collection The David Hockney Foundation.

David Hockney (né en 1937), Peinture de chien 30, 1995. Huile sur toile, 27 x 22 cm. Collection The David Hockney Foundation. Photo service de presse. © David Hockney / photo Richard Schmidt / Collection The David Hockney Foundation

« Portraits de chiens : de Gainsborough à Hockney », du 29 mars au 15 octobre 2023 à la Wallace Collection, Hertford House, Manchester Square, Londres. Tél. 00 44 207 563 9500. www.wallacecollection.org

Catalogue, Wallace Collection, 156 p., 22,95 £.