Une plongée au cœur de la création : le Petit Palais présente sa collection de haute joaillerie

Dessinateur non identifié pour Boucheron, Nécessaire papillons, vers 1945. Crayon graphite, encre et gouache au recto, encre et gouache au verso sur papier vélintranslucide, 12,1 x 15 cm. Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Le Petit Palais conserve un fonds d’arts graphiques riche de plus de 5 500 œuvres, rarement montrées en raison de leur fragilité. À travers cette exposition qui présente dessins de bijoux et pièces de joaillerie allant de la seconde moitié du XIXe au milieu du XXe siècle, l’institution met en lumière le processus créatif d’un bijou, qui nécessite la collaboration de nombreux métiers.
Les feuilles présentées vont des premières esquisses aux dessins les plus aboutis. Les dessins signés de grands créateurs et de maisons de joaillerie réputées comme Lalique, Cartier ou Boucheron affichent des qualités artistiques évidentes qui les font admirer pour eux-mêmes, mais ils occupent également une place centrale dans la conception, la fabrication et la commercialisation du bijou. Ces feuilles sont d’autant plus précieuses qu’elles ont parfois survécu aux bijoux qu’elles représentent, voire aux maisons qui les ont vus naître. Désormais dotées d’une valeur patrimoniale, elles constituent de précieux témoignages de l’histoire de la joaillerie et sont une source d’inspiration pour les nouvelles générations.
Dessinateurs non identifiés pour Léon Rouvenat, Broche, années 1850-1870. Crayon graphite, aquarelle et gouache sur papier vélin translucide, 16,3 x 10,8 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais
Abolir la hiérarchie entre les arts
Après avoir travaillé comme dessinateur pour Cartier, Fouquet, Vever ou Boucheron, René Lalique expose des bijoux en son nom à partir de 1895. Il embrasse alors pleinement le courant Art nouveau, qui cherche à abolir la hiérarchie entre les beaux-arts et les arts décoratifs. C’est dans cette optique que le joaillier utilise volontiers des matériaux comme la corne, les pierres fines ou la pâte de verre, qu’il affectionne tant, au détriment des pierres précieuses.
René Lalique (1860-1945), pendentif Anémone des bois, vers 1900. Or, diamants, émail et pâte de verre, 6,6 x 5,2 x 2,5 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais
Jouer de la matière
Henri Vever imagine ses propres bijoux, mais fait également appel à des dessinateurs extérieurs comme Eugène Grasset, qui propose des pièces novatrices. Le peigne reprend ici tous les détails du dessin, pour la réalisation duquel les artistes savent tirer parti des spécificités de chaque support. Ainsi, les papiers colorés mettent en valeur la gouache, tandis que les papiers translucides comme le calque, que l’on peut travailler sur le recto et sur le verso, permettent de traduire la lumière qui traverse les pierres et les émaux.
Georges Callot (1857-1903), dessin d’après le peigne Cygnes et nénuphars, vers 1900. Encre noire, papier calque, gouache, crayon graphite, 23 x 14,8 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais
Vever Frères, d’après un modèle d’Eugène Grasset (1845-1917), peigne Cygnes et nénuphars, vers 1900. Ivoire, or repoussé, émail cloisonné translucide et opaque, 15,5 x 9,5 x 0,5 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais
Un dessin, deux usages
Un gouaché est un dessin très abouti, séduisant, que l’on peut présenter à un client potentiel. C’est également un document de référence pour les ateliers, compréhensible des praticiens, qui vont alors le traduire en trois dimensions. On retrouve ainsi sur cette gouache de la maison Cartier une vue d’ensemble du bracelet et plusieurs détails qui permettent d’en percevoir toutes les faces. On y devine toute la passion de Cartier pour l’Extrême-Orient et ce goût précurseur pour les lignes Art déco.
Dessinateur non identifié, pour Cartier Paris, dessin pour un bracelet Chimères, 1928. Crayon graphite, encre et gouache sur papier vélin translucide. Paris, Archives Cartier. Photo service de presse. © Cartier
Cartier Paris, bracelet rigide Chimères, 1928. Or émaillé, corail sculpté, saphirs, diamants, émeraudes, onyx, 7,4 x 8,15 x 1,60 cm. Paris, Collection Cartier. Photo service de presse. © Cartier / photo Nick Welsh
L’Art nouveau et la nature
Georges Fouquet entame une collaboration féconde avec le dessinateur Charles Desrosiers, à l’origine de nombreux bijoux entre 1898 et 1910. Fervent adepte de l’Art nouveau, il puise son inspiration dans la nature, soit de manière très littérale en citant un motif végétal ou animal, soit de manière plus subtile, à travers un effet de texture par exemple. La graine de sycomore qui constitue le motif central de ce pendentif n’est pas sans évoquer également les ailes diaphanes d’une libellule, un animal très apprécié des joailliers Art nouveau.
Charles Desrosiers, projet de pendentif Sycomore, vers 1905-1910. Crayon graphite et gouache sur papier vélin translucide sur BFK Rives contrecollé sur papier bleu, 12,7 x 17,3 cm. Paris, musée des Arts Décoratifs. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs / Photo Jean Tholance
Georges Fouquet (1862-1957), d’après un modèle de Charles Desrosiers, pendentif Sycomore, entre 1905 et 1910. Or, émaux à jour sur paillons, diamants, deux péridots et une perle baroque, 5,8 x 9 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais © Adagp, Paris, 2025
Un collier tout en délicatesse
En 1895, Georges Fouquet reprend la maison de joaillerie fondée par son père et devient l’un des principaux représentants de l’Art nouveau naissant. Il a souvent recours aux émaux, dont il apprécie la transparence et la délicatesse des couleurs. Il les associe fréquemment à l’opale, une pierre aux reflets changeants, et aux perles baroques aux contours irréguliers. On retrouve dans le collier les moindres détails dessinés par Desrosiers sur son projet.
Charles Desrosiers, projet de collier Fuschias, vers 1905. Crayon graphite et gouache sur papier vélin translucide sur BFK Rives contrecollé sur papier bleu, 27,8 x 22,1 cm. Paris, musée des Arts Décoratifs. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
Georges Fouquet, d’après un modèle de Charles Desrosiers, collier Fuchsias, vers 1905. Or, émaux à jour sur paillons, diamants, perles et opales, 23 x 13 cm. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo CC0 Paris Musées / Petit Palais © Adagp, Paris, 2025
« Dessins de bijoux. Les secrets de la création », du 1er avril au 20 juillet 2025 au Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris. Tél. 01 53 43 40 00. www.petitpalais.paris.fr