Après Rembrandt (en 2015 et 2019) et Vermeer (en 2023), le Rijksmuseum consacre sa première exposition monographique à Frans Hals (1582/1584-1666), le troisième des plus insignes peintres du Siècle d’or hollandais, pourtant moins médiatique que les deux premiers. L’association de l’institution amstellodamoise, de la National Gallery de Londres, qui a accueilli l’exposition à l’automne dernier, et de la Gemäldegalerie de Berlin, où elle terminera son périple à partir de cet été, a donné lieu à des prêts tout particulièrement exceptionnels. Le Frans Hals Museum de Haarlem, ville natale du peintre située à une vingtaine de kilomètres d’Amsterdam, s’est pour sa part dessaisi à cette occasion de plusieurs de ses trésors, à l’instar des grandes toiles figurant le Banquet des officiers de la garde civique de Saint-Georges et Les régents de l’hospice des vieillards.
Édition du 04/06/24 : Deux portraits de la main de Frans Hals identifiés par le Rijksmuseum. Alors que la rétrospective Frans Hals s’apprête à clôturer son étape amstellodamoise pour se déployer à la Gemäldegalerie de Berlin, le Rijksmuseum révèle avoir découvert l’identité de deux personnages dont les portraits ont été peints vers 1637. Il s’agit de Jan van de Poll (1597-1678), maire d’Amsterdam, et de son épouse Duifje van Gerwen (1618-1658), les uniques mariés pour lesquels l’artiste réalisa des portraits en pendant. Les deux époux se rendirent à Haarlem pour des séances de pose, probablement l’année de leur mariage, en 1637. Ce couple de notables sort donc aujourd’hui de l’anonymat, juste avant de gagner les cimaises berlinoises, où l’exposition prendra une tournure un peu différente, les commissaires ayant pris le parti de montrer les œuvres du maître avec celles de ses contemporains.
Il y a plus de trente ans que Frans Hals n’avait fait l’objet d’une rétrospective de cette ampleur. Il faut en effet remonter aux expositions des années 1989-1990 organisées conjointement par la Royal Academy of Arts de Londres, le musée Frans Hals de Haarlem et la National Gallery of Art de Washington, qui étaient accompagnées d’un important catalogue sous la direction du regretté Seymour Slive, éminent spécialiste de l’artiste.
Riches bourgeois et marginaux
Hals est assurément l’un des plus grands peintres du XVIIe siècle. Il en est aussi l’un des plus originaux par l’audace et la modernité époustouflante de son style, identifiable à ses figures brossées à l’aide d’une touche fluide et rapide, si vivantes. Comme l’illustre la diversité des œuvres montrées, l’artiste s’était forgé une clientèle de riches bourgeois dont il immortalisa les traits à travers de sévères portraits, suivant la mode du temps ; il se plaît également à représenter des figures plus populaires ou des marginaux, qu’il traite comme des scènes de genre.
Hals en 48 œuvres
Pas moins de quarante-huit tableaux en provenance de tous les coins de la planète sont réunis au Rijksmuseum, qui a résolu de ne montrer que des œuvres sûres. Deux portraits de jeunes pêcheurs réalisés dans une veine un peu différente font exception à cette règle : l’attribution de ces tableaux, dont l’un est conservé au musée royal des Beaux-Arts d’Anvers et l’autre en mains privées, fait en effet toujours l’objet de discussions. Nous vous proposons de découvrir quelques œuvres à la loupe.
Un musicien impertinent
Il a les honneurs de l’affiche de l’exposition.Chef-d’œuvre du Louvre, ce tableau fit partie des collections Rothschild avant d’entrer au musée, en 1984, par dation. Hals a saisi ce joyeux musicien à l’air impertinent en pleine action ; déguisé en bouffon, il est vêtu d’un costume aux couleurs chatoyantes et contrastées. Le cadrage resserré et le jeu d’ombres et de lumières, qui dénote une influence caravagesque, focalisent toute l’attention sur le modèle.
La tendresse et le faste
Sur ce touchant portrait, la petite Catharina Hooft (1618-1691) est âgée d’environ un an. L’enfant appartient à une grande famille d’Amsterdam ; à l’âge de 16 ans, la jeune fille épousera Cornelis de Graeff (1599-1664), de 19 ans son aîné, l’un des plus puissants maires de la ville. Le rendu de l’étoffe de la robe de la fillette et les détails minutieux de la broderie de son col de dentelle constituent un véritable morceau de bravoure, caractéristique de l’une des manières de peindre de l’artiste.
Un dandy du Siècle d’or
Jasper Schade était à la pointe de la mode, comme en témoignent certains documents de l’époque. Toute la virtuosité de l’artiste est ici condensée dans le détail presque abstrait de la manche en taffetas de sa veste, brossée à grands traits de pinceaux nerveux, à mille lieux de la minutie avec laquelle il traduit la robe de la petite Catharina Hooft, ci-dessus.
Un rieur iconique
Vers la fin du parcours, le visiteur est confronté à ce chef-d’œuvre, peut-être le plus célèbre tableau de Frans Hals, qui a très exceptionnellement fait le voyage à Amsterdam. En effet, la Wallace Collection de Londres qui le conserve ne s’autorise que depuis 2019 à prêter ses trésors. Le modèle âgé de 26 ans (le peintre l’indique au-dessus de la date de l’œuvre) est resté anonyme. La fascination que ce jeune cavalier souriant exerce sur le visiteur est intacte. Est-elle due à l’expressivité de son visage, à son allure, ou bien à la richesse et à l’élégance de son costume, sublimées par l’extraordinaire technique de l’artiste ?
Nathalie d’Alincourt
« Frans Hals »
Jusqu’au 9 juin 2024 au Rijksmuseum
Museumstraat 1, 1071 XX Amsterdam, Pays-Bas
Tél. 00 31 20 674 7000
www.rijksmuseum.nl
Catalogue, Yale University Press, 224 p., 35 €