![Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), Jeanne Bécu, comtesse Du Barry, en peignoir, avec un chapeau de paille (détail), 1781. Huile sur toile marouflée sur isorel, 86 x 66 cm. Collection particulière. © DR](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/Fig.-2-edited.jpg)
Décryptant habituellement la Révolution, l’Empire et les monarchies constitutionnelles, l’historien Emmanuel de Waresquiel s’est laissé séduire par le charme ensorcelant et la personnalité brillante de celle qui fut peut-être la femme la plus ravissante de l’Ancien Régime. Publiée récemment aux éditions Tallandier, la biographie qu’il consacre à Jeanne Du Barry dresse un portrait inédit de la dernière favorite de Louis XV qui, loin du personnage sulfureux que l’Histoire a voulu retenir, s’imposa surtout comme l’un des plus grands mécènes du Siècle des Lumières. Celui qui se définit comme un homme de « sources » ou de « traces » a également retrouvé l’identité du véritable père de Jeanne, le financier Claude Billard du Monceau, ainsi que de sa fille cachée, Marie-Joseph Bécu de Cantigny, dite « Betsi ». Il s’en ouvre aux lecteurs de L’Objet d’Art.
Propos recueillis par Nathalie d’Alincourt et Olivier Paze-Mazzi
![Emmanuel de Waresquiel. © David Atlan](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/Fig.-1-edited.jpg)
En 1771, Jeanne fait construire une variante actualisée et radicale du Petit Trianon : le pavillon de musique de Louveciennes…
Offert par le roi à titre viager, le domaine de Louveciennes se trouve à une dizaine de kilomètres du château de Versailles et s’étend sur trois hectares dans une boucle de la Seine. Un pavillon carré de deux étages y avait été construit pour le premier gouverneur de la machine de Marly, située à proximité. Vétuste et trop exigu pour accueillir le roi, il sera transformé par la favorite avant qu’elle ne décide de construire au bout de ses jardins, sur le bord de la falaise dominant la Seine, un pavillon neuf dédié aux arts, aux fêtes et à la musique. Désireuse de s’affranchir du très officiel Ange-Jacques Gabriel, elle se met en quête d’un homme « à sa main ». Ce sera le jeune Claude-Nicolas Ledoux, un architecte de 33 ans n’ayant encore jamais travaillé pour la Cour. Peut-être avait-elle visité l’hôtel de Montmorency qu’il venait d’achever à l’angle de la rue de la Chaussée-d’Antin ? Poussant sa candidature à l’Académie, Jeanne Du Barry propulsera vers les sommets la carrière de cet architecte visionnaire.
![Le pavillon de musique de la comtesse Du Barry à Louveciennes. © CC0](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/PavillonDeMusique.jpg)
![Pierre Gouthière (1732-1813), d’après un dessin de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), bouton de porte-fenêtre du salon ovale du pavillon de musique de Louveciennes au chiffre de Madame Du Barry, vers 1770. Bronze ciselé et doré, 5,8 cm. Paris, Musée des Arts décoratifs. © MAD Paris / Thomas Hennocque](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/img7-260x300.jpg)
Quels sont ses choix pour le décor intérieur ?
Pour le fastueux décor intérieur de son pavillon de musique, elle passe une époustouflante commande de sièges à Delanois, dont subsistent notamment les deux canapés aux putti figurant les arts, les lettres et les sciences conservés à Rome au palais du Quirinal ; elle sollicite le bronzier-doreur Gouthière qui cisèle d’extraordinaires boutons de portes ornés de son chiffre. Passionnée de jardins, elle fait littéralement entrer la nature à l’intérieur de l’édifice, et ordonnera bientôt de dessiner l’un des premiers jardins anglo-chinois.
![Jean-Baptiste Cagny, Louis Delanois (1731-1792) et Nicolas Guichard, écran à feu livré pour le salon carré du pavillon de musique de Louveciennes, vers 1770-1771. Bois de hêtre, 107 x 79 x 47 cm. Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Adrien Didierjean](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/ECRAN-DELANOIS-LOUVECIENNES-LOUVRE.jpg)
Le pavillon de musique est inauguré le 2 septembre 1771 par une fête somptueuse donnée en l’honneur du roi…
La merveilleuse aquarelle exécutée par Moreau le Jeune et conservée au Louvre donne à voir le fabuleux dîner servi ce soir-là. La manufacture de Sèvres avait livré un somptueux service en porcelaine, tandis que Roettiers avait façonné en urgence 120 assiettes et quelque 70 pièces de forme en argent pour un poids de 350 kg, une commande dont il ne subsiste rien.
![Jean-Michel Moreau le Jeune (1741-1814), Fête inaugurale donnée à Louveciennes, le 2 septembre 1771. Aquarelle, plume, lavis gris et rehauts de blanc, 31,6 x 26,4 cm. Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/3273_document-1.jpg)
Ironiquement, la favorite est pourtant passée à la postérité par les arts de la table…
On en fait l’inventrice du foie gras et de la soupe au chou-fleur ! Mais je n’ai jamais retrouvé le moindre menu… C’est un personnage que l’on n’a cessé de réinventer : la fin du XIXe siècle crée ainsi le potage Du Barry. Quand en 1908, Joseph et Gabrielle Dubarry, lui, maître ferblantier, elle, charcutière, décident de fabriquer « le meilleur foie gras du monde », ils ont l’idée lumineuse de jouer de leur patronyme pour entrer dans l’histoire de la gastronomie : l’épicerie fine « Comtesse Du Barry » voit le jour.
Retrouvez les épisodes précédents de notre série « Jeanne Du Barry » :
Épisode I : « la faute est aux dieux qui la firent si belle »
Épisode II : reine de Versailles et de Fontainebleau
![](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/1874-la-naissance-de-l-impressionnisme_pdt_54197.jpg)
Entretien à retrouver en intégralité dans :
L’Objet d’Art n° 610
1874, la naissance de l’impressionnisme
98 p., 11 €.
À commander sur : www.estampille-objetdart.com
![](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/jeanne-du-barry-crg.jpg)
À lire :
Emmanuel de Waresquiel
Jeanne Du Barry. Une ambition au féminin
Tallandier
592 p., 27,90 €.