![Tirage en plâtre d’une tête féminine dite Junon Regina (détail). Plâtre peint de Joseph Marius Vacher, 1903. H. 43 cm, l. 23 cm, ép. 26 cm. MAN 49400. © MAN, Valorie Gô](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/1-Objet-632-edited.jpg)
Le musée d’Archéologie nationale conserve dans ses réserves la copie en plâtre peint d’une tête en bronze réalisée d’après un original découvert à Villette-Serpaize (aujourd’hui Villette-de-Vienne en Isère) et conservé au musée Lugdunum de Lyon. L’histoire de cet objet souligne la place de la copie dans la politique d’enrichissement du musée de Saint-Germain au tournant des XIXe et XXe siècles et l’importance du moulage dans la diffusion et la réception des œuvres antiques.
En novembre 1859, le cultivateur Pierre Favier découvre sur un terrain de fermage au lieu-dit Les Minards une tête féminine en bronze.
Une célébrité rapidement acquise
Son acquisition par Edmé-Camille Martin-Daussigny pour les musées de Lyon en assure la publicité : le Moniteur viennois du 25 novembre 1859 l’inscrit en page de titre et les informations sont reprises immédiatement par d’autres journaux, comme le Moniteur universel et le Journal des débats politiques et littéraires. La Revue archéologique s’en fait l’écho au début de l’année 1860. La découverte est discutée dans les milieux savants, aussi bien à l’Académie de Lyon qu’à l’Académie des inscriptions et belles-lettres où la tête est présentée par l’éminent épigraphiste Léon Renier. Il est vrai que sa taille grandeur nature, son matériau (bronze plaqué d’argent), son arrachement à la base du cou qui suppose une statue en pied et l’inscription sur son diadème suscitent l’intérêt. D’autant que l’harmonie des traits en font rapidement un chef-d’œuvre des collections lyonnaises et plus largement de la statuaire gallo-romaine en bronze. Sa présentation à l’Exposition universelle de 1867 à Paris a, selon E.-C. Martin-Daussigny, « excité l’admiration des artistes et archéologues de toute l’Europe ». Cette célébrité explique la volonté de dupliquer la pièce pour en faire des reproductions qui pourraient être vendues aux admirateurs.
![Tête de divinité féminine en bronze plaqué d’argent provenant de Villette-Serpaize près de Vienne (Isère), conservée au musée Lugdunum à Lyon (Br.034), Ier siècle de notre ère. © Jean-Michel Degueule, Christian Thioc, Lugdunum](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/2-Objet-du-mois-632-1.jpg)
De Lyon à Saint-Germain
L’exemplaire du musée d’Archéologie nationale est l’œuvre d’un mouleur lyonnais du nom de Joseph Marius Victor Vacher. Monté sur un piédouche, il présente quelques différences notables avec l’original, notamment le diadème restitué, le comblement et la restitution sommaire de la chevelure à l’emplacement d’un trou sommital accidentel. La patine, quant à elle, ne rend pas les mêmes nuances que l’épiderme antique.
![Tirage en plâtre d’une tête féminine dite Junon Regina. Plâtre peint de Joseph Marius Vacher, 1903. H. 43 cm, l. 23 cm, ép. 26 cm. MAN 49400. © MAN, Valorie Gô](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/06/1-Objet-632-scaled.jpg)
L’œuvre de « M. Vacher »
Plus connu sous le nom de « M. Vacher », l’auteur de cette reproduction travaille régulièrement pour le Palais des Arts, siège des musées de Lyon, à partir de 1885, et devient officiellement en 1890 fonctionnaire en tant que mouleur attitré de l’École des Beaux-Arts de Lyon. Comme tel, il fournit l’École en modèles et assure l’entretien des collections, tout en poursuivant ses activités au musée de Lyon et son commerce. Il accompagne également l’installation des collections de plâtres de l’université entre 1896 et 1904. C’est dans ce contexte que survient la commande du musée de Saint-Germain. Salomon Reinach, qui en est le directeur depuis 1902, est de longue date en relation avec Henri Lechat, chargé du cours d’archéologie à l’université de Lyon et conservateur du musée des moulages lié à cet enseignement. Début 1903, alors qu’il est en train d’achever son Recueil de têtes antiques idéales ou idéalisées, il le sollicite à propos de la « Junon Regina » ou « Colonia de Vienne », les deux noms donnés à l’époque à cette tête féminine en bronze. H. Lechat l’oriente vers M. Vacher, qui lui a fourni l’exemplaire (aujourd’hui disparu) qu’il possède dans son propre musée.
Soline Morinière
Chargée d’études documentaires au musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
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À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 632 (juin 2024)
L’archéologie à la conquête du cheval
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